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Un virus de classe?

L’exploitation et la précarité augmentent le risque de contracter le Covid-19. Singapour, pourtant élève modèle de la lutte contre l’épidémie, fait face depuis avril à une seconde vague de contaminations. Le nombre de nouvelles infections a explosé dans les dortoirs géants de migrants, vastes structures installées dans des zones industrielles qui, comme le mentionnait récemment Le Temps, peuvent accueillir jusqu’à 10000 ouvriers. Des immigrés venus d’Inde, du Bangladesh, d’Indonésie pour travailler sur les chantiers ou dans l’industrie navale. Dans ces logements de la démesure, les ouvriers s’entassent à 12 ou même à 20 par chambre. L’état sanitaire y est pitoyable, avec par exemple une seule douche et cinq toilettes pour 100 personnes. En avril, 2275 cas de coronavirus ont été recensés dans un seul de ces dortoirs. Les conditions sanitaires, comme de travail – vu que les ouvriers craignent d’être licenciés en cas d’absence maladie – ont permis à l’épidémie de se répandre comme une trainée de poudre. Une vingtaine de ces dortoirs ont été placés en isolement complet.

L’Europe n’est pas en reste. En Allemagne, des travailleurs migrants, roumains pour une grande part, ont été infectés récemment, laissant craindre une deuxième vague redoutée après le redémarrage des activités le 20 avril. Un Land a d’ailleurs décidé de revenir au confinement strict. C’est dans plusieurs abattoirs du pays que l’épidémie a repris de l’ampleur, affectant une main-d’œuvre exploitable et corvéable à merci, payée quelque 6 euros l’heure. A Coesfeld, dans le nord du pays, 230 employés sur 1200 ont été contaminés. Dans un autre abattoir, on parle de 200 travailleurs touchés. A Birkenfeld, 300 sur 700 ont contracté le virus, dont deux tiers de Roumains. Des ouvriers pour la plupart recrutés par des entreprises temporaires de l’est et du sud de l’Europe, logés dans de vieux immeubles loués par les employeurs à proximité des abattoirs, ou même dans des anciennes casernes. Là encore, promiscuité et sanitaires déplorables font le lit de la contamination.

Une étude anglaise le démontre: les salariés les moins qualifiés, surtout les hommes, ont le plus de risques de mourir du Covid-19. Sur la base des décès des 20 à 64 ans au Royaume-Uni, le bureau britannique des statistiques (ONS) révèle un taux de mortalité de 21,4 pour 100000 hommes dans les métiers tels qu’agents d’entretien et ouvriers du bâtiment. Pour les agents de sécurité, c’est encore plus: 45,7. Les autres professions à risque sont les chauffeurs de taxi et de bus, les cuisiniers, les vendeurs, ainsi que le secteur social où les femmes sont aussi concernées. L’étude ne prend pas en compte les facteurs ethniques. Or, selon une autre enquête de l’ONS, les risques de mourir du virus sont deux fois plus importants dans les quartiers défavorisés. En Suisse aussi, et nous y reviendrons, les plus précaires, notamment les sans-papiers, sont beaucoup plus touchés par la maladie. Le virus n’a pas de patrie, mais il ne frappe pas indistinctement. Il s’attaque aux exploités des temps modernes, grâce à la vulnérabilité générée par l’avidité du capital.