Le virus ne fera pas renoncer les syndicats à la Journée de lutte internationale du droit des femmes. Aude Spang, la responsable Unia des questions femmes et jeunesse, revient sur le programme et les combats à mener en Suisse. Interview
Comment se déroulera, cette année, la journée du 8 mars?
Aude Spang: Avec les différents syndicats de Suisse, nous avons organisé une journée qui pourrait être maintenue malgré la crise. Nous proposons une semaine de formation féministe gratuite, en ligne. Nos membres, ainsi que toute personne intéressée, pourront visionner des courtes vidéos autour de cinq thèmes différents: l’AVS et les rentes des femmes; l’impact du Covid sur le travail des femmes; les violences sexistes et sexuelles sur le lieu de travail; l’histoire syndicale dans une perspective féministe; et enfin, le travail non rémunéré (voir inscriptions et programme ci-dessous).
L’idée est d’ensuite échanger et en discuter avec les oratrices via des vidéoconférences en ligne. C’est un programme coordonné au niveau national, mais il y a des actions propres à chaque canton. Par exemple, à Neuchâtel, il y aura une vitrine de l’égalité; à Saint-Gall, une conférence sur les conditions du personnel soignant.
Vous thématisez le Covid-19. Qu’est-ce que le virus a permis de mettre en avant, par rapport à la condition des femmes?
Le virus a mis en lumière des problématiques que nous, syndicalistes et femmes, combattons déjà depuis plusieurs années. Il a en fait visibilisé l’invisible, en démontrant à quel point le travail des femmes est essentiel. En effet, ce sont les métiers occupés en majorité par les femmes qui se sont retrouvés en première ligne, tels que les infirmières, les aides-soignantes et les nettoyeuses. Des métiers stressants qui manquent de reconnaissance.
Lors de la quarantaine, plusieurs femmes migrantes se sont aussi retrouvées sur le carreau après un licenciement, car elles ne peuvent pas bénéficier du droit du travail. Cela concerne notamment les femmes de ménage et les travailleuses du sexe.
Le projet AVS 21 est ardemment combattu dans les milieux syndicalistes. Pourquoi faire campagne contre cette réforme des retraites?
Le discours officiel rabâche qu’il y a une inégalité entre hommes et femmes, due à une différenciation de l’âge de la retraite. Mais le vrai problème est que les femmes ont des rentes nettement plus basses. Certaines retraitées vivent dans la précarité et font la queue pour un sac de nourriture. Cette différence s’explique en partie par l’inégalité salariale existante, mais aussi par le fait que beaucoup de femmes réduisent leur taux d’occupation lorsqu’elles deviennent mamans. La prise en charge des enfants est un travail essentiel mais qui n’est pas reconnu, puisqu’il est non rémunéré. Or, avec un faible taux d’occupation, on ne cotise pas au 2e pilier, ou peu.
La grossesse limite aussi les femmes dans leur ascension professionnelle. Cela les empêche d’occuper des postes qui exigent souvent une disponibilité à plein temps. Du coup, beaucoup de femmes ne touchent que l’AVS et se retrouvent avec des rentes misérables à la retraite.
Que revendiquez-vous en conséquence?
Elever l’âge de la retraite n’est pas la solution pour vivre plus dignement. En proposant de flexibiliser l’âge de la retraite entre 62 et 67 ans, les partis de droite créent une inégalité, car seuls les plus privilégiés pourront se permettre de prendre une retraite anticipée afin de vivre confortablement. Celles et ceux qui ont de faibles salaires devront travailler plus longtemps pour toucher des rentes décentes. Mais c’est souvent les métiers les plus précaires qui sont aussi les plus épuisants. Nos syndicats s’opposent à l’élévation de l’âge de la retraite et revendiquent de meilleures rentes pour les femmes. L’AVS doit garantir une retraite digne, c’est un droit inscrit dans la Constitution. Mais c’est loin d’être le cas.
Cette année coïncide avec les 50 ans du droit de vote des femmes. Quels progrès ont été accomplis et qu’est-ce qu’il reste encore à faire?
Bien sûr, il y a eu des évolutions. Les femmes peuvent ouvrir un compte sans l’accord de leur mari, l’égalité salariale a été reconnue et il y a eu l’introduction du congé maternité en 2004. Mais il reste tellement à faire! Si on compare les revendications actuelles avec celles de la grève de 1991, on constate qu’elles sont très similaires: l’inégalité salariale n’a pas été abolie, la violence domestique n’a pas cessé et des femmes se font encore licencier après la maternité. Dans les faits, l’égalité n’est pas atteinte.
Par contre, nous avons remporté deux grandes victoires en ce laps de temps. Tout d’abord, la grève de 2019 a vraiment permis d’éveiller les consciences et de sensibiliser la population aux inégalités touchant les femmes. Puis, la lutte féministe actuelle se veut beaucoup plus inclusive et intersectionnelle qu’auparavant. On ne se bat plus uniquement pour les femmes blanches cisgenres mais aussi pour toutes celles subissant la discrimination, comme les femmes migrantes et les LGBTIQ+. Tout est lié.
Cours féministes à la clef
Covid oblige, Unia et les autres syndicats de Suisse n’appellent pas à de grandes mobilisations dans les rues ce 8 mars. Ils proposent à cette occasion une semaine de cours féministes sur internet dispensés par l’institut de formation Movendo. Ces cours se dérouleront du 8 au 12 mars. Dès le 3 mars, de courtes vidéos sur les thèmes retenus seront déjà en ligne. L’ES
Programme et intervenantes:
Lundi 8 mars, de 12h30 à 13h30: Covid-19: le travail des femmes est essentiel, Aude Spang et Véronique Polito d’Unia.
Lundi 8 mars, de 19h à 20h: Violence sexiste au travail (en allemand), Patrizia Mordini de Syndicom et Lucie Waser du SEV.
Mardi 9 mars, 19h à 20h: Histoire des syndicats (en allemand), par Dore Heim de l’USS.
Mercredi 10 mars, de 19h à 20h: Mère et salariée, un casse-tête au quotidien, Michela Bovolenta du SSP.
Jeudi 11 mars de 12h30 à 13h30: Femmes et retraites: bien loin de l’égalité, Joëlle Racine d’Unia.
Vendredi 12 mars de 12h30 à 13h30: Femmes et retraites: bien loin de l’égalité (en italien), Paola Ferro.
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