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Peintre décorateur par amour de l’art

Jean-Blaise Guyot à l'oeuvre.
© Thierry Porchet

Jean-Blaise Guyot, avec l’une de ses toiles. Le peintre cherche à concilier abstrait et figuratif.

Artiste peintre décorateur, Jean-Blaise Guyot joue sur plusieurs tableaux, mariant dans son métier sa vision picturale et sa créativité au savoir-faire de l’artisan

Côté cour, Jean-Blaise Guyot consacre son temps à embellir des espaces intérieurs et extérieurs. Côté jardin, il peint pour son plaisir, en quête de ces moments d’enthousiasme et de grâce où il se trouve en parfaite adéquation avec lui et le monde. Deux activités que cet homme de 50 ans estime complémentaires, sa vision d’artiste nourrissant son travail d’artisan, le peintre escortant le décorateur dans son travail. Un métier où il est question d’esthétique et de savoir-faire, de regards et d’écoute, de maîtrise des matériaux et de créativité, pour répondre au plus près aux demandes d’architectes ou de particuliers qui le sollicitent. Ici, pour façonner une atmosphère chaleureuse dans un salon en recourant à un badigeon couleur sable sur les parois, rehaussé d’un glacis de teinte rouge sur des pans de murs. Là, pour repeindre à l’identique, les couloirs d’un hôtel datant du milieu du XIXe siècle sur la base d’un fragment original. Ailleurs, pour habiller une façade d’une fresque urbaine monumentale composée de coquelicots stylisés... Autant d’interventions dans les cordes de ce Lausannois d’adoption – il est originaire du canton de Neuchâtel – réalisant des décors sur mesure selon les requêtes des clients. «J’ai parfois carte blanche, mais le plus souvent les commanditaires précisent leurs attentes. Je peux toutefois les conseiller et faire des propositions», indique Jean-Blaise Guyot montrant au passage une photo de sa Danse des carrés animant une cage d’escalier d’un immeuble privé, à Barcelone. «Dans ce cas de figure, j’ai bénéficié d’une grande latitude d’action. J’ai opté pour des carrés de couleur afin d’intégrer l’esprit géométrique du lieu et en écho aux carrés de verre existants.»

Voyage dans la Grèce antique

Formé à l’institut supérieur de peinture Van Der Kelen & Logelain à Bruxelles, Jean-Blaise Guyot maîtrise les arts d’imitation de matières organiques et minérales, comme le faux bois ou le faux marbre. L’artisan est aussi à l’aise dans la création d’œuvres figuratives qu’abstraites, la réalisation de trompe-l’œil et l’application artisanale de minéraux écologiques: enduits fins, béton ciré, stucco vénitien, crépis à la chaux, badigeon et patine. «Je n’utilise que des produits qui ne polluent pas et sensibilise ma clientèle à la question», spécifie l’indépendant en montrant des échantillons de son savoir-faire. Parmi les travaux qui l’ont le plus marqué, il mentionne celui effectué pour le Musée olympique, dans le cadre d’une exposition temporaire sur l’origine des Jeux. Avec, à la clef, la fabrication d’un décor grandiose de 1000 m2, dont 400 de trompe-l’œil, ressuscitant la Grèce antique. Un «paysage panoramique» intégrant des lieux historiques et symboliques de cette page d’histoire. Cet ouvrage collectif de longue haleine a enthousiasmé Jean-Blaise Guyot, ravi des émulations de l’équipe en charge du projet, lui qui agit le plus souvent en solitaire. Mais si le décorateur est parfois appelé à intervenir dans l’événementiel, il répond surtout à des demandes touchant à l’urbanisme et au design intérieur. «Certains considèrent la décoration comme superficielle. Elle joue pourtant un rôle essentiel. On a l’envie de vivre dans un lieu beau, qui nous ressemble, nous inspire, nous apaise. Au-delà de la seule ornementation. Aussi, je préfère parler de peinture. Et de travail sur des éléments structurels.» Les requêtes insolites, comme des fresques uniques restent, elles, rares...

Imaginaire baroque...

«En Suisse, nous n’avons pas vraiment cette culture... J’ai toutefois reçu des commandes d’Italiens et de Parisiens établis ici à l’approche, l’imaginaire, plus baroque, tranchant avec un certain esprit calviniste romand», sourit l’artisan, et de citer la réalisation, sur les portes d’ascenseur d’un luxueux chalet, de copies des «Métamorphoses» de M. C. Escher et, pour animer les murs du garage, d’une vaste scène de poya stylisée...

Les interventions extérieures, quelle que soit leur nature, prennent toujours en compte la fonction de la construction en question, son histoire et son environnement. Sollicité lors de la rénovation de l’Ecole internationale Brillantmont, à Lausanne, Jean-Blaise Guyot a par exemple été amené à réaliser des trompe-l’œil dans des fenêtres murées. Il a alors opté pour des cubes de la même tonalité que l’édifice, soucieux de leur intégration optimale. Des figures géométriques qu’il n’a pas choisies au hasard. «Je suis parti du cube, élément de construction graphique, parce qu’il rappelle des jeux formatifs de l’enfance, animé par l’idée de faire dialoguer ce bâtiment centenaire avec son affectation actuelle, en tant que lieu d’enseignement», explique l’artisan qui, questionné sur sa marque de fabrique, la définit ainsi: «Comme je suis appelé à créer des décors très différents, elle ne se détermine pas par un style en particulier. Je dirais plutôt que ma signature allie compétences techniques et créativité. D’où une vision globale des problématiques liées à l’espace à peindre. Et une capacité à concevoir des décors originaux. J’ai une bonne maîtrise de la composition, du dessin et de la couleur.» Des aptitudes que Jean-Blaise Guyot a aiguisées dès l’adolescence, lui qui est venu à la décoration en raison de son amour de l’art.

Jardin secret

Titulaire d’un master en lettres effectué à l’Université de Lausanne, Jean-Blaise Guyot hésite, à la fin de son cursus, sur la voie professionnelle à emprunter. Il a toujours aimé dessiner et s’est formé, dès l’âge de 14 ans et durant une dizaine d’années, dans l’atelier du peintre Pierre Moor à Yverdon-les-Bains. «Cette passion m’habitait. J’étais concentré. J’avais du plaisir à créer», raconte Jean-Blaise Guyot qui se tournera finalement vers les arts décoratifs appris en Belgique, maintenant le lien privilégié qu’il a noué avec l’expression picturale, et se lançant à son retour en indépendant. Sans pour autant renoncer, en marge de son activité, à peindre et à exposer de temps à autre. Sur les murs de son lumineux atelier lausannois, deux gigantesques toiles offrent un aperçu de son travail artistique. L’une, allégorique et inachevée, met en scène deux femmes, représentées de deux manières distinctes: classique et contemporaine, dans un décor végétal foisonnant et en présence de monstres... L’autre, abstraite, se décline en harmonieuses séries de lignes de couleur. «Je cherche à faire la synthèse entre figuratif et abstrait. Ces créations personnelles constituent mon jardin secret», souligne l’artiste, confiant qu’il aurait voulu être «un grand peintre» avant de rectifier: «Enfin, juste un peintre. Le business de l’art, les galeristes, les commissaires d’exposition, la compétition entourant ce domaine... ne m’intéressent pas.»

Quoi qu’il en soit, Jean-Blaise Guyot, en couple et père de deux enfants, précise manquer de temps pour effectuer ses travaux personnels. «Une situation compensée par une vie très riche», temporise-t-il, heureux de pratiquer un métier en phase avec sa sensibilité picturale. Mais n’imaginez pas découvrir dans son habitat des ambiances de sa facture. Hormis quelques tableaux et des murs repeints, c’est sa compagne qui s’est chargée de la décoration...


Informations sur: atelierguyot.ch

Portrait de Jean-Blaise Guyot.