«Les droits humains doivent être placés au centre de la stratégie du Conseil fédéral»
Une manifestation silencieuse a réuni une cinquantaine de personnes à Berne, en solidarité avec les peuples menacés en Chine et pour faire pression sur le Gouvernement suisse. Entretien avec le conseiller national socialiste Fabian Molina
Dans le silence, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées jeudi soir dernier sur la place de la gare de Berne. Organisée notamment par la Société pour les peuples menacés, l’Association Ouïghours Suisse, Campax et des organisations tibétaines, la manifestation avait pour but de demander à la Suisse de revoir sa stratégie politique à l’égard de la Chine. En effet, alors que le Conseil fédéral doit préciser sa stratégie officielle dans les semaines à venir dans le cadre de l’accord de libre-échange qu’elle a signé avec la Chine en 2015, les activistes exigent qu’il accorde aux droits humains «au moins autant d’importance qu’aux intérêts économiques».
Ils mettent en avant les multiples rapports alarmants sur la situation des droits humains dans ce pays, à savoir au moins un million d’Ouïghours retenus dans des camps d’internement et des dizaines de milliers d’autres contraints au travail forcé dans des usines, mais aussi au Tibet, où la population est obligée de participer à des programmes de travail et est parfois déportée dans d’autres régions. Sans oublier la surveillance, l’intimidation et la répression sur les familles de ces communautés en exil.
Dans le détail, ces associations exigent du Conseil fédéral qu’il confirme «expressément» dans ledit accord le respect des droits humains, du droit du travail et des droits des minorités mais aussi qu’il s’engage, au niveau international et principalement vis-à-vis de la Chine, pour la fermeture immédiate des camps d’internement et la fin des programmes de travail forcé au Turkestan oriental et au Tibet.
Fabian Molina, conseiller national socialiste membre de la Commission de politique extérieure, qui a soutenu cette action, répond à nos questions.
Quels sont les enjeux politiques et stratégiques de ces prochaines semaines?
Nous savons depuis plusieurs années que la Chine viole les droits humains de manière extraordinaire et brutale, le million de Ouïghours n’étant qu’un exemple. Et jusqu’à aujourd’hui, cela n’a eu aucun impact sur la politique suisse vis-à-vis de la Chine. L’accord de libre-échange entre les deux pays est toujours en vigueur. La Suisse a condamné les camps d’internement et demandé leur fermeture auprès du Conseil des droits humains mais la politique est restée inchangée.
Le Conseil fédéral a annoncé la publication de sa stratégie pour 2021. Nous demandons que les droits humains soient au centre de celle-ci, et que des sanctions soient prévues en cas de non-respect de ces droits, comme l’a récemment annoncé l’Union européenne. Car, pour l’heure, cela n’a aucune conséquence sur l’accord entre les deux partenaires. Quelles mesures et quelles sanctions face à ces abus? C’est le débat qu’il faut mener.
Vous demandez que les droits humains soient au cœur de l’accord entre la Suisse et la Chine. Est-ce que le gouvernement de notre pays compte aller dans cette direction?
Non, il y a peu de chances. Si on veut vraiment changer les choses, cela signifie que la Suisse doit hausser le ton et durcir le rapport de force avec la Chine, ce qui aura des conséquences économiques. Je n’ai pas l’impression que le Conseil fédéral soit prêt à aller dans ce sens.
Cette manifestation silencieuse est-elle suffisante pour se faire entendre et faire pression sur le Conseil fédéral?
Cette action est une très bonne initiative. Il est très difficile de s’exprimer politiquement cette année en raison de la pandémie de Covid-19, mais elle prouve qu’on trouve toujours un moyen. Il était aussi important pour nous de montrer à toutes ces victimes du régime chinois qu’elles ne sont pas seules, et que le peuple suisse est solidaire.