Retour forcé au travail, en plein confinement
Au Bangladesh, les ouvrières et les ouvriers des 4500 ateliers de confection à l’arrêt ont été rappelés début août, provoquant un vent de panique chez ceux qui étaient rentrés chez eux en raison des restrictions sanitaires
Les ouvrières et les ouvriers du textile sont une nouvelle fois sacrifiés pour les besoins des grandes chaînes de l’habillement. Face à une violente et meurtrière recrudescence de la pandémie de Covid-19 au Bangladesh, le gouvernement avait décrété un nouveau confinement qui devait durer du 23 juillet au 5 août, avec la fermeture des usines, des bureaux, des magasins et l’arrêt des moyens de transport. Or, le 30 juillet, il autorisait la réouverture, deux jours plus tard, des 4500 ateliers de confection approvisionnant les principales marques internationales «pour répondre aux pressions incessantes des fabricants et des exportateurs», indique la fédération syndicale mondiale Industriall Global Union, dans un communiqué. Elle y dénonce le «calvaire des travailleurs de l’habillement», forcés de retourner au travail dans des conditions inacceptables et dangereuses. «Cette annonce soudaine a semé la panique parmi les travailleurs dont la plupart avaient quitté Dacca (la capitale, ndlr) et étaient rentrés dans leurs villes et villages pour le congé de l’Aïd et y passer le confinement qui suivait», relate Industriall. Alors que les services de transport n’ont repris que le 31 août au soir, c’est par des moyens de fortune et sans aucune protection face au virus que les travailleurs du textile, craignant de perdre leur emploi, sont retournés sur leur lieu de travail, à bord de ferries bondés ou de camions surchargés. L’arrêt de la production et les annulations de commandes l’année dernière en raison de la pandémie avaient déjà lourdement frappé les quelque quatre millions de personnes employées dans l’industrie textile de ce pays, deuxième exportateur après la Chine.
Consignes strictes exigées
Selon Industriall et les médias locaux, 90% du personnel des usines de confection auraient repris leur emploi début août. «Nous déplorons que des centaines et des milliers de personnes aient été forcées de retourner au travail dans des conditions dangereuses. Le gouvernement et les employeurs devraient veiller à ce que des mesures de sécurité et des consignes de santé strictes soient adoptées dans les lieux de travail pour enrayer l'infection», a souligné Salauddin Shapon, premier vice-président du conseil d'Industriall pour le Bangladesh. Il exige également que les travailleurs ne s’étant pas présentés à leur poste ne soient pas licenciés et touchent leur salaire durant le confinement.
Sa collègue Apoorva Kaiwar, secrétaire régionale d'Industriall pour l'Asie du Sud, ajoute: «Il est inacceptable que des travailleurs de l'habillement soient forcés de courir de tels risques pour respecter des objectifs de production. Ouvrir les usines pendant le confinement et demander au personnel de reprendre le travail alors que tous les transports sont à l'arrêt est inhumain.» Elle appelle également à ce que les usines appliquent l’ensemble des mesures de prévention et de protection. «Les grandes marques internationales doivent veiller à ce que leurs fournisseurs ne compromettent pas les droits de leurs ouvriers à la santé et à la sécurité au travail, et ces derniers ne devraient pas être contraints de travailler dans des situations dangereuses.»