Pas d’interdiction de regroupement familial pour les réfugiés de guerre. Du moins dans l’immédiat. Le 25 septembre, le Conseil des Etats s’est distancié de la position adoptée la veille par la Chambre basse. Et a renvoyé la question à une commission compétente. Sa décision n’est certainement pas étrangère au formidable élan de solidarité qui s’est exprimé en faveur des exilés concernés. Après l’acceptation de la motion de l’UDC par le Conseil national, le PS a en effet lancé une pétition en ligne. Et récolté, en l’espace de 24 heures, pas moins de 120000 signatures demandant aux sénateurs de corriger le tir. Une mobilisation citoyenne aussi rapide qu’efficace opposée à un nouveau démantèlement du droit d’asile. Alors que d’autres tours de vis ont encore été réclamés par la droite radicale durant cette même session parlementaire. Et qu’une motion d’une élue PLR vient d’être déposée, contestant les soins gratuits pour tous les requérants. On est plus à un coup près.
Pour rappel, l’UDC exigeait que les réfugiés admis provisoirement dans nos frontières (permis F) ne puissent être rejoints par leurs proches. Qu’ils se résignent à vivre loin de leurs enfants, parents ou conjoint. Et ce quand bien même le terme de provisoire se révèle mensonger. Les migrants accueillis sous ce statut ne peuvent le plus souvent être renvoyés dans leur pays en raison des risques encourus. Et restent durablement dans nos frontières. Dans ce contexte, l’espoir de vivre en sécurité aux côtés des leurs constitue un objectif primordial. Un facteur de santé mentale majeur et, partant, d’intégration. Des considérations sans intérêt pour le parti agrairien soutenu par des élus PLR et du Centre. Une formation politique qui se présente pourtant comme le fer de lance des familles, mais toutes n’ont vraisemblablement pas la même valeur. Bref. Par 105 voix contre 74, les députés bourgeois se sont prononcés en faveur de l’interdiction du regroupement familial. Aussi indifférents au caractère inhumain de la mesure qu’à la violation de droits fondamentaux des réfugiés et de traités internationaux qu’elle induit. Et ce alors même que les conditions imposées aux exilés en la matière se révèlent déjà très restrictives: aucune demande de regroupement ne peut être déposée avant un séjour de trois ans. Le requérant doit par ailleurs disposer d’un logement suffisamment grand et satisfaire à des impératifs financiers et linguistiques drastiques. Durant la période 2020 à 2023, seule une centaine de personnes en moyenne par année ont pu bénéficier de cette «largesse». Toujours trop pour le parti nationaliste, jamais en manque d’imagination quand il s’agit d’affaiblir encore et encore un droit d’asile qui n’a cessé d’être vidé de sa substance. Et, fort de son poids au Conseil national, bien décidé à exploiter sans fin son fonds de commerce en l’imposant dans l’agenda politique.
Plus déconcertante et inquiétante en revanche, la position du ministre socialiste Beat Jans. S’exprimant récemment dans la Schweiz am Wochenende, le conseiller fédéral en charge du Département de justice et de police s’est montré ouvert à l’externalisation de procédures d’asile dans des pays tiers sous «certaines conditions». Comme la présence de personnel suisse pour examiner les requêtes sur place en collaboration avec d’autres Etats. Il a aussi justifié cette idée par une diminution potentielle des noyades de réfugiés en Méditerranée. Pas de quoi sauver nos consciences du naufrage. Outre la légalité d’une telle entreprise, cette proposition est une manière de décharger la Suisse de ses responsabilités de protection et de la soustraire à son devoir de solidarité. Cela porterait un énième coup de boutoir à un système humanitaire qui se fissure de toutes parts.