Yolande Peisl-Gaillet et François Clément remplaceront, le 1er avril, Armand Jaquier au secrétariat régional d’Unia Fribourg. Interview
Ce n’est pas un, mais deux syndicalistes que les délégués d’Unia Fribourg, réunis en assemblée le 20 février dernier, ont élus au poste de secrétaire régional. Habitant en ville de Fribourg, François Clément et Yolande Peisl-Gaillet étaient jusqu’ici employés à la centrale d’Unia à Berne. Ils succéderont le 1er avril à Armand Jaquier, auquel nous consacrerons un article dans une prochaine édition. Interview croisée des deux nouveaux secrétaires régionaux.
Quelles sont vos motivations à prendre la direction régionale d’Unia Fribourg?
Yolande Peisl-Gaillet (YPG): Je partage à 100% les valeurs défendues par Unia que sont la solidarité, l’égalité, la justice sociale, une société qui met l’humain au centre et pas le capital. Je m’engage partout où cela est nécessaire et le faire à Fribourg, dans mon canton, est idéal. Défendre les conditions de travail et les droits des travailleuses et des travailleurs est un défi passionnant que j’ai vraiment envie de relever avec l’équipe d’Unia Fribourg. C’est pour cela qu’avec François, je me suis mise à disposition de mon organisation pour succéder à Armand.
François Clément (FC): Je souscris évidemment à ce que dit Yolande et j’ajoute l’intérêt d’aller sur le terrain. Le travail à la centrale d’Unia à Berne est très varié, mais il maintient une distance avec le terrain. Yolande et moi aurons du plaisir à y retourner. De plus, c’est l’occasion d’apporter à la région le savoir-faire et les expériences de gestion d’équipe que nous avons acquis à la centrale.
Vous allez travailler en binôme, comment ça marche?
FC: Nous avons tous deux une approche très réaliste, nous aimons bien identifier les risques en amont. Le binôme permet de réunir davantage de connaissances, d’offrir une plus large vision du poste de secrétaire régional et un dispositif plus solide. Par exemple, si l’un de nous est absent, il n’y a pas d’interruption du travail et de gestion de la région. Le système est, en outre, plus résilient puisque les décisions sont prises à deux après discussion. Il sera plus difficile de faire un mauvais choix sous le coup de l’émotion. L’inconvénient, bien sûr, est qu’il faut que l’on s’entende bien.
YPG: Nous y avons longuement réfléchi et nous sommes convaincus que le binôme est une grande force. Certaines responsabilités seront communes et d’autres individuelles, tous les aspects stratégiques seront traités en commun avec l’appui des organes militants, tandis que la direction opérationnelle sera répartie selon des domaines d’activités spécifiques et nos compétences pour mettre en valeur nos forces mutuelles. Nous nous sommes fixé un code de conduite pour notre collaboration qui garantit la solidité de cette direction unique. Il faut encore préciser que nous travaillerons à temps partiel, à 80%, parce que nous voulons aussi vivre ce qu’Unia préconise, c’est-à-dire la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.
Vous vous connaissez depuis longtemps?
YPG: Nous nous connaissons depuis que nous sommes arrivés à la centrale il y a cinq ans. Nous n’avons pas travaillé ensemble sur beaucoup de dossiers, mais je crois que pour bien fonctionner, il faut une claire répartition des tâches et surtout la transparence, la confiance et le respect. Nous avons construit une relation sur cette base, nous travaillons à la consolider et cette confiance nous permettra certainement de surmonter toutes les difficultés. Nous avons chacun nos sensibilités, mais nous sommes vraiment les deux animés, non par la volonté de faire carrière, mais de travailler pour la cause syndicale, de nous impliquer dans le syndicat avec les salariés pour défendre leurs droits car actuellement les attaques sont nombreuses et le futur s’annonce assez difficile.
«Le défi est de féminiser et rajeunir le syndicat»
Quels sont les dossiers et problématiques que vous allez devoir empoigner?
FC: Ils sont très nombreux et c’est un peu le problème. La difficulté centrale, ce sont les ressources. Nous n’en avons jamais assez alors qu’il y a mille causes, mille problèmes que l’on doit régler tout le temps. Il faudra réussir à bien utiliser ces ressources, ce sera déjà un premier challenge. Après, parmi les dossiers les plus importants, il y a la nécessité de conclure une convention collective dans la vente. Il y aura aussi en 2022 le renouvellement de la convention du gros œuvre, qui sera sans doute difficile car la Société suisse des entrepreneurs ne s’est pas montrée très ouverte et coopérative ces derniers temps. En 2023, plusieurs conventions du second œuvre seront renégociées, ce qui demandera pas mal d’énergie.
YPG: Nous serons confrontés aux conséquences de la crise provoquée par la pandémie. Cela nécessitera beaucoup d’engagement du syndicat car il y aura des licenciements, des faillites et des tentatives de dérégulation et de précarisation des conditions de travail. Cela ne va pas faciliter notre entrée dans la région.
FC: La question sera éminemment syndicale car, dans la réalité, les conséquences du Covid sont très inégales selon les branches. Si je prends l’exemple de la construction, l’activité n’a pas ralenti d’un iota en 2020 et pourtant des baisses de salaire sont évoquées. Nous devons donc faire face à des attaques contre les droits des travailleurs qui ne sont pas liées à une réalité économique. Certains milieux patronaux tentent depuis longtemps d’imposer de nouvelles règles. Ils se sont toujours cassé les dents sur le syndicat, mais se disent qu’aujourd’hui il y a une occasion à saisir. Nous allons devoir nous montrer forts.
YPG: Il y a également les défis structurels propres à Unia à relever, soit garantir le changement de génération dans les branches où nous sommes déjà forts et permettre dans les autres que les salariés puissent s’organiser pour défendre leurs droits. Les métiers des services sont très féminisés, souvent précarisés et peu reconnus. Il faut que ces travailleuses puissent trouver dans le syndicat la possibilité de défendre leurs conditions de travail. Pour résumer, le défi est de féminiser et rajeunir le syndicat.
«Je veux intégrer les militants et militantes au travail syndical»
Quel projet vous tient-il particulièrement à cœur de mettre en œuvre au sein d’Unia Fribourg?
FC: Intégrer vraiment les militants et militantes au travail syndical, qu’ils prennent de l’importance. Que ce ne soit plus seulement le secrétaire régional qui aille parler dans les médias, mais que des militants le fassent aussi, qu’ils animent des assemblées de A à Z, donnent des formations à d’autres membres, participent à des négociations, etc. Bref que l’on soit dans un syndicat qui donne les moyens aux salariés de s’émanciper par eux-mêmes. J’aimerais en outre donner au poste de secrétaire régional une orientation plus opérationnelle. On a souvent une idée très politique du responsable régional, alors que c’est d’abord une fonction avec un devoir opérationnel sans gloire ni supériorité.
YPG: J’adhère à cette façon de voir les choses: les militants sont la base du syndicat. J’ai aussi le souhait d’obtenir une meilleure représentation des femmes. C’est un travail de longue haleine, lié également à cette démarche militante. Si elles peuvent se reconnaître en Unia et y trouver leur place, je pense que nous y arriverons. C’est très important pour l’avenir du syndicat. Un autre point concerne le fonctionnement interne. Créer une relation de confiance avec notre équipe à Fribourg pour que l’on puisse fonctionner de manière efficace, en comptant les uns sur les autres, est essentiel. J’ai vraiment beaucoup de respect pour cette fonction de secrétaire régionale, c’est une très grande responsabilité et je suis très honorée qu’on nous l’ait confiée. Il faudra rester humble pour laisser la place aux militantes, aux militants et aux collègues, tout en étant solide comme un roc pour que toutes et tous puissent s’appuyer sur nous.