L’ouvrière pharmacienne naturopathe défend la nécessité de solidarité

Si Anabela Santos aime son métier, elle déplore le fait qu’en dix ans, aucune avancée n’a été obtenue et que l’image de la profession s’est dégradée.
C’est une personne positive, calme et obstinée – certains diront têtue – qui aime rappeler que les patrons, sans personnel, ne peuvent pas grand-chose. Et qui regrette que la Loi sur le travail «ne protège que peu les salariés». Ce constat participe de sa volonté de s’engager davantage sur le front syndical. Candidate à la présidence d’Unia Fribourg – les élections se tiendront le 12 avril – Anabela Santos, 43 ans, est bien décidée à s’investir dans la défense de la classe laborieuse. La pharmacienne, gérante adjointe d’une enseigne près de Bulle, espère non seulement obtenir des améliorations dans son métier, mais aussi dans d’autres branches. Par solidarité. Par idéal. Parce qu’elle refuse, précise-t-elle, que des personnes soient tenues à l’écart. «Je suis une ouvrière», sourit la quadragénaire. Si les conditions dans le commerce où elle travaille se révèlent plutôt bonnes, elle note qu’il reste beaucoup à faire dans le secteur, en particulier pour les assistantes en pharmacie – la profession compte une majorité de femmes.
Jusqu’à 800 francs de différence!
«La revendication principale porte sur la conclusion d’une convention collective de travail (CCT) cantonale dans le commerce de détail.» Un accord qui devrait garantir des salaires minimums, un 13e pour tous, le paiement de toutes les heures travaillées ou encore la généralisation des cinq semaines de vacances. Une telle issue constituerait peut-être un premier pas en vue, à terme, d’une CCT spécifique aux pharmacies. «C’est en tout cas mon souhait», note Anabela Santos, soulignant que les professionnels du domaine, aux connaissances étoffées et pointues, ne sont pas des vendeurs. Et s’indignant des importants écarts de salaires dans la branche en l’absence de barèmes établis. «J’ai eu gagné jusqu’à 800 francs de différence, selon l’employeur», indique la militante, plaidant pour que les assistantes en pharmacie bénéficient d’une rémunération de 5000 francs ou, au moins, de 4500 francs. Un engagement naturel pour la native du Portugal confrontée, durant son parcours, à des injustices et des irrégularités. D’abord en tant que stagiaire, où elle a dû se battre pour avoir droit à une formation digne de ce nom. Elle sera aussi par la suite victime de mobbing, contrainte par un employeur d’effectuer des facturations illégales, licenciée en raison de son implication dans le syndicat...
Déracinée à l’adolescence...
«Je suis consciente des risques de s’engager avec Unia, mais je n’en parle pas à tous. Et puis, il manque du personnel dans mon domaine», temporise Anabela Santos, qui vient par ailleurs de déposer une demande de naturalisation, histoire de pouvoir aussi jouir de droits politiques. Une étape supplémentaire pour cette Suissesse de cœur arrivée à l’âge de 2 ans dans nos frontières. Avant, quatorze ans plus tard, de devoir retourner dans sa patrie. «Ma maman a voulu rentrer. Un déracinement pour moi. Je parlais portugais, mais ne l’écrivais pas.» Rattrapant ses lacunes, Anabela Santos suit la Faculté des lettres dans sa langue natale et en français. Au décès de sa mère, l’universitaire reprend le centre de diététique qu’elle dirigeait non loin de Porto. Et entreprend une formation en naturopathie, approche qu’elle privilégie toujours quand elle tombe malade. «En revanche, je n’avais pas de notions de sciences. J’ai alors décidé, à 28 ans, d’effectuer des études de pharmacienne et j’ai repris le chemin de la Suisse.» Menant de front son cursus et l’éducation de son enfant alors âgé de 7 ans, la mère célibataire devient, cinq ans plus tard, pharmacienne.
Manque de reconnaissance
Si Anabela Santos aime son métier qu’elle qualifie de formidable, elle peine à se projeter dans la profession sur le long terme. «C’est usant. On est tout le temps debout, les horaires sont longs. En dix ans, on n’a pas obtenu d’avancées. Et surtout, l’image de la profession s’est dégradée. On manque de reconnaissance.» De quoi désoler la pharmacienne qui apprécie par-dessus tout dans son travail le contact avec la patientèle. Et ce sentiment d’être utile. A raison. Entre qualité d’écoute et conseils avisés, les professionnels du domaine sont bien souvent le maillon indispensable dans une approche holistique et humanisée de la santé...