Pour la majorité des assurés, ce projet, sur lequel les Suisses votent le 22 septembre, aurait pour conséquences une augmentation des cotisations et une baisse des rentes. On risque ainsi de perdre ce qu'on a gagné avec la 13e rente AVS
Attention, arnaque! Voilà l’avertissement lancé par la gauche et les syndicats à propos de la réforme du 2e pilier (LPP 21), sur laquelle les Suisses voteront le 22 septembre. Car en cas de oui dans les urnes, la plupart des salariés devront cotiser davantage alors que leurs rentes diminueront. C’est ce que martèle le comité référendaire emmené par l’Union syndicale suisse (USS), à la veille de l’ouverture de sa campagne le 2 juillet. En ces temps de grève féministe, un autre point est souligné: quand il s’est agi de relever l’âge de la retraite des femmes, l’argument était qu’elles toucheraient davantage de rentes. Or, la seconde partie du deal est aujourd’hui compromise (lire ci-dessous).
Les partisans de LPP 21 soutiennent qu’il est indispensable d’assainir le financement du 2e pilier, à cause de l'allongement de l’espérance de vie et des rendements fluctuants sur les marchés financiers. Pour la majorité du Parlement, la solution est de diminuer le taux de conversion minimal — c’est-à-dire le pourcentage du capital de vieillesse déterminant la rente annuelle. Le peuple s’y est déjà opposé par deux fois, en 2010 et 2017, mais cette proposition revient sans cesse sur le tapis. Ce taux devrait donc passer de 6,8% à 6%, ce qui, d’après les calculs de l’USS, déboucherait sur des baisses annuelles de rentes pouvant atteindre plus de 3200 fr. par assuré. Et cela alors qu’aucune indexation au coût de la vie n’est prévue. Quelques mois après le succès de la 13e rente AVS, la main droite va-t-elle reprendre ce que la main gauche a donné?
Un petit plus cher payé
Le camp du «oui» affirme que cette réforme améliorera le niveau de prévoyance des personnes touchant des bas salaires ou travaillant à temps partiel — en majorité des femmes — grâce aux mesures de compensation incluses dans le projet. Celles-ci comprennent l’abaissement de 22000 à 19800 francs du salaire annuel à partir duquel il est obligatoire de cotiser au 2e pilier (mesure concernant environ 100000 personnes), ainsi que la réduction de la part du salaire non soumise à la LPP (la déduction de coordination). En clair, davantage de cotisations pour davantage de rentes.
Mais l’USS juge que le jeu n’en vaut pas la chandelle. «Même si les rentes vont un peu augmenter pour les bas salaires, elles resteront très modestes, avertit Gabriela Medici, secrétaire centrale de l'USS responsable du domaine des assurances sociales. Par exemple, pour quelqu’un qui gagne 2000 fr. par mois, les cotisations salariales vont monter de 200 fr., pour n’obtenir au final que 460 fr. de rentes du 2e pilier à la retraite. C’est chèrement payé et il faudra attendre au moins vingt ans pour que cela porte ses fruits. Les personnes qui ont 50 ans aujourd’hui n’en profiteront pas. Quant aux salaires médians, entre 5000 et 7000 fr., leurs cotisations vont fortement augmenter alors que leurs rentes baisseront. Ce sont eux les grands perdants de cette réforme.»
Compromis vidé de sa substance
Enfin, pour mieux faire avaler la baisse du taux de conversion, le compromis âprement négocié entre syndicats et milieux patronaux introduisait une cotisation de solidarité de 0,5% sur les salaires annuels jusqu’à 880000 fr., afin de verser un supplément de rente à tous les assurés. Mais le Parlement a décidé d’épargner les hauts salaires et de limiter à quinze ans l'existence de ce supplément, qui de plus, diminuera tous les cinq ans. «Finalement, seul un quart des assurés en bénéficieront, dénonce Gabriela Medici. Tout ce qui, pour nous, rendait ce compromis acceptable a été démantelé.»
A ses yeux, cette réforme est d’autant moins justifiable que la situation ne serait pas aussi alarmante qu’on veut nous le faire croire. Non seulement, les rendements des marchés financiers se sont nettement améliorés depuis la fin des taux d’intérêts négatifs, mais la santé des caisses de pension est très bonne grâce aux importantes réserves qu’elles ont constituées et qui, justement, visaient entre autres à anticiper l’allongement de l'espérance de vie.