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Ouverture du marché électrique: le courant ne passe pas

Les syndicats rejettent la révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité proposée par le Conseil fédéral

L’Union syndicale suisse (USS) rejette l’ouverture du marché de l’électricité. Fin janvier, la faîtière syndicale a délivré une prise de position défavorable lors de la consultation sur la révision de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl).

Ce projet du Conseil fédéral vise à libéraliser complètement le marché, à assurer une réserve de stockage et à moderniser le réseau. C’est essentiellement le premier point qui pose problème aux syndicats. Cette ouverture totale du réseau est déjà prévue par la LApEl, approuvée par le Parlement, mais n’a pas encore été mise en œuvre. Aujourd’hui, cinq sixièmes du volume total d’électricité consommée relèvent déjà du marché libre, mais plus de 99% des consommateurs finaux, soit les ménages, les administrations et les petites entreprises sont «captifs de l’approvisionnement de base», selon les termes du gouvernement, qui veut leur offrir «la possibilité de choisir le moyen d’approvisionnement le plus attrayant».

Proposer des prix modérés est aussi un objectif de l’USS, seulement, comme le fait remarquer la centrale syndicale, «dans les pays européens voisins qui ont introduit une libéralisation complète, les tarifs pour les ménages n’ont pas baissé, au contraire: ils ont plutôt augmenté». «D'une part, la baisse des prix du produit n'a pas été répercutée sur les petits consommateurs. D'autre part, les frais de réseau et les taxes ont augmenté. Avec un tarif moyen de quelque 22 ct./kWh par ménage, la Suisse se situe depuis des années en milieu de tableau. La clientèle dite prisonnière ne paie donc pas les prix les plus élevés», explique Dore Heim, secrétaire centrale de l’USS.

Mix hydraulique-atomique

Outre le prix, un autre critère est le type de production. Or, tel qu’envisagé, le futur approvisionnement de base sera constitué d’un courant produit en Suisse dont une part seulement proviendrait d’énergies renouvelables. «Il s’agirait d’un mix entre énergies hydraulique et atomique. Contrairement à la situation actuelle, les ménages qui resteraient dans l’approvisionnement de base n’auraient plus le choix», note l’USS. Actuellement, de nombreux services industriels proposent en effet à leurs usagers de payer un peu plus cher pour soutenir la production d’électricité verte. C’est le cas par exemple des Services industriels de Genève. Pour le Conseil d’Etat du bout du lac, qui a aussi participé à la consultation, cette disposition «affaiblit le modèle gagnant de service public dans le domaine de la promotion de l'efficacité énergétique et du développement des énergies renouvelables tel qu'il est pratiqué à Genève» et se révèle, selon son communiqué, «incompatible avec la stratégie énergétique 2050, fondée sur la sortie du nucléaire et le développement des énergies renouvelables locales».

Quant aux entreprises consommant plus de 100 MWh par an, elles n’auront plus accès à l’approvisionnement de base et se verront contraintes d’acheter de l’électricité sur le marché. «Cette entrée sur le marché devrait leur occasionner plus de coûts que de bénéfices. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle dix ans après l’ouverture partielle, seuls 66% des gros consommateurs ont opté pour le marché», estime l’USS.

Concurrence coûteuse

«Une ouverture du marché ne servira à rien, conclut la centrale syndicale dans sa prise de position; elle entraînera une concurrence coûteuse autour des petits clients, avec des frais d’administration élevés. Aujourd’hui, l’approvisionnement en électricité en Suisse est stable et son niveau de qualité élevé. Il ne doit pas être mis en péril par une expérimentation commerciale.» Pour Dore Heim, le terme même de «marché» est un «non-sens» dans l’approvisionnement électrique: «L’électricité est un bien qui doit être disponible en tout temps et qui ne peut que partiellement être stocké, le flux du courant doit être constant. Pour assurer cet équilibre permanent malgré le marché, il faudra une multitude de réglementations législatives, normes et organes de contrôle.»

Alors pourquoi changer ce qui fonctionne? Le projet de révision repose certainement sur des ressorts idéologiques, mais on évoque aussi une condition préalable à la conclusion d’un accord bilatéral sur l’électricité avec l’Union européenne. Mais comme les contours de cet accord ne sont pas connus… il est difficile de juger si le jeu en vaut la chandelle.

Le projet a subi nombre de critiques à gauche comme à droite durant la période de consultation qui est maintenant terminée. Le Conseil fédéral va peut-être revoir quelque peu sa copie avant de transmettre son message au Parlement. Pour rappel, en 2002, le peuple avait déjà refusé en votation une libéralisation complète par 52,6% des suffrages à la suite d’un référendum de la gauche et des syndicats.

 

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