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Pas de vie sans engagement citoyen

Porte-parole d'Attac Suisse, Florence Proton croit à la justice sociale et à la possibilité du changement

Comment cette historienne est-elle devenue militante? Florence Proton ne s'en souvient plus. Ou disons plutôt que sa réponse évoque sa plus tendre enfance, dans la cour de l'école, où déjà l'injustice la scandalisait. «Avec les années, on acquiert une vision plus pointue des problèmes. Je n'ai jamais pu imaginer ma vie sans engagement citoyen, sans participer à un changement.» Florence Proton affirme cela d'une voix limpide, où se mêlent modestie et détermination.
L'engagement dont elle a besoin, cette mère de quatre enfants l'a trouvé depuis 2001 auprès d'Attac Suisse (Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyennes et citoyens). Comme simple militante d'abord, puis, dès 2005, comme porte-parole, le seul poste salarié de l'association. Une fonction qu'elle occupe toujours aujourd'hui, bien que, depuis septembre 2008, elle partage ce poste à 50% avec une autre personne. Un quart temps, une grosse journée de travail par semaine? Ce serait oublier les activités qu'elle déploie en tant que militante, ce temps passé gratuitement au service de la cause, par lequel on mesure la véritable implication des adhérents. «Les sujets m'intéressent, dit-elle, presque pour s'en excuser. Pas un jour ne passe sans que je ne consulte les mails envoyés à l'organisation.» Florence Proton, qui partage sa vie entre le Valais et Genève, trouve cependant encore le temps pour terminer un master à l'Institut de hautes études internationales et de développement à Genève.

Protéger nos sources
Parmi les dossiers qu'elle suit figure l'affaire Sécuritas. Depuis le scandale de l'infiltration d'Attac-Vaud par cette entreprise, l'association a entrepris des démarches à la fois juridiques et politiques pour défendre ses droits. Elle a également revu ses critères de sécurité interne, épurant la liste des personnes qui reçoivent des informations ou participent aux groupes de travail. «C'est stressant de sentir qu'on fait moins confiance aux gens. Nous avons également réalisé à quel point les renseignements que nous détenons peuvent être capitaux. Les conséquences peuvent être très graves si des tiers, Nestlé en l'occurrence, y ont accès. Nous devons protéger nos sources, notamment lorsque les vies de personnes sont en danger, comme celles des syndicalistes de Colombie.»

Avec les syndicats
Parmi les moments forts dont se souvient Florence Proton, figure la rencontre du G8 à Evian en 2003. «C'était un moment d'euphorie, tout le monde militait. Il y avait des mouvements anti-guerre partout, une sorte de foi dans le changement portait les gens.» Elle regrette aujourd'hui que cette énergie soit un peu retombée. «Les lois antiterroristes mises en place après le 11 septembre 2001 aboutissent à une paranoïa autour des questions de sécurité. Le déclenchement de la guerre en Irak a provoqué une énorme désillusion.» La répression directe de la police, pendant les manifestations par exemple, s'est accentuée, et la méfiance envers les mouvements altermondialistes se traduit par des infiltrations. Même constat à propos du WEF (World Economic Forum): «Il y a quelques années, leurs communiqués de presse semblaient s'ouvrir au mouvement citoyen. Certes, nous n'étions pas dupes. Mais maintenant, le fait que ce vernis éthique n'existe plus montre qu'ils n'ont plus besoin de faire semblant de s'intéresser aux problèmes de la planète, et découle probablement de l'affaiblissement des mouvements altermondialistes.» Le renouveau, Florence Proton le voit aujourd'hui dans la lutte syndicale, citant le combat récent des employés de la Boillat à Reconvillier ou celui des ouvriers de CFF Cargo à Bellinzone. Le 15 novembre prochain, Attac se joindra à l'USS lors de la grande manifestation organisée contre l'UBS.

Triste preuve par neuf
L'actuelle crise qui secoue le monde de la finance n'étonne pas Florence Proton : «Nous dénonçons ce dysfonctionnement depuis notre création». Cette crise prouve ainsi la pertinence de l'analyse de James Tobin et le bien-fondé du travail d'Attac. Mais pour la porte-parole, l'inquiétude des Suisses face à l'avenir ne s'est pas encore transformée en mobilisation. «Les gens ne sont pas encore passés du constat ‘j'ai tout perdu' à la décision ‘je peux faire quelque chose'. Dans nos villes, les manifestations réunissent quelques poignées de personnes devant l'UBS, alors qu'à Rome, des millions de citoyens se sont déjà rassemblés.» Alors, rendez-vous le 6 décembre (la date reste à confirmer) à Berne, et au mois de janvier à Genève. Vous la croiserez certainement, manifestant avec Attac son rejet des dérives spéculatives de l'économie!

Bertrand Cottet