«C’est l’usine»
Marie-Prune* et ses collègues
«Nous tirons la sonnette d’alarme depuis deux ans, moment où nous avons clairement senti une dégradation. Tout le monde s’accorde à dire que le nombre de consultations augmente et que la complexité des soins et des prises en charge aussi, mais le personnel ne cesse de diminuer. Nous sommes à bout de nerfs: nous n’arrivons pas systématiquement à prendre nos pauses (30 + 15 minutes par service de 8 heures, ndlr), même pas à aller aux toilettes parfois! Hier soir, une infirmière de nuit s’est fait agresser par des parents car il y avait 7 heures d’attente. C’est l’usine, nous n’avons pas le temps de créer du lien, le travail doit être vite fait. Pourtant, notre rôle devrait aussi être de rassurer, encourager, informer et prévenir, mais nous n’avons pas de temps pour cela. Du coup, les arrêts maladie des collègues explosent, nous avons un taux d’absentéisme de 12%… La direction pallie ces absences en nous envoyant des intérimaires qui ne sont pas qualifiés sur ce genre de soins ni sur ce type de patientèle, par conséquent, nous devons les former et cela nous prend du temps. Car prendre en charge un enfant et ses parents est bien spécifique, et faire un simple bilan de sang chez un petit ne nécessitera pas la même approche qu’avec un adulte. Certains jours, nous sommes deux infirmiers fixes pour cinq intérimaires, c’est ingérable. Sans parler des changements fréquents: on fait tout le travail de formation et puis, du jour au lendemain, quand le soignant est opérationnel, sa mission se termine et il faut recommencer avec quelqu’un d’autre.
Dans ces conditions, il y a clairement un risque pour la qualité des soins prodigués et la sécurité des patients qui sont moins bien pris en charge. On a peur d’arriver au drame. Et face à l’attitude de la direction, nous n’avons pas eu d’autre choix que de prendre des mesures de lutte: on ne se consacre plus qu’aux soins des enfants.» MT
*Prénom d’emprunt