«Les personnes avant les profits»
Quelque 400 salariés d’usines Nestlé en Allemagne ont manifesté devant le siège de la multinationale à Vevey contre la fermeture de sites et la dégradation de leurs conditions de travail
Important et bruyant rassemblement le 2 octobre dernier devant l’entreprise Nestlé, à Vevey, organisé par le syndicat allemand des travailleurs de l’alimentation, NGG. Venus de plusieurs villes d’Allemagne à bord de onze bus, quelque 400 ouvriers ont fait le voyage pour exprimer leur colère face aux restructurations annoncées à la mi-juin. La multinationale envisage en effet de fermer des usines et des lignes de production et de réduire les coûts salariaux. Six sites sont affectés par ces décisions, à savoir celui de Ludwigsbourg (succédanés de café) et de Weiding (laboratoire) – qui vont devoir mettre la clef sous le paillasson – de Singen et Lüdinghausen (Maggi), de Biessenhofen (céréales pour bébés), et le siège national de Frankfort. Les salariés allemands ont dénoncé en force cette situation, soutenus par des représentants de différents syndicats, dont l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie et des branches connexes (UITA) et Unia.
Plusieurs centaines de postes à la trappe
«Près de 600 personnes sont menacées de perdre leur emploi. L’entreprise projette en outre, dans certaines usines, d’élargir le temps de travail sans compensation financière», s’indigne Jacqueline Baroncini, responsable du secteur alimentaire à l’UITA. Nestlé a déjà, fin de l’année dernière, mis un terme aux activités de l’usine de café de Mayence, biffant 380 postes. «Le motif avancé par la multinationale pour justifier ses restructurations? Maintenir sa compétitivité sur un marché en plein changement. Mais il s’agit avant tout d’augmenter la marge bénéficiaire de la société de 16 à 18,5% comme l’a annoncé le PDG Ulf Mark Schneider, cédant à la pression des actionnaires et agissant sur le dos des salariés.»
Banderoles et drapeaux déployés, les manifestants ont crié d’une même voix: «Mensch vor Marge» (Les personnes avant les profits, ndlr). Une ligne également défendue par Unia. «Nestlé a aussi commencé à restructurer en Suisse. 450 postes sont supprimés dans l’informatique et une cinquantaine d’autres à Nespresso», chiffre Nicole Vassalli, secrétaire syndicale d’Unia, dénonçant pareillement la dégradation de conditions de travail dans les usines Nespresso avec des changements organisationnels.
Orientation actionnaires
Soufflant dans des sifflets et des vuvuzelas, agitant des cloches ou battant tambours, les participants ont attiré bruyamment l’attention de la direction avant de lui remettre une pétition munie de 17000 signatures réclamant l’arrêt des mesures d’économies. «Un entretien a eu lieu avec le responsable des ressources humaines, Chris Johnson. Il a affirmé entendre les préoccupations des employés et annoncé qu’il reviendrait vers eux... La rencontre n’a toutefois débouché sur rien de concret», poursuit la collaboratrice de l’UITA non sans souligner l’importance pour les travailleurs de ce rassemblement. «Ils ont montré leur attachement à l’entreprise. Ils sont Nestlé. C’est aussi une lutte pour le respect.» Un combat encore partagé par des syndicalistes venus des quatre coins du monde ou presque et des salariés romands. «Une manifestation de la solidarité internationale. Un message d’espoir. On peut changer les choses», commente un travailleur de Nestlé en Suisse, ayant participé à l’action. Et l’homme de regretter l’orientation prise par l’entreprise devenue une «boîte d’actionnaires». «On le remarque aussi dans nos frontières. Il y a une forte pression sur le personnel. Il faut toujours plus de rendement. Avec un volume de travail qui augmente sans cesse. Je me bats pour la sauvegarde des postes. J’y crois», poursuit-il tout en déplorant le manque de protection dans nos frontières contre les licenciements collectifs. Et l’homme de renchérir. «Nestlé est en train de détruire son image. Je suis déçu par le tournant pris. Avant la société présentait un visage plus humain.» Un constat d’autant plus douloureux que l’employé, comptabilisant de nombreuses années de service dans la société, précise se passionner pour son job. «C’est ce qui me tient, soupire-t-il, même si le moral en prend un coup.»