Un mois déjà que le bruit des armes, des bombes, des chars recouvre l’Ukraine. Un mois déjà de guerre avec les conséquences funestes que l’on connaît, pour ceux restés au pays comme pour ceux qui ont pu s’enfuir. Cette barbarie qui se déchaîne à deux pas de chez nous engendre des effets loin à la ronde. On parle de famine à venir au Maghreb, au Moyen-Orient et dans d’autres régions dépendantes du blé ukrainien et russe. Le prix des matières premières s’envole. Ceux du pétrole, du gaz, du cuivre, de l’aluminium flambent.
En Suisse aussi, les répercussions du conflit se font déjà sentir, et pourraient s’amplifier dans les semaines ou mois à venir. Le prix de l’essence a augmenté d’environ 25%, celui du mazout a presque triplé depuis novembre 2020, celui du gaz explose. Si l’inflation était encore de 2,2% en février, soit en dessous de celle affectant la plupart des pays de l’Union européenne, elle risque bien de s’accroître rapidement. Touchés par la hausse des coûts du transport, de la fabrication ou par la pénurie de matières premières, les prix de nombreux produits vont prendre l’ascenseur. Et affecter tous les habitants du pays, en premier lieu les plus précaires.
Le pouvoir d’achat des travailleurs, grignoté depuis des années par des hausses des primes maladie incessantes, ou des loyers spéculatifs, sera largement affaibli par les effets économiques de la guerre. A l’instar de tous les salariés obligés d’utiliser leur véhicule pour travailler, comme les livreurs et les livreuses de Smood ou d’Uber, dont les revenus sont déjà extrêmement maigres. Et sans oublier bien sûr les retraités qui devront faire face à la vie chère.
Les emplois sont également sur la sellette, menacés par un ralentissement de l’activité industrielle en manque de matières premières ou de marchés pour l’exportation. Selon une étude que vient de publier Economiesuisse, la moitié des entreprises du pays sont déjà affectées par la guerre, et une sur quatre par les sanctions à l’égard de la Russie. Là où certaines branches voyaient enfin la lumière au bout du tunnel de la pandémie, comme l’hôtellerie-restauration, le tourisme ou l’aviation, le redémarrage tant attendu va être remis à plus tard.
Dans cette situation, la droite veut gonfler le budget militaire. PLR et UDC réclament 2 milliards de plus par année pour la défense, soit une hausse de 40%! Cela sans compter le budget extraordinaire de plus de 20 milliards pour 4 ans accordé à l’armée par le Parlement, en automne 2020, pour moderniser son matériel et s’offrir de nouveaux avions de combat.
Face à l’envolée des prix, au risque de suppressions d’emplois ou de réductions d’horaires de travail, les autorités doivent agir. L’Union syndicale suisse a demandé la semaine dernière au Conseil fédéral de prendre des mesures efficaces pour éviter les pertes de salaire et d’emplois. Elle propose notamment que les règles simplifiées en matière de chômage partiel, telles qu’instaurées durant la pandémie, soient prolongées au-delà de fin mars, moment où elles devaient disparaître. Les salaires devront aussi être adaptés. C’est le seul moyen d’éviter une paupérisation grandissante, alors que 8,5% de la population a été touchée par la pauvreté en 2020.
Les revendications pour préserver les postes de travail, augmenter les salaires et le pouvoir d’achat sont légitimes. Elles ne doivent pas être abandonnées face aux inquiétudes et aux conséquences générées par la guerre meurtrière en Ukraine. C’est en évitant que les salariés et les plus démunis en paient le prix fort, comme cela a été le cas durant la crise du coronavirus, que nous pourrons pleinement faire acte de solidarité et œuvrer à la lutte pour l’arrêt des combats.