Sur le marché du travail, lors de la recherche d’un logement, dans les démarches administratives et pour la naturalisation, en matière de sécurité sociale et de police et justice: le racisme continue à étendre ses insidieuses et hideuses tentacules dans les différentes sphères sociétales. A stigmatiser des personnes aux noms jugés trop exotiques, n’ayant pas la bonne couleur, n’appartenant pas à la culture majoritaire. Des discriminations le plus souvent ordinaires, reposant sur des préjugés et des stéréotypes, des délits de faciès, qui pèsent lourdement sur la trajectoire des victimes ne disposant que d’un arsenal légal limité pour se défendre. Et craignant le plus souvent de se lancer dans des procédures complexes et chronophages. Cette situation se révèle d’autant plus aberrante que la population de 15 ans et plus résidant dans nos frontières se compose de 39% de personnes issues de la migration, dont plus d’un tiers possède la nationalité suisse. Le passeport rouge à croix blanche ne protège pas pour autant tous ses détenteurs d’actes et d’attitudes déplacées teintées de xénophobie. D’exclusions qui ne disent pas leur nom. Ce racisme structurel a fait l’objet d’une récente enquête menée par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) de l’Université de Neuchâtel, sur mandat de la Confédération. Avec des conclusions qui montrent une Suisse tout sauf exemplaire. Le problème se révèle particulièrement aigu sur le front du travail où différents groupes souffrent d’inégalités systématiques comme, précise le SFM, les personnes provenant du sud-est de l’Europe, des pays de l’ex-Yougoslavie et de l’Afrique subsaharienne et même dans certains cas de la Turquie et du Portugal. Lors de postulations, les candidats de couleur voient souvent, pour peu qu’ils aient joint leur photo à leur curriculum vitae, leurs chances de décrocher un entretien d’embauche s’évanouir. Et ce quand bien même ils seraient nés et auraient suivi leur formation dans nos frontières ou qu’ils bénéficieraient de la nationalité suisse. Etrangers dans leur propre pays... Un phénomène qui se manifeste en particulier pour les postes de cadres et de spécialistes. Aussi idiot qu’injuste et non sans conséquence, ce genre de discriminations sur la durée, notent les chercheurs, se traduit par un taux de chômage plus élevé, des salaires plus bas et une concentration de la main-d’œuvre racisée dans certains secteurs. Les inégalités de traitement s’expriment également lors de la quête d’un appartement: les portes des régies tendent à se verrouiller pour certains patronymes à consonance albano-kosovare ou érythréenne. Bien davantage que pour ceux d’un pays limitrophe de la Suisse. Sans oublier les effets dramatiques de ce racisme structurel sur les migrants les plus précaires qui éviteront au besoin de solliciter une aide sociale craignant pour leur statut de séjour ou un projet éventuel de naturalisation... Autant d’injustices enracinées dans nos structures et nos institutions, qui sont également alimentées par le politique, en particulier par les discours de partis nationalistes, et une stigmatisation souvent décomplexée des étrangers, boucs émissaires de différents maux...
Le 21 mars a été célébrée la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Cette date commémore le massacre de 69 manifestants tombés sous les balles de la police en 1960 à Sharpeville, en Afrique du Sud, alors qu’ils défilaient pacifiquement pour dénoncer les lois de l’apartheid. Aujourd’hui, chaque année, en Suisse et dans le monde, différents événements sont organisés à cette période afin de sensibiliser les populations à la problématique et lutter contre une xénophobie d’un autre âge. Encore beaucoup de pain sur la planche en perspective dans notre pays pour que le vivre ensemble s’inscrive naturellement dans une société pourtant grandie et magnifiée par la diversité...