Mieux protéger les victimes de commerce d’humains
Le Centre social protestant genevois a lancé, avec trois autres organisations, une plateforme nationale contre la traite des êtres humains. Eclairages
Une femme de ménage exploitée et violentée par des familles suisses, une autre, travaillant dans un club, contrainte à la prostitution, un requérant d’asile craignant d’être renvoyé dans le premier pays d’arrivée où il a vécu un cauchemar... A travers différents exemples anonymes présentés dans une brochure, quatre organisations rappellent la triste réalité de la traite des êtres humains et émettent une série de recommandations à destination des décideurs politiques. Détaillant les lacunes du système pour faire face à ce fléau, elles ont convenu d’unir leurs efforts en créant une plateforme consacrée à la question. Buts poursuivis: offrir une protection accrue aux victimes et une meilleure défense de leurs droits. «Nous souhaitons avec cette démarche favoriser les échanges entre les différentes associations actives dans ce domaine, élargir la compréhension de la problématique et promouvoir une harmonisation des pratiques entre les cantons», précise Anna Schmid, coordinatrice de la Plateforme suisse contre la traite des êtres humains. Les membres fondateurs regroupent le Centre social protestant (CSP) de Genève, la FIZ (Fachstelle Frauenhandel und Frauenmigration), ASTREE à Lausanne et Antenna Mayday Ticino.
Mieux former les inspecteurs du travail
«Concrètement, nous envisageons de mener des campagnes de sensibilisation et des actions politiques pour faire valoir nos recommandations. Nous constatons par exemple que, dans le secteur de l’asile, les cas Dublin victimes de traite sont rarement identifiés comme tels et, du coup, restent dans le centre et n’ont pas assez accès à un soutien ciblé. Il est par ailleurs impératif, lors de soupçons de ce genre, de ne pas les expulser», poursuit Anna Schmid.
Le commerce d’humains concerne essentiellement l’exploitation sexuelle et celle au travail, entre salaires de misère, horaires excessifs et mépris des normes sécuritaires. Dans ce dernier domaine, la coordinatrice souligne la nécessité de mieux former les inspecteurs du travail et d’assurer le suivi: «Des plaintes pénales doivent alors être déposées. Trop souvent, les procureurs en charge de ces dossiers dénoncent l’usure mais pas la traite, privant les victimes de leurs droits.»
400 victimes aidées
Anna Schmid note aussi une grande différence de traitement de la problématique entre les autorités cantonales: «Certaines s’engagent, mais d’autres ne font rien. Ça bouge trop lentement. La Suisse, signataire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, doit corriger cette situation. Il s’agit d’une obligation légale.» Aussi, la plateforme insiste-t-elle pour que les ONG spécialisées en la matière soient impliquées dans tous les cas et dans tous les cantons. Elle demande que leurs services – conseils et structures d’accueil – soient financés.
En 2019, les membres fondateurs de la plateforme ont orienté et suivi quelque 400 victimes de la traite d’êtres humains. Ces dernières sont parvenues par différents canaux: permanences juridiques actives dans le domaine de l’asile, intervention d’amis, de clients (lors de prostitution), signalisation de la police ou encore d’hôpitaux. Nombre d’entre elles ont pu recevoir une protection et un soutien, mais beaucoup n’en ont pas bénéficié, ou de manière inadéquate, peut-on lire dans la brochure des associations. D’où la nécessité impérative d’agir. Anna Schmid rappelle enfin la peur que ressentent le plus souvent les personnes prises dans les filets de ce trafic caché par essence. Cette situation rend leur identification d’autant plus difficile et, partant, accentue encore l’importance de la sensibilisation, de la formation et d’un accompagnement ciblé.