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Une crise qui attise la colère

Une ombre plane sur le sommet des dirigeants économiques et politiques mondiaux qui se réunissent cette semaine à Davos. C’est celle de la «crise du coût de la vie». Elle figure à la première place des menaces pour la stabilité économique à court terme, selon le propre rapport du Forum économique mondial (WEF) sur les risques actuels publié il y a une semaine. Autre menace, outre celles des catastrophes naturelles et de la confrontation géoéconomique, celle de l’érosion de la cohésion sociale. Face à la crise du Covid-19, à l’inflation, à la guerre en Ukraine, aux difficultés d’approvisionnement et aux risques de récession dans de nombreux pays en raison de la politique monétaire, le rapport du WEF signale que les conséquences seront ressenties plus durement par les couches les plus vulnérables de la société. Il prédit déjà «une hausse de la pauvreté, de la faim, des manifestations violentes, de l'instabilité politique et même de l’effondrement de l’Etat», pour les plus fragiles d’entre eux. Les ménages à revenus moyens verront aussi leurs conditions d’existence s’éroder, ce qui risque, selon cette étude, de susciter «le mécontentement, la polarisation politique et les appels à une protection sociale renforcée dans les pays du monde entier»…

Cette analyse rejoint celle de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui, dans son dernier Rapport mondial sur les salaires, fait le constat d’une diminution du pouvoir d’achat dans de nombreux pays. Une baisse due à l’inflation galopante, qui frappe très durement les personnes à petits revenus. Ces dernières consacrent en effet une majeure partie de leur paye à l’alimentation et aux biens et services de première nécessité. Pour l’OIT, «faute de réponses politiques adéquates, nous pourrions être confrontés dans un proche avenir à une forte baisse du revenu réel des travailleurs et de leur famille, associée à une augmentation des inégalités, fragilisant ainsi la reprise économique et risquant d’accroître les tensions sociales.»

La Suisse, pays où la concentration des richesses est extrême, n’échappe pas au phénomène. La crise du coût de la vie touche l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Certes, dans certaines branches, des adaptations salariales ont pu être obtenues. Mais on n’a pas atteint les 4 à 5% demandés par l’Union syndicale suisse (USS) l’automne passé pour compenser l’inflation ainsi que la perte des salaires réels à l’œuvre dans certains métiers depuis plusieurs années. Période où les écarts entre bas et hauts revenus n’ont cessé de se creuser, comme les inégalités sociales. On dénombre aujourd’hui dans notre pays quelque 735000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, soit 8,6% de la population. Quant aux riches, ils deviennent toujours plus riches. En vingt ans, la concentration de la fortune s’est accrue. Selon l’USS, en 2003, 3% de la population possédaient la moitié de tous les biens en Suisse. Ils n’étaient plus que 1,6% en 2019. Cette petite minorité détient donc autant que les 98,4% de la population restante.

Face à de telles inégalités, les offensives syndicales annoncées par l’USS la semaine dernière (voir ici) sont cruciales. Il est plus que temps de récupérer, par des hausses des rémunérations, par l’instauration de salaires minimums ou encore par une baisse du temps de travail sans perte de revenu, les gains de productivité qui vont gonfler les comptes des actionnaires au détriment de la classe laborieuse qui les réalise. Une redistribution des richesses est plus urgente que jamais. En Suisse comme sous d’autres latitudes.

Aujourd’hui déjà, l’exacerbation sociale attise la révolte des peuples, en Iran, au Pérou et ailleurs. Peut-être demain en France... Les «rois» du monde réunis à Davos risquent bien d’être débordés, en cette année 2023, par cette colère qui monte partout sur la planète.