Dans «L’Audition», son premier long métrage largement primé, la cinéaste Lisa Gerig retrace cette séance décisive où se joue le sort de requérants d’asile. Remuant
D’un côté, des requérants d’asile appelés à exposer leurs motifs de fuite, de l’autre des fonctionnaires du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), chargés d’enquêter sur leur parcours et de statuer sur leur sort: le documentaire L’Audition met en scène ce moment clé de la procédure d’asile. La réalisatrice Lisa Gerig a demandé à quatre exilés de rejouer leur propre rôle. Même requête pour les collaborateurs du SEM apparaissant dans ce long métrage. Le spectateur assiste à ces entretiens cruciaux qui détermineront si les migrants pourront rester ou non en Suisse. Il découvre le travail des autorités qui les interrogent sur leur parcours, réclamant des dates, des éléments de preuves, cherchant à décoder des émotions, parfois à les confondre, dans une ambiance le plus souvent à la distance et à la suspicion. Pour le moins déstabilisant et douloureux pour les auditionnés qui se sentent jugés, mis en cause, alors qu’ils font part de leur détresse, de leurs blessures... «Le but de ce film? L’audition est un moment souvent traumatisant pour le requérant. J’ai voulu ouvrir la discussion, un espace de réflexion sur ce processus et la responsabilité qu’il implique. Mettre en lumière les différents problèmes qu’il pose dans l’espoir qu’on cherche des alternatives, d’autres modes de faire», explique Lisa Gerig. La réalisatrice de 33 ans, née à Morges et vivant aujourd’hui à Zurich, s’intéresse depuis de nombreuses années à la thématique. Elle a travaillé neuf ans comme bénévole pour des associations actives dans la défense des droits des migrants.
Le courage des réfugiés
Pour tourner son documentaire, la jeune femme a dû faire montre de patience, solliciter nombre d’employés du SEM avant d’en trouver qui soient d’accord d’incarner leur fonction devant sa caméra. Elle souligne aussi le courage des réfugiés qui ont accepté de revivre les situations vécues. Avec, au final, des scènes qui restent parfaitement authentiques. «Ce n’était évidemment pas imaginable de filmer une véritable audition. En raison du caractère délicat et complexe de la procédure, de l’influence potentielle de la caméra, de la charge émotionnelle. Là, il a été possible de faire des pauses. De maîtriser le déroulé. J’ai mis six ans à réaliser ce film», précise encore Lisa Gerig, qui s’est aussi focalisée sur le choix du bâtiment loué pour l’occasion. Un «protagoniste à part entière», reflétant au plus près le système, la bureaucratie, sa froideur. Ce microcosme clos, labyrinthique, anonyme où, derrière les murs, des destinées sont scellées. La talentueuse réalisatrice – qui a vu son travail notamment couronné du Prix de Soleure – se réjouit surtout d’avoir pu donner de la voix aux exilés. Et remet clairement en question la procédure d’asile, convaincue qu’elle n’est pas exempte d’arbitraire, d’un facteur chance. De quoi interroger, comme le notera en substance un des requérants, se souvenant, dans L’Audition: «Pour les gens du SEM, c’est un job, mais pour moi, c’est ma vie...»
Le documentaire L’Audition sera programmé sur différentes chaînes de télévision et plateformes. Il est aussi diffusé dans certains cinémas.