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Le travail, bonheur pour les uns, fardeau pour les autres

Selon Paul Magnette, différents indicateurs comme la croissance des pathologies professionnelles (maux de dos ou de tête, dépressions, burn-out) expriment le désir d’autres formes de travail.
© Thierry Porchet

Selon Paul Magnette, différents indicateurs comme la croissance des pathologies professionnelles (maux de dos ou de tête, dépressions, burn-out) expriment le désir d’autres formes de travail.

Quand la moitié de nos contemporains disent s’épanouir dans leur emploi, l’ouvrage «L’autre moitié du monde» relève qu’un salarié sur deux vit dans la souffrance

En réponse à la souffrance vécue par la moitié des salariés, Paul Magnette, politologue, bourgmestre de Charleroi et président du Parti socialiste belge, explique que la droite glorifie «ceux qui se lèvent tôt» et «ne mesurent pas leur peine», invite à «travailler plus pour gagner plus» et dénonce une «épidémie de flemme».

Paul Magnette précise sa pensée dans son dernier ouvrage, L’autre moitié du monde. Essai sur le sens de la valeur du travail*. A son avis, le poids croissant des dirigeants financiers dans les entreprises et l’économie en général accentue les inégalités de salaires et la concentration du capital. Malgré cela, la majorité des salariés se disent heureux de leur travail. Mais pour «l’autre moitié du monde», souligne l’auteur, «le travail n’est plus qu’un fardeau». En raison de salaires qui permettent à peine de vivre, de tâches lourdes et répétitives, d’une organisation du travail sur laquelle on n’a aucune prise, des brimades de la hiérarchie, ou encore du mépris et de l’agressivité du public.

De Sarkozy… 

Malgré cela, nous dit Paul Magnette, le travail doit être une priorité pour la gauche. Car jusqu’ici, «personne n’a davantage reconnu la valeur du travail que le mouvement ouvrier», alors qu’en plaçant la «valeur travail» au cœur de sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy reconnaissait que «longtemps la droite a ignoré le travailleur». Ce discours n’avait qu’un objectif électoral, alors que, pour les syndicats et pour la gauche, il importe de changer fondamentalement les buts, l’organisation et finalement le sens du travail.

… à la contre-offensive

Selon Paul Magnette, quatre tendances montrent que le moment de la contre-offensive est venu:

1. La croissance des pathologies professionnelles (maux de dos ou de tête, dépressions, burn-out) exprime le désir d’autres formes de travail.

2. Le fait que les salariés octroient toujours plus d’importance à la qualité de leur travail est aussi une tendance encourageante.

3. Les vastes et vives réactions suscitées, en France, par la récente réforme des retraites constituent un signe fort de ces aspirations à transformer le travail.

4. La multiplication de nouvelles formes de travail constitue un dernier signe d’espoir. Comme aux débuts de la révolution industrielle ou à la fin des Trente Glorieuses (1945-1975), rappelle Paul Magnette, «on voit aujourd’hui se multiplier des modalités d’organisations alternatives à travers lesquelles s’expérimentent d’autres formes de travail, ravivant l’idéal de l’expression de soi et de la collaboration avec autrui».

Cette dernière réflexion est sans conteste essentielle, mais elle doit aller de pair, selon nous, avec une réduction massive de la durée du travail, pour des raisons tout à la fois sociales, économiques, familiales, égalitaires (entre hommes et femmes) et écologiques. 


* Paul Magnette, L’autre moitié du monde. Essai sur le sens de la valeur du travail, Editions La Découverte, Paris, janvier 2024.

Le syndicalisme est politique

Cette affirmation forme le cœur d’un ouvrage précisément intitulé Le syndicalisme est politique, paru aux Editions La Dispute, et rédigé par le sociologue Karel Yon et sept autres chercheurs en sciences sociales. A leur avis, le grand mouvement social pour les retraites en France, au printemps 2023, vient d’en faire la démonstration, à rebours des discours dominants qui dissocient la démocratie sociale de la démocratie politique. Le syndicalisme français avait été très politique, CGT en tête, en 1936, alors que, dans les années 1960-1970, c’est la CFDT qui avait été un acteur central de la renaissance et de l’unification de la gauche. On a par la suite assisté à un phénomène de dépolitisation, en particulier lors de l’élection présidentielle de 2022, dont les syndicats sont pour l’essentiel restés à l’écart, en se réfugiant derrière la Charte d’Amiens de 1906, qui prône l’indépendance syndicale face aux partis. Mais la bataille des retraites de 2023 a changé une nouvelle fois la donne, selon les auteurs, l’intersyndicale devenant «un acteur politique à égalité avec les partis, l’opposition parlementaire et le gouvernement». A l’avenir, ce rôle politique du mouvement syndical pourrait encore se renforcer à la faveur de nouvelles luttes, comme celle des femmes, ou de la transition climatique. 

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