«Une règle pour les riches, une autre pour les pauvres»
Alors que les salaires sont à la traîne, les rémunérations des actionnaires ont augmenté de près de 29% en Europe au cours du deuxième trimestre
«On dit aux travailleurs que ce n’est pas le moment pour leur accorder une augmentation salariale, alors que les actionnaires sabrent le champagne pour fêter leurs rémunérations allant bien au-delà de l’inflation.» Esther Lynch, secrétaire adjointe de la Confédération européenne des syndicats (CES), a commenté, dans un récent communiqué de presse de la faîtière, les chiffres relatifs aux hausses des montants perçus par les actionnaires au cours du deuxième trimestre de cette année. Globalement, cette majoration s’élève en Europe à 28,7%. «C’est une hausse sept fois plus rapide que le rythme auquel les salaires augmentent au sein de l’Union européenne», estime la CES. Tableau à l’appui, la confédération compare les augmentations octroyées dans différents pays. On apprend par exemple que les actionnaires en Espagne ont touché durant la période analysée des dividendes 97,7 fois plus élevés que pour la même tranche en 2021, devant l’Italie (72,2%). En Allemagne, ce taux se monte à 36,3%, en France à 32,7%, suivie par la Belgique (25,1%) et les Pays-Bas (23,4%). Parallèlement, les augmentations de salaires du personnel attendues cette année oscillent entre 0,7% (Suède) pour la plus basse et 5,9% (Belgique) pour la plus haute – la moyenne allant de 3% à 4%. Ces faibles hausses s’inscrivent dans une Union européenne frappée par un fort renchérissement du coût de la vie. Le taux d’inflation en juillet dernier, comparé au même mois en 2021, s’est élevé à titre d’exemple à 11,6% aux Pays-Bas, 10,7% en Espagne, 10,4% en Belgique, 9,6% en Irlande, ou encore, respectivement, à 8,5% et 8,4% en Allemagne et en Italie.
Taxer les bénéfices excessifs
«Ces chiffres seront difficiles à croire pour des millions de travailleurs luttant pour faire face à la crise du coût de la vie. Il est une nouvelle fois clair qu’il existe une règle pour les riches et une autre pour les pauvres. C’est une double insulte pour les travailleurs parce que les entreprises ne leur assurent pas un salaire décent et que les salaires existants sont davantage encore dévalués par la hausse de l’inflation», a ajouté la responsable de la CES. Selon la confédération, l’écart entre les taux applicables aux paiements des dividendes et des salaires en Europe contribue également au déclin de la part du PIB revenant aux employés par rapport à celle dévolue aux dirigeants et aux actionnaires. Et cela alors que les investissements des entreprises pour l’avenir sont toujours inférieurs aux niveaux d’avant la pandémie. Dans ce contexte, la CES appelle les gouvernements européens à instaurer une taxe incontournable sur les bénéfices excessifs. Elle réclame également l’introduction d’une limite au montant des primes et des dividendes et le soutien à la négociation collective qualifié de meilleur moyen d’assurer une juste rémunération des travailleurs. «Il est temps de mettre fin à ce scandale. Il faut taxer les bénéfices excessifs et veiller à de justes augmentations de salaire pour les travailleurs.»