Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

L’homme aux trois chiens et aux trente sabots

Portrait de Dominique Magliano, sabot à la main.
© Thierry Porchet

Dominique Magliano, bien dans sa vie et ses sabots qu’il porte été comme hiver.

Responsable de l’entreprise de plâtrerie, peinture et isolation BCGyps à Martigny, Dominique Magliano est fier du chemin effectué. Un parcours sans ligne droite

Vouloir c’est pouvoir: une maxime qu’a faite sienne Dominique Magliano. La trajectoire de ce truculent personnage, profondément humain, l’a conduit à se former dans différents métiers, à travailler pour plusieurs patrons, à cumuler les activités. Aujourd’hui, l’homme de 54 ans œuvre comme responsable de BCGyps, une entreprise de plâtrerie, peinture et isolation à Martigny comptant une quinzaine de salariés fixes et des temporaires. Mais pas question de lui coller l’étiquette de directeur. Dominique Magliano affirme se trouver au même niveau que ses employés. Et n’hésite jamais, sur les chantiers, à leur donner un coup de main. Cet «ouvrier comme les autres» assume un rôle de chef depuis 2009 et valorise un «esprit de famille». «J’ai été propulsé à ce poste à mon arrivée dans l’entreprise en reconnaissance de l’expérience acquise dans la branche. Au début, j’étais inquiet. J’ai découvert la TVA, les charges à payer, les rappels, la paperasserie... Mais je m’en suis bien sorti. On s’est agrandi», raconte, jovial, Dominique Magliano, ravi de la confiance accordée par ses patrons et aussi engagé syndicalement. Membre d’Unia, le militant de la première heure, acquis depuis toujours à l’idée d'égalité, se montre favorable à une augmentation de salaire dans la branche. Il regrette toutefois que la nouvelle génération ne lutte plus comme à son époque. «Elle n’a pas connu la crise et se repose sur des acquis. De mon temps, la mentalité était différente. On se battait pour gagner son indépendance, innover, inventer. Je ne remarque pas cette même rage», note le quinquagénaire ouvrant l’album des souvenirs...

Un sacré succès

Dominique Magliano est l’aîné d’une fratrie de trois enfants. Ses parents, originaires du sud de l’Italie, immigrent à Salvan dans les années 1960 pour des raisons économiques. «Mon père cumulait trois jobs. Peintre en bâtiment, il s’occupait également des entrées au cinéma. En outre, une à deux fois par semaine, il se rendait pour le compte de Migros dans des élevages de poules, les capturaient et les conduisaient dans des caisses à l’abattoir. Une activité remplie la nuit pour ne pas froisser, j’imagine, les sensibilités.» En 1982, la famille retourne en Italie. Cette situation contraint Dominique Magliano, âgé alors de 14 ans, à redoubler une année. Il effectue par la suite un CFC d’électricien, puis de boulanger et, enfin, de peintre en bâtiment, histoire de multiplier les chances de trouver un emploi. Dans l’intervalle, son père a acheté une station-service. Le jeune homme y travaille tout en animant, à côté, une radio privée. Le soir, il opère aussi comme DJ et chante dans un groupe de variétés. «J’avais un sacré succès. Je donnais des autographes», sourit le polyvalent, regard pétillant, arrêté dans son élan par l’obligation d’effectuer son service militaire. Cette immersion au sein d’un régiment de cavalerie contribuera à forger sa personnalité. «Les valeurs transmises portaient sur la prise d’initiatives et la formation de gentleman, d’homme de parole. Une poignée de main équivaut pour moi à un acte notarial en trois exemplaires. J’y ai appris aussi la discipline, la protection d’autrui et le respect de l’animal.»

Brouille avec son père

A son retour de l’armée, Dominique Magliano se brouille avec son père. Ce dernier, bien que fils d’agriculteur, s’oppose à son mariage avec une jeune femme en raison de son origine paysanne. Dominique Magliano claque la porte du domicile familial et décide de partir en Suisse. «J’ai vécu ma première révolution syndicale... J’ai renoncé à la poule aux œufs d’or pour l’inconnu – je gagnais bien ma vie à la station-service et recevais en plus un argent de poche substantiel. Le 29 décembre 1989, j’ai appelé ma fiancée pour l’informer de mon départ et lui ai promis de revenir l’épouser.» Arrivé à Martigny, Dominique Magliano est accueilli chez un oncle. Et se démène pour obtenir un permis de séjour et décrocher un job. De fil en aiguille, le peintre en bâtiment fait sa place et ses preuves dans le domaine. Comme son père, il va aussi travailler le soir dans un cinéma en tant que placeur et opérateur – une activité qu’il exerce toujours – et à la cantine d’un club de sport. «J’étais bien décidé à lui prouver que je pouvais me débrouiller sans lui demander cinq centimes.» En moins d’un an, Dominique Magliano réunit assez d’argent pour marier celle qui l’attend au pays. Ensemble, ils rentrent en Valais. De cette union naîtront deux enfants. La vie suit son cours. Dominique Magliano change de patrons au gré des aléas économiques, notant fièrement que, malgré des fermetures d’entreprises, il ne fera pas un jour de chômage. Et acquérant au fil du temps biens et aisance matérielle. «Je suis fier de mon parcours. Je suis parti de rien, mais je n’ai pas besoin de tout ça», précise celui qui regrettera toutefois que son père, décédé depuis, ne l’ait jamais félicité pour sa réussite.

Coup de foudre

En 2014, un chapitre se termine. Dominique Magliano se sépare, puis divorce de sa femme quatre ans plus tard. Pour tromper sa solitude, il prend un bolonka, sorte de bichon russe. L’homme en possède aujourd’hui deux supplémentaires. «Je suis connu à Martigny comme l’homme aux trois petits chiens, rigole Dominique Magliano, et aussi pour mes sabots.» Des souliers – il en a trente paires – qu’il porte été comme hiver, sans chaussettes, vantant leur confort.

La roue affective a aussi tourné pour le quinquagénaire qui vient de se remarier avec Monica, une infirmière rencontrée en 2019. L’histoire d’un coup de foudre qui allume des étoiles dans ses yeux. «C’est la femme de ma vie. Je suis très heureux. Ma définition du bonheur? Avoir du plaisir à rentrer chez moi le soir, savoir que les enfants vont bien, vivre dans une ville calme et accueillante.» Un goût pour une certaine simplicité que cultive cet homme généreux et d’une grande sensibilité aspirant seulement, les fins de semaine, à s’évader avec son épouse et sa minimeute au volant de son camping-car...