Les «bons points» de Postfinance
Les employés de la division bancaire de La Poste sont appelés à juger leurs collègues en leur distribuant des «Powercoins». Syndicom exige des garanties
Postfinance innove dans sa gestion du personnel. Comme le révélaient les médias début septembre, les employés de la banque postale sont désormais invités à distribuer des bons points à leurs collègues. Cela pour des «comportements que l’employeur considère comme exemplaires», expliquait la RTS, par exemple pour avoir pris une «décision audacieuse» ou pour s’être «exposé». Ce système de «Powercoins» numériques a été mis en place par le responsable de la «transformation du personnel» de Postfinance, Roger Lötscher. Ce dernier se défend d’instaurer un instrument d’évaluation. Selon l’émission 10vor10 de la télévision suisse alémanique, il soutient qu’il ne s’agit pas de juger de la qualité d’un travail mais de «savoir si quelqu’un s’est comporté de manière positive».
Comme le souligne le média en ligne ICTjournal, cet encouragement des comportements fait partie des objectifs des nouvelles méthodes de gestion du personnel, telles que les nudges ou la gamification. Sous ces noms étranges se cachent notamment une manière «douce» de changement des comportements (nudges) ainsi que l’introduction de procédés ludiques dans l’entreprise (gamification). Un vaste programme qui n’est pas sans inquiéter Syndicom, le syndicat des employés de La Poste et de Postfinance.
Système insidieux
Alerté par des membres, Syndicom a dénoncé les dangers de ce nouveau système de contrôle et de notifications entre collègues, auquel un tiers des 3500 employés de Postfinance avaient déjà adhéré début septembre. «Pour l’instant, cette participation est volontaire, mais le processus est insidieux. Il y a une grande pression de l’employeur, qui prétend que cette nouveauté fait partie de la nécessaire transformation de l’entreprise pour le futur. Les collègues nous ayant informés n’ont pas eu d’autre choix que d’y participer», indique David Roth, secrétaire central de Syndicom, argumentant que la personne qui le refuse peut être vue comme inapte à ce changement pour l’avenir. Le responsable du secteur logistique du syndicat ajoute que ce nouveau procédé s’inscrit dans le cadre de la réorganisation de Postfinance autour du concept de «Digital Powerhouse». Un concept destiné tant à la clientèle, qui devra être à même d’effectuer ses opérations dans un «libre-service numérique», qu’au personnel à qui l’on impose une nouvelle culture d’entreprise.
Contrôle permanent
Autre inquiétude soulevée par les Powercoins, la possibilité de choisir si les jetons donnés ou reçus restent confidentiels ou non au sein de l’équipe. «Quand tout va bien, cela ne pose pas de problème. Mais quand les choses se gâtent et que l’employé souhaite redevenir anonyme, cela peut être interprété en sa défaveur», note le syndicaliste. Il précise qu’officiellement, ce système n’aura pas d’effet sur les salaires, mais il en doute. «Ces notations pourraient être utilisées lors de l’évaluation annuelle et avoir une répercussion sur la revalorisation salariale, même si Postfinance prétend le contraire. Par ailleurs, l’entreprise nous dit que ce système ne peut pas générer de mobbing, car il n’y a que des feedbacks positifs. Or, si une personne ne reçoit aucun point, cela pourra aussi dire quelque chose! Tout cela est problématique», souligne David Roth, qui ajoute, en souriant: «Un employé m’a dit qu’il distribuerait tous ses bons points à son chef et qu’après, il serait tranquille!»
Or, cela ne sera certainement pas le cas, réagit le syndicaliste, qui dénonce l’instauration d’une pression continue de donner son avis et d’être jugé en permanence. Face à ces inquiétudes, le syndicat a interpellé Postfinance: «Nous avons déjà eu une séance. Nous n’avons pas la force suffisante pour faire stopper ce processus, mais nous voulons obtenir des garanties pour que ce système n’influence pas les progressions salariales. Nous allons être attentifs à cela et observer également son impact sur l’ambiance de travail et les relations entre collègues.»