«Nous sommes déterminés à nous battre pour nos droits»
A Genève, les porteurs de journaux d’Epsilon refusent de travailler au rabais. Soutenus par Unia, ils ont engagé une lutte pour améliorer leurs conditions de travail. Témoignages
Ce sont eux qui livrent les journaux dans tout le canton, six jours sur sept. Tôt, parfois même très tôt. Ils travaillent pour Epsilon, la seule entreprise de Suisse romande active dans le secteur. Jusqu’à l’été dernier, les travailleurs, en grande majorité des étrangers, s’accommodaient des maigres salaires et de la mauvaise gestion du personnel et du temps de travail. Mais après la disparition du Matin papier, et donc la perte de ce contrat, les employés reçoivent une lettre de congé modification. «Le courrier indiquait que nos salaires allaient baisser, rapporte Antonio, porteur de journaux chez Epsilon depuis huit ans. Il n’y a eu aucune discussion possible: c’était soit on signait, soit on partait.» Face à cette façon de faire, les employés s’organisent et poussent la porte du syndicat Unia. «Déjà, le congé modification ne suivait pas la procédure légale, car une période de consultation aurait dû être ouverte, soulève Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève en charge du dossier. Quant aux conditions salariales, elles ne respectaient pas le contrat-type de travail (CTT-TCCT).» Enfin, le temps de travail est au cœur du litige. «Ma tournée est censée durer 1h30, explique l’un des livreurs. En réalité, à deux, on met 2h chacun à la faire.» Aquilino, lui, doit distribuer 90 journaux à pied en 45 minutes sur sa tournée à Vandœuvres. «Si on veut arriver à faire notre tournée dans les temps, on n’a pas d’autre choix que de violer le code de la route», confie un autre.
Protocole d’accord
Un préavis de grève est alors déposé. La Poste, propriétaire d’Epsilon, accepte d’ouvrir des négociations. Le protocole d’accord signé prévoit le retrait immédiat des congés-modification et propose une première piste pour régulariser les conditions salariales: à partir de 2019, les employés d’Epsilon seront soumis à la CCT Presto, qui régit les conditions de travail des porteurs de journaux en Suisse alémanique. Un premier pas important mais insuffisant, selon Alessandro Pelizzari. «Les salaires conventionnels restent moins bons que ceux prévus par le CTT-TCCT.» Deux délégués genevois d’Epsilon seront intégrés aux négociations en vue du renouvellement de la CCT. «Ils ont été clairement mandatés par leurs collègues pour revendiquer l’introduction d’un salaire minimum horaire de 23 francs.»
En ce qui concerne le problème des arriérés de salaires pour les employés, le protocole prévoit une procédure d’objectivation du temps de travail des tournées. Epsilon n’ayant aucun système valable d’enregistrement du temps de travail, les interprétations entre la direction et les salariés divergent forcément. Si, pour l’entreprise, la plupart des salaires horaires oscilleraient entre 20 et 29 francs – donc en dessus du CTT –, selon les porteurs, la moyenne salariale se situe autour des 16 francs, et dans certains cas bien en dessous. «Unia a sollicité l’intervention de l’Inspection paritaire des entreprises, informe le syndicaliste. Son travail sera de vérifier si le cadre légal est respecté et de proposer aux parties un mode objectif de calcul des horaires et des salaires.» A l’heure où nous mettions sous presse, lundi, une nouvelle rencontre devait avoir lieu entre Epsilon, le syndicat et les travailleurs.