Mettre hors la loi les armes nucléaires
La Suisse n’a toujours pas signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Entrée en vigueur il y a deux ans, cette convention prohibe la mise au point, les essais, la production, l’acquisition, la possession, le stockage, le transfert, l’emploi et la menace d’employer des armes nucléaires. Les Etats signataires doivent, par ailleurs, refuser à d’autres Etats d’utiliser des armes nucléaires depuis leur territoire et d’en stationner. Le TIAN avait été adopté en 2017 à New York par une conférence de l’ONU. Jusqu’à cette date, les bombes atomiques étaient les seules armes de destruction massive à ne pas être encore interdites par un accord international. Saluant cet événement historique, le comité Nobel avait décerné cette année-là son fameux prix à la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires, une coalition d’ONG. Six ans plus tard, la destruction de ces armes est plus que jamais urgente à l’heure de la guerre en Ukraine. 14500 ogives sont entreposées dans les arsenaux de neuf Etats.
Près de cent Etats ont déjà signé le TIAN, soit la moitié des pays reconnus par l’ONU. La Suisse avait joué un rôle actif dans les négociations qui ont permis l’adoption du traité. Malheureusement, le Conseil fédéral a, depuis, rangé le TIAN au frigo. Un sondage réalisé en 2020 avait montré que 84% de la population suisse soutient l’adhésion au traité. Une motion avait été votée en ce sens en 2018 par le Parlement. Mais le Département de la défense et sa cheffe, Viola Amherd, y sont opposés. Ils ont fait le choix de se rapprocher de l’OTAN et de ses systèmes d’armements, d’où l’achat des avions F-35, des missiles Patriot et de la visite de la conseillère fédérale au siège de l’organisation militaire à Bruxelles en mars dernier. Selon des informations obtenues par Le Temps, le TIAN y a été l’objet de discussions. Les trois puissances nucléaires de l’OTAN que sont les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne font pression pour dissuader de rejoindre le traité. Selon les explications des autorités fédérales, en cas de conflit, le TIAN risquerait de réduire la marge de manœuvre de la Suisse et de l’empêcher de se placer sous la protection du «parapluie nucléaire» atlantique. On peine cependant à imaginer une attaque contre la Suisse et en quoi une non-adhésion au TIAN nous protégerait. Deux autres pays neutres, l’Autriche et l’Irlande, l’ont signé tout en continuant à coopérer avec l’OTAN.
Surtout, il n’est pas concevable que la Suisse, Etat dépositaire des Conventions de Genève et siège du CICR, tourne le dos à ce pacte d’interdiction. Faut-il rappeler que frappant indistinctement les militaires et les civils, les armes nucléaires violent les normes fondamentales du droit international humanitaire? Le Conseil fédéral doit prendre une décision prochainement. Espérons qu’il ne s’agira pas d’une non-décision. Il faut exiger partout et sans cesse le démantèlement des ogives et que l’arme la plus dévastatrice que l’humanité ait jamais conçue soit bannie pour toujours.