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Traversée au cœur des migrations

Exposition Homo Migrans.
© Musée d'histoire de Berne/Christine Moor

L’exposition propose un survol de l’histoire, dès les premiers humains en Afrique il y a quatre millions d’années, le début de leur dispersion dans le monde il y a deux millions d’années, jusqu’à la situation présente.

Découvrir comment la migration a façonné la Suisse: tel est le projet de l’exposition "Homo migrans". Des premiers humains à l’équipe nationale de football, le Musée d’histoire de Berne nous invite à une riche mise en perspective

Situé à quelques pas du Palais fédéral, dans une remarquable demeure entourée d’un parc, se trouve un des lieux phares de la vulgarisation historique en Suisse. Ses expositions ne cessent de marquer par leur envergure en lien avec la richesse des objets présentés. De surcroît, cette institution cultive une approche plurilingue; tout est effectivement conçu pour un public de langues française, allemande ou anglaise. Le parcours de la visite commence à nos origines, soit il y a plusieurs millions d’années en Afrique. On entend alors, grâce à un enregistrement audiovisuel: «Nous sommes tous des Africains.» Nos ancêtres se déplacent, arrivent en Europe. Il y a une dizaine de millénaires, la région du Moyen-Pays de l’actuel territoire suisse devient habitable, en raison de la fonte des glaces. Le visiteur peut, à ce moment, découvrir une des plus anciennes œuvres d’art réalisées sur notre étendue géographique: la gravure d’un renne sur un bâton de bois. En avançant dans le temps, avant la conquête romaine (vers l’an 15 av. J.-C.), il rencontre un peuple nommé «les Helvètes», décrit par le témoignage de l’un de leurs observateurs comme pacifique et riche en or. Le nouvel Etat fédéral au XIXe siècle a considéré ces Celtes comme des ancêtres fondateurs et a fait d’une figure féminine Helvetia un symbole identitaire incarnant le sentiment national. Fait piquant: il a donc trouvé, comme référence historique, un peuple d’immigrés et qui souhaitait de nouveau quitter le territoire en vue de s’installer dans une portion située, de nos jours, dans le sud-ouest de la France. Jules César les en empêche. L’Helvétie devient romaine, les traditions s’entremêlent. L’écrit se diffuse à travers l’essor de la langue latine. Les penchants pour le vin méditerranéen se répandent. Puis, le christianisme s’installe.

Entre persécutions et labeur

Le début du Moyen Age se caractérise par des mouvements de populations. Entre le IXe et le XIIIe siècle, le nombre d’habitants s’accroît. On assiste à des migrations à l’intérieur du territoire. Les villes se développent. L’immigration contribue à leur prospérité. En France, dès le XVIe siècle, les protestants sont persécutés. Du fait des guerres de religion, environ 150000 d’entre eux émigrent depuis la fin du siècle suivant. Nombreux sont ceux qui franchissent le Jura. Un document des archives cantonales bernoises fait alors froid dans le dos et nous rappelle une triste actualité: le 5 septembre 1687, deux barques transportant des réfugiés sur l’Aar font naufrage: 111 victimes périssent. Il n’y a que 26 survivants et seuls 29 corps sont repêchés. Les protestants venus de France apportent leur savoir-faire dans l’artisanat traditionnel du tissu imprimé. Ils introduisent le métier à tricoter les bas et contribuent au développement économique dans ce domaine. Des croyants vivant sur sol réformé suisse sont aussi martyrisés. Il s’agit des anabaptistes, fraction issue du protestantisme. Estimant n’être soumis qu’à Dieu et à la Bible, ils refusent notamment le service militaire et de prêter serment à l’Etat. Remettant radicalement en cause l’ordre social et politique, ils sont pourchassés et doivent s’enfuir aux Pays-Bas, en Amérique du Nord… A la même époque, des quantités de travailleurs comme les mercenaires quittent la Suisse, à la recherche d’opportunités professionnelles. L’émigration est souvent temporaire ou saisonnière. Elle se poursuit au XIXe siècle. L’attrait du continent américain pousse à prendre les routes maritimes.

Un accueil à géométrie variable

En fin de parcours, on entre davantage dans l’histoire contemporaine. Sur un panneau, il est écrit: «Les travailleurs italiens, bâtisseurs de la Suisse moderne.» L’industrialisation et les grands projets de construction comme la ligne du Gothard, les tunnels du Simplon et du Lötschberg nécessitent de la main-d’œuvre étrangère. Une série de photographies montrent les conditions pénibles du travail ouvrier. Pourtant, les cultures s’entrelacent. L’influence italienne se fait sentir. Elle enrichit, par exemple, nos goûts alimentaires. Toutefois, des poussées de fièvre xénophobe accompagnent cette intégration. Arrive la délicate question de la politique d’asile au XXe siècle. On sent la volonté d’adopter un ton dépassionné de la part des commissaires de l’exposition, malgré les drames, notamment lors de la Seconde Guerre mondiale. Les travaux de la Commission Bergier, qui ont porté un éclairage sur la question des réfugiés fuyant l’Allemagne nazie, sont mis en vitrine ainsi que le passeport d’un juif du Reich avec la lettre «J» apposée sur son document. Le fait de mettre ce tampon provenait d’une idée suisse et cela aurait mérité d’être rendu explicite. D’une manière générale, en perspective historique, la Suisse semble osciller entre ouverture et fermeture. Néanmoins, l’exposition pourrait, à ce moment, mieux présenter le caractère idéologique de ces variations. Car, si le pays a accueilli de nombreux réfugiés fuyant des régimes communistes comme les Tchèques à la suite de l’occupation soviétique d’août 1968, il n’en a pas été de même, entre autres, des Chiliens opprimés par Pinochet, ces derniers semblant moins correspondre aux sensibilités politiques pour lors dominantes.

Notre histoire migratoire

En fin d’exposition, nous découvrons les interviews par Skype de six personnes ayant vécu des expériences de la migration. Il s’agit de Suisses partis à l’étranger ou d’étrangers venus sur sol helvétique. Cela permet de mettre des visages sur une réalité. Au cours de ces entretiens, les raisons des départs sont évoquées. Il en ressort aussi que les migrants se sentent intégrés dans leur pays d’accueil, où ils ont parfois fondé une famille. Puis, le visiteur est invité à partager sa propre histoire migratoire en l’écrivant et en la glissant dans une enveloppe. Il peut aussi consulter celle des autres contributeurs. En guise d’épilogue, cinq Suisses se sont soumis à un test ADN visant à la recherche généalogique. Ils sont filmés avant et après la découverte des résultats. Le choix de deux séquences confronte la perception des origines avec les conclusions des vérifications. Ces dernières montrent des ascendances plus variées, plus panachées que les participants ne l’avaient imaginé.

Le travail réalisé par l’équipe du musée met ainsi bien en valeur à quel point les migrations sont intrinsèquement constitutives de l’histoire humaine. Elles ont forgé notre pays et nos identités. Il est question de processus dynamiques, en mouvement, parcourant l’espace et le temps. A l’heure des vociférations populistes et en un siècle où la Méditerranée a été transformée en cimetière, la pertinence sociale du traitement historique de cette thématique résonne de façon, tout au moins, salutaire.

L’expo en pratique

Exposition «Homo migrans. En route depuis deux millions d’années», à voir jusqu’au 28 juin au Musée d’histoire de Berne, Helvetiaplatz 5, Berne.

Heures d’ouverture: du mardi au dimanche de 10h à 17h. Fermé le lundi.

Des visites guidées sont organisées certains dimanches, de même que sur réservation pour les groupes. Un parcours ludique est destiné aux familles. Les écoles peuvent également bénéficier d’un programme particulier.

Plus d’informations sur: bhm.ch/fr

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