Pas de hausse du chômage provoquée par le salaire minimum genevois
Une étude scientifique montre que l’introduction du salaire légal en 2020 n’a pas eu d’impact significatif sur le taux de chômage à Genève
Introduit fin 2020, le salaire minimum cantonal genevois n’a pas eu l’impact sur le taux de chômage que prédisaient ses adversaires. C’est la conclusion d’une évaluation scientifique menée par une équipe de l’Université de Genève et de la Haute école de gestion (HEG) présentée jeudi dernier au Département de l’économie et de l’emploi et en présence des partenaires sociaux. L’étude est basée sur l’analyse des données agrégées du chômage de mai 2018 à avril 2023 et sur une comparaison entre Genève et des cantons ne disposant pas d’un salaire minimum légal. «Un tout petit effet négatif de 0,19 point de pourcentage en moyenne sur le taux de chômage est constaté, la différence se monte à 0,35 point de pourcentage avec le canton de Vaud, mais ce n’est pas statistiquement significatif, cela se situe dans la marge d’erreur», indique Sylvain Weber, professeur d'économie à la HEG. En général, le taux de chômage évolue de la même façon dans tous les cantons et il est déterminé en premier lieu par la conjoncture, explique l’économiste. Et partout, le chômage est en décrue. L’année dernière, il a atteint son plus bas niveau depuis vingt ans.
Le même constat avait été fait à Neuchâtel, premier canton à avoir introduit un salaire minimum en 2017 et qui subissait à l’époque le chômage le plus élevé de Suisse.
Impact sur les jeunes
«C’est une très bonne nouvelle, même si nous nous y attendions, des études étant arrivées à la même conclusion dans d’autres pays», réagit Davide De Filippo, président de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS). Responsable de l’évaluation, José Ramirez, professeur d’économie à la HEG, confirme: «Toute la littérature scientifique montre que l’impact d’un salaire minimum est peu importante. Si ce n’est envers les jeunes.»
Le taux de chômage des moins de 25 ans semble être légèrement supérieur, de 0,6 point de pourcentage, à ce qu’il aurait pu être sans salaire minimum. Au printemps prochain, l’équipe de chercheurs présentera une nouvelle évaluation basée sur les données individuelles du chômage qui permettra de mieux comprendre les effets du salaire minimum sur les entrées et les sorties du chômage. «Cette moindre diminution du chômage des jeunes n’est pas une surprise non plus. Il est possible qu’elle provienne de la réduction des faux stages», estime Davide De Filippo. «L’hypothèse que nous faisons, c’est que cet effet s’estompe», souligne la conseillère d’Etat Delphine Bachmann. Pour José Ramirez, il ne faut pas trop se faire de souci pour le chômage des jeunes, d’ici à 2030, toute une génération de baby-boomers va partir à la retraite et les emplois ne vont pas manquer.
Quoi qu’il en soit, un point positif, c’est que, selon un sondage, près de 90% des jeunes connaissent l’existence du salaire minimum et deux tiers d’entre eux le montant, fixé à 24 francs l’heure.
Président de l’Union des associations patronales genevoises (UAPG), Pierre-Alain L’Hôte déplore tout de même un impact sur les jobs d’été: «Nous avons constaté que nombre d’entreprises y ont renoncé et que, dans certains secteurs, cette disposition a pratiquement disparu, car il est difficile de rétribuer ces emplois au salaire minimum.»
Conseil d’Etat opposé à la motion Ettlin
L’UAPG avait combattu le salaire minimum approuvé par 58% des votants. «Nous n’avons pas l’intention de revenir sur le résultat du vote», assure aujourd’hui Pierre-Alain L’Hôte.
Certains membres de la faîtière patronale soutiennent pourtant ouvertement la motion Ettlin. Votée au Parlement fédéral, celle-ci veut faire primer les rémunérations inscrites dans les conventions collectives de travail, parfois inférieures aux salaires minimums cantonaux. «Le Conseil d’Etat est attaché à défendre le vote des Genevois, nous ne voulons pas que cette motion fasse tomber le salaire minimum, il n’est pas question de revenir en arrière», affirme Delphine Bachmann.
Remarquons encore qu’aucun impact n’a été constaté sur d’autres catégories d’âge, ni sur le chômage des femmes, majoritaires dans les bas salaires. Le salaire minimum «le plus élevé du monde», qui bénéficie à près de 20000 personnes, n’a pas non plus provoqué un afflux de travailleurs frontaliers et étrangers. «Nous n’avons pas constaté de hausse massive des demandes de permis», note José Ramirez. Pour Davide De Filippo, au contraire, «la possibilité de pouvoir importer de la main-d’œuvre éloignée et bon marché s’est fortement réduite».