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Un 8 mars pour l’égalité et la paix

Cortège du 8 mars à Lausanne.
© Olivier Vogelsang

A Lausanne, après l’action symbolique menée par Unia sur la place du 14-Juin, plus de 2000 personnes ont manifesté bruyamment dans les rues de la capitale.

Le 8 mars dernier, les femmes se sont mobilisées partout en Suisse à l’appel des collectifs de la Grève féministe et des syndicats pour s’opposer à l’augmentation de l’âge de la retraite, aux inégalités, aux violences, ainsi qu’à la guerre en Ukraine

«Augmenter les salaires, pas l’âge de la retraite!» était le mot d’ordre des syndicats en cette Journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2022. Des manifestations, des actions symboliques, des conférences, la distribution du journal 8 minutes ont été organisées partout en Suisse. Unia, comme l’Union syndicale suisse (USS), a rappelé que «les femmes gagnent toujours 20% de moins que les hommes et travaillent plus souvent à temps partiel. Elles s’occupent des enfants et des proches et sont employées dans des branches à bas salaires (soins, nettoyage, restauration…).» Par conséquent, leurs rentes vieillesse sont inférieures d’un tiers à celles des hommes. «Or, si les femmes gagnaient plus, elles cotiseraient plus également, et bénéficieraient d’une retraite digne à la fin de leur carrière», souligne l’USS qui a lancé le référendum contre AVS 21 qui sera déposé le 25 mars à Berne. Et participent également à l’initiative pour les crèches.

La guerre, ce retour en arrière

«Alors que la pandémie nous laisse enfin manifester sans masques, c’est la guerre qui s’installe à nos portes, avec les conséquences terribles qu’elle entraînera pour toute la population civile en Ukraine et, comme dans toutes les guerres, plus encore pour les femmes et les enfants», souligne pour sa part la Coordination romande des collectifs de la grève féministe et des femmes en préambule à ses revendications. Dans un communiqué, elle rappelle: «En 1991, la journaliste et féministe américaine Susan Faludi publiait Backlash:la guerre froide contre les femmesBacklash (contre-coup, ndlr), comme le retour de bâton qui frappe les femmes à chaque avancée de leurs droits, aussi minuscule soit-elle.» Puis, le collectif énumère pêle-mêle les violences sur les routes de l’exil, non reconnues comme motifs d’asile, les inégalités salariales, les discriminations faites aux minorités LGBTQIA+, la dévaluation et le mépris du travail du care pourtant si essentiel. Et conclut dans ce langage qui évolue décidément plus vite que les droits des femmes: «Le 14 juin 2019, nous étions 500000 dans les rues de Suisse. Nous sommes toujours là. Nous sommes fortexs, fièrexs, vénèrexs et pas prêtexs de nous taire!»  Texte Aline Andrey

LAUSANNE

Le monde du travail encore et toujours discriminatoire

8 mars à Lausanne.

 

Unia Vaud et son groupe d’intérêts Femmes ont organisé une action coup de poing (ou plutôt coup de batte) en détruisant un mur symbolique des inégalités. En ce 8 mars, vers 17h, des briques de carton sont posées sur la place du 14-Juin à Lausanne. Chacune porte un message dénonçant les discriminations faites aux femmes, plus particulièrement sur le marché du travail: réforme des retraites AVS 21; inégalités structurelles, notamment liées à la répartition entre travail rémunéré et non rémunéré; emplois précaires et peu valorisés; sexisme. Le mur s’élève au fil des discours des syndicalistes et des travailleuses du tertiaire qui énumèrent les inégalités «structurelles, fruit d’une société capitaliste, sexiste et raciste, régie par les rapports de domination», comme le dénonce Tamara Knezevic, secrétaire syndicale d’Unia Vaud. Puis, le micro passe de main en main, pour exprimer le ras-le-bol. «J’en ai marre des emplois précarisés qui sont composés majoritairement de femmes et surtout de celles issues de l’immigration», lance Anne, vendeuse. Eli, employée de commerce de détail, ajoute: «Au moment du départ à la retraite, les femmes reçoivent une rente inférieure de 37% à celle des hommes, soit d’environ 20000 francs de moins!» Nicole Vassalli, secrétaire syndicale, s’insurge contre l’exploitation, précisant: «Les femmes sont souvent confinées dans les emplois qui sont très pénibles physiquement comme le nettoyage et très peu payés comme l’industrie!» Tamara Knezevic renchérit: «Aujourd’hui en Suisse, les femmes consacrent 282 millions d’heures par année au travail gratuit, ce qui correspond à 148000 postes à temps plein!» Florbela, employée dans le secteur du nettoyage, évoque quant à elle les féminicides: «Les 24 des 27 personnes décédées dans le cadre de violences domestiques sont des femmes!» (selon des statistiques publiées par l’OFS en 2019) Et Marina, employée logistique e-commerce, de s’élever contre «les bas salaires qui concernent principalement les femmes parce que les métiers où elles sont majoritaires sont peu valorisés».

L’action se voulant participative, les secrétaires syndicales proposent ensuite aux personnes présentes d’écrire leur propre grief sur une brique. L’une d’elles note «charge mentale», et ajoute au micro: «J’en ai marre de penser pour deux!» Une autre écrit «micromachisme», et exprime son exaspération face «aux petites blagues machistes du quotidien». Une apprentie marque «clichés», puis explique en aparté: «J’aurais aimé faire pilote d’avion, car j’aime voyager. Mais à l’orientation scolaire, on m’a dit que c’était un métier d’hommes. J’ai alors pensé à hôtesse de l’air, mais on m’a dit que j’étais trop petite. Finalement, on m’a proposé un apprentissage de coiffeuse!» En fin de compte, cette jeune femme est aujourd’hui en apprentissage dans la restauration. «Je suis ici par hasard, je dois retourner au travail», lance celle qui ne connaissait pas, jusqu’à aujourd’hui, la Journée internationale des droits des femmes.


En soutien à l’Ukraine

Alors que la place lausannoise du 14-Juin s’emplit de monde, les pancartes fleurissent – «Sous les pavés, la plage. Sous les plafonds, la mère», «Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler». Et les slogans fusent: «Grève, grève, grève et mobilisation. C’est ça, c’est ça, c’est ça la solution!»; «So-so-so-solidarité avec les femmes du monde entier!»

Avant le départ du cortège composé de plus de 2000 personnes, de tous âges et de tous sexes, Geneviève de Rham, militante du collectif vaudois de la Grève féministe, revient sur l’appel de 45 organisations féministes russes contre la guerre (extraits ci-dessous). Puis, Hanna Perekhoda, au nom du comité Ukraine-Suisse, assène: «Le 24 février, Poutine a commencé l’invasion de l’Ukraine et le bombardement de la population civile. Cela fait huit ans qu’il mène une guerre honteuse contre les Ukrainiens. Elle a déjà fait 15000 morts et maintenant deux fois plus, rien que ces deux dernières semaines. Nous devons condamner cette guerre d’agression. La guerre est synonyme de mort, de violence, de pauvreté, de déplacements forcés, de vies brisées, de viols et d’absence d’avenir. Il s’agit de prendre une position forte contre Poutine, ce vieillard aux ambitions géopolitiques maladives, machistes, militaristes, impérialistes, colonialistes.» Et la jeune militante de rappeler le courage des femmes russes qui ont fait grève et sont descendues dans les rues de Petrograd (Saint-Pétersbourg) le 8 mars 1917 pour réclamer du pain et la paix, inaugurant ainsi la Révolution…

Extraits de l’Appel des féministes russes

  • «Le féminisme, en tant que force politique, ne peut être du côté d’une guerre d’agression et d’une occupation militaire. Le mouvement féministe en Russie lutte en faveur des groupes vulnérables et pour le développement d’une société juste offrant l’égalité des chances et des perspectives, et dans laquelle il ne peut y avoir de place pour la violence et les conflits militaires.»
  • «La guerre exacerbe les inégalités de genre et fait reculer de nombreuses années les acquis en matière de droits humains. La guerre apporte avec elle non seulement la violence des bombes et des balles, mais aussi la violence sexuelle: comme l’histoire le montre, pendant la guerre, le risque d’être violée est multiplié pour toutes les femmes. Pour ces raisons et bien d’autres, les féministes russes et celles qui partagent les valeurs féministes doivent prendre une position forte contre cette guerre déclenchée par les dirigeants de notre pays.»
  • «Nous risquons toutes d’être victimes de la répression d’Etat désormais et nous avons besoin de votre soutien.»

Textes Aline Andrey
Photo Olivier Vogelsang

YVERDON

Non au licenciement des jeunes mamans

8 mars à Yverdon.

 

A Yverdon, Unia a dénoncé la discrimination qui perdure dans le monde du travail vis-à-vis des jeunes mamans. «Aujourd’hui en Suisse, 1 femme sur 7 perd son emploi pour cause de maternité. Cela signifie que 1 travailleuse sur 7, qui avait un travail avant son accouchement, le perd après son congé maternité. En cause: un licenciement ou un refus de l’employeur d’accorder une réduction de temps de travail», dénonce Tamara Knezevic, secrétaire syndicale du secteur tertiaire d’Unia Vaud. Pour rappel, l’article 336c du Code des obligations indique: «Après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat de travail pendant toute la grossesse et au cours des 16 semaines qui suivent l’accouchement.» Et pourtant, les licenciements illégaux sont récurrents, notamment dans les secteurs de la restauration et de la vente.

En cette journée du 8 mars, une délégation syndicale et des membres du collectif de la Grève féministe se postent devant le restaurant Nomad à Yverdon qui a licencié Aleksandra quelques jours avant la fin de son congé maternité. «Pour des raisons économiques, a-t-il dit, souligne la serveuse. Alors qu’il a ouvert un deuxième café et engagé peu après une autre personne.» Aleksandra préfère rester à l’écart de l’action syndicale, tant sa nervosité et son émotion la submerge. La lettre qu’elle a fini d’écrire au milieu de la nuit à l’intention de son employeur est ainsi lue par Tamara Knezevic. Elle retrace une grossesse sous tension: le câble électrique baignant dans l’eau d’un lave-vaisselle défectueux sur son lieu de travail qui l’inquiète, l’analyse de risque demandée par sa gynécologue qui restera lettre morte; un salaire non payé malgré son certificat d’incapacité de travail qui l’amènera à déposer plainte; l’absence de son patron au Tribunal des prud’hommes, sans compter les insultes de ce dernier à son égard. Si son licenciement a été annulé, elle dit n’avoir toujours pas reçu d’allocation familiale, plusieurs mois après la naissance de son enfant. Au quotidien 24 heures, le patron avoue une faute de calcul quant à la date du licenciement, mais déplore avoir reçu un certificat médical dix jours avant la fin du congé maternité – soit juste après le licenciement illégal…– et ne pas savoir s’il peut encore compter sur elle, ou non.

Toujours en congé maladie, Aleksandra va continuer à se battre pour défendre ses droits. En ce 8 mars, elle s’étonne, les larmes aux yeux, d’être défendue ainsi par le syndicat. «Je n’arrive pas à croire qu’Unia fasse tout cela pour moi. Et pour d’autres futures mères.»

Texte Aline Andrey
Photo Unia

NEUCHÂTEL

McDo, champion de l’inégalité…

8 mars à Neuchâtel.

 

Quelque 200 personnes ont participé au cortège du 8 mars à Neuchâtel où l’opposition à AVS 21, comme l’exigence de la paix en Ukraine se sont exprimées. La manifestation a fait halte devant l’enseigne McDonald’s du centre-ville. Unia a profité de cette Journée internationale des droits des femmes pour décerner le «prix de l’inégalité» au McDo de Marin, condamné juste un mois auparavant pour avoir discriminé l’une de ses salariées. Cette dernière avait protesté devant la justice, car son employeur lui avait refusé un poste de cadre en raison de son prochain mariage et d’un «risque» de congé maternité. Un «Happy Leg» géant, contenant un commentaire de la Loi fédérale sur l’égalité (LEg), a été remis en guise de prix à McDonald’s afin de protester contre la discrimination faite aux femmes, cela alors que la loi a déjà plus de 25 ans.

Texte Sylviane Herranz
Photo Unia

DELÉMONT

«On a dit non, c’est non!»

8 mars à Delémont.

 

Une piñata contre AVS 21, remplie des revendications des femmes présentes, un stand, des animations musicales, des prises de parole, ont ponctué la journée du 8 mars sur la place de la Gare de Delémont. Les représentantes du groupe d’intérêt Egalité d’Unia Transjurane se sont mobilisées pour dénoncer la réforme AVS 21 qui entend imposer aux femmes une hausse de l’âge de la retraite à 65 ans, malgré déjà deux refus en votation populaire. «La droite parlementaire n’a toujours pas compris que non, c’était non!» ont-elles souligné, rappelant que les inégalités, les bas salaires, les temps partiels étaient à l’origine de rentes au plancher, d’un tiers moins élevées que celles des hommes. Des éléments condamnant une femme de plus de 65 ans sur six à vivre dans la pauvreté. C’est avec force que les personnes présentes ont affiché leur détermination à se battre contre toute hausse de l’âge de la retraite.

Texte Sylviane Herranz
Photo Unia

GENÈVE

Succès de la Via Feminista

Panneaux de la Via Feminista.

 

Au bout du lac, les lieux de rencontre dispersés en plusieurs points de la ville ont réuni un public multiple. Une belle réussite selon les organisatrices. Cette année, le 8 mars imaginé en 2021 a enfin pu avoir lieu. L’idée de la Via Feminista était de relier plusieurs places genevoises entre elles et d’inviter la population à la déambulation entre les différents stands et thématiques proposés. Une façon d’étaler l’action sur différents points, pandémie oblige. Un concept qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes, entre 600 et 1000 d’après les organisatrices, qui se félicitent du succès de l’événement. «C’était une très belle journée, la population a bien réagi et tout s’est magnifiquement déroulé», rapporte Laura Drompt, chargée de la coordination de l’événement.

Chaque place avait un thème précis: la politique nationale avec la question des retraites et le référendum contre AVS 21, un village ouvert aux associations de défense des droits des femmes, un espace consacré aux thématiques internationales, écoféministes et de convergence des luttes et, enfin, une ouverture sur les arts et la culture à travers des performances «douces et poétiques».

«La plus belle réussite de ce 8 mars, c’est le mélange des publics, insiste Laura Drompt. Nous avons vu des familles, des féministes dites traditionnelles qui militent depuis des décennies, des jeunes plus radicales mais aussi un public plus vulnérable de migrantes et de sans-papiers ainsi qu’une belle représentativité de la communauté LGBTQIA+. Le bilan est très positif!»

Violences condamnées

Dans la soirée du 8 mars, un autre collectif, le Collectif 8 mars révolutionnaire, a fait son traditionnel défilé nocturne. N’ayant pas demandé les autorisations pour manifester, les militantes se sont retrouvées escortées par un nombre impressionnant de policiers. La tension est montée et l’action a dégénéré lorsqu’elles ont voulu prendre un passage qui ne convenait pas aux forces de l’ordre. Des altercations ont suivi, réprimées à coups de matraque par la police, selon nos informations. «Je condamne la violence et le matraquage à l’encontre des manifestantes qui ne menaçaient rien ni personne, déplore Laura Drompt. Voir ces images m’a beaucoup peinée et je suis très remontée contre ce déploiement de force injustifiable.»

Texte Manon Todesco
Photo Thierry Porchet

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