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Pour une construction plus écologique et locale

Le maçon monte une cloison.
© Thierry Porchet

Selon le maçon, du haut de ses trente ans d’expérience, le travail doit être plus soigné qu’avec les autres types de cloison.

Dans une perspective durable, la petite entreprise Terrabloc innove depuis dix ans avec ses briques de terre crue. Visite sur un chantier

«Quand je suis arrivé ce matin, je me suis dit: c’est quoi ça?» Alberto Dos Santos, maçon depuis plus de trente ans, teste pour la première fois les nouvelles plaques de terre crue confectionnées par la société Terrabloc sur ce chantier de rénovation d’une villa plus que centenaire à Genève. Il sourit, le grand gaillard, qui a finalement senti que ce matériau devait certainement être meilleur pour la santé. Et, en effet, comme l’explique Rodrigo Fernandez, ingénieur et cofondateur de Terrabloc, la terre crue, en plus d’être un très bon isolant phonique, permet une respiration des murs ou, pour le dire autrement, une régulation de la chaleur et de l’humidité.

De surcroît, c’est un matériau durable qui consomme très peu d’énergie, car il provient de déblais de chantiers locaux. «Ces déblais d’excavation terreux, nous les choisissons en fonction de leur qualité, mais aussi de leur proximité pour éviter le plus possible les déplacements. Les entreprises généralement doivent payer pour s’en débarrasser. Et le coût est élevé, au point que certaines se rendent en France. Nous, on récupère cette terre gratuitement, mais elle est criblée en échange», explique Rodrigo Fernandez, dont l’enthousiasme s’accompagne d’humilité. «Face aux millions de mètres cubes de déblais, Terrabloc représente une goutte d’eau. Reste qu’une prise de conscience a lieu ces dernières années, à savoir qu’il est essentiel de trouver des alternatives plus durables dans le secteur de la construction.»

Le maçon Alberto Dos Santos et l’ingénieur Rodrigo Fernandez.
Le maçon Alberto Dos Santos et l’ingénieur Rodrigo Fernandez, un des cofondateurs de Terrabloc. © Thierry Porchet.

 

Expérimentation

En ce jour de février, le fournisseur Terrabloc, le bureau d’architecte March et les maçons de l’entreprise Alpha Edification collaborent pour tester pour la première fois ce nouveau produit: les terraplacs, utilisés ici pour des cloisons séparatives non porteuses. Ces plaques sont plus grandes, plus fines et plus légères – grâce à des billes d’argile expansées – que les briques de terre crue de Terrabloc visibles dans le Grand Théâtre de Genève ou dans la Maison de l’environnement à Lausanne, entre autres. Le but: réduire le coût, notamment en accélérant la pose. «Cela joue le rôle des placo-plâtres importés, ces cloisons sèches qu’on enduit de plâtre, ou encore les carreaux de plâtre massif, de type Alba», précise l’ingénieur.

Alberto Dos Santos souligne après une demi-journée de travail: «C’est plus fragile que les plaques Alba. On ne peut pas les taper, donc il faut être bien à niveau. La colle est aussi plus lente à sécher. Et il faut vraiment être maçon pour le faire, sourit le travailleur. Mais j’aime ce qui est nouveau, ça m’apprend. De faire tout le temps la même chose, ça fatigue.»

La colle? Un mélange d’argile, de cellulose (le papier) et d’amidon. L’enduit sera naturel lui aussi pour conserver les propriétés de la terre crue.

L’ingénieur regrette que les chanfreins (les arêtes des blocs qui permettent l’emboîtement) de certaines plaques soient cassés. «Cela arrive aussi avec les plaques Alba», le rassure le maçon.

Une brique "terraplac".
Les terraplacs sont faits essentiellement de terre crue, issue de déblais de chantiers, et de billes d’argile expansées. © Thierry Porchet.

 

Changer de paradigme

«Bien sûr, poser nos plaques reste plus cher que d’utiliser des placo-plâtres, pour des questions de temps de pose, mais surtout de volume. On ne peut pas concurrencer les grands lobbies de l’industrie. Et la filière de la construction utilise ce qu’elle connaît: le béton, le polystyrène et le crépi», regrette Rodrigo Fernandez.

A son humble échelle, Terrabloc tente donc d’interroger le système. «De plus en plus de maîtres d’ouvrage et d’architectes sont intéressés par l’utilisation d’autres matériaux, le bois bien sûr, la terre crue, le pisé, la laine de chanvre ou de mouton pour l’isolation, entre autres. Ils tentent d’excaver le moins possible pour garder la terre en place, et de travailler avec des paysagistes qui réaménagent topographiquement le terrain autour des bâtiments. Dans l’idéal, l’Etat devrait inciter au recyclage des déblais», souligne l’ingénieur.

Chantier.
Au début du mois de février, ces nouvelles cloisons sont utilisées pour la première fois sur un chantier. © Thierry Porchet.

 

Pas des anti-bétons

Revenir à des matières et des techniques traditionnelles pour générer moins de CO2 et construire dans le respect de l’environnement sont à l’origine de Terrabloc fondé par Rodrigo Fernandez et l’architecte Laurent de Wurstemberger il y a dix ans. «Nous ne sommes pas des anti-bétons, mais contre sa surconsommation. A notre avis, il doit être utilisé là où il faut pour ses qualités parasismiques. Pour des cloisons, c’est du gaspillage. Mais nous sommes conscients que la terre crue ne peut pas répondre à toutes les dimensions écologiques dans nos contrées humides où l’espace manque. Pour donner un logement à tous, la terre et la paille ne suffiront pas. Il nous faut garder des surfaces agricoles et donc construire en hauteur. Parfois, n’utiliser que du bois nécessite de gros volumes, alors qu’un pylône de béton tous les deux mètres serait finalement plus écologique.»

Les briques Terrabloc recèlent d’ailleurs 4% de ciment (15 à 20% dans le béton) pour des raisons de stabilité essentiellement. Depuis quelques années, la petite entreprise (trois employés pour un 130% de temps de travail), qui élaborait ses briques à la main sur les chantiers mêmes, collabore avec la société Cornaz à Allaman. «C’est du co-working industriel. On loue l’usine 6 à 8 fois par année pour presser nos briques à grande échelle. On a pu aussi y développer ce nouveau produit, les terraplacs», se réjouit Rodrigo Fernandez qui rêve à une démocratisation de la terre crue.

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