Unia défend bec et ongles le personnel du home La Colombe
Soutenu par le syndicat, le personnel de l’EMS neuchâtelois qui a brusquement fermé ses portes est venu demander des comptes à son employeur.
Le patron de l’EMS neuchâtelois qui a fermé ses portes a passé un mauvais quart d’heure le 30 août. Soutenus par Unia, les collaborateurs et collaboratrices sont venus lui demander des comptes.
Le home La Colombe bat de l’aile depuis plusieurs mois et le syndicat défend bec et ongles le personnel, en majorité féminin, victime de pressions et, pour certaines, de licenciements contestables. Invoquant des pertes financières et un «absentéisme irresponsable des employés», le propriétaire du home, Jean-François Staehli, a annoncé le 19 août aux 23 résidents et à leurs familles la résiliation du contrat d’hébergement au 31 août, en n’offrant aucune solution de relogement, contrairement à ses obligations. C’est le Service cantonal de la santé publique qui a dû trouver des solutions pour recaser les personnes âgées dans d’autres institutions. Jean-François Staehli avait certes signalé au printemps son intention de fermer l’établissement cet été, avant d’assurer ensuite que l’activité se poursuivrait. La solution d’un repreneur avait été évoquée.
L’homme avait défrayé la chronique en 2011, alors chef du Service cantonal de la sécurité civile et militaire, il s’était vu congédier au motif, selon un communiqué de la Chancellerie, qu’il ne possédait «pas toutes les qualités requises» pour diriger une unité administrative et qu’il entretenait des «relations parfois difficiles ou inadéquates avec les collaborateurs, collaboratrices et partenaires de son service»…
L’apéro se transforme en manifestation
Le personnel de La Colombe encore en activité a accompli ses tâches au service des résidents jusqu’au bout ce 30 août. N’ayant peur de rien, Jean-François Staehli avait imaginé de clore cette dernière journée par un apéritif, en invitant ses désormais ex-collaborateurs à «profiter d’un moment d’échange convivial et ouvert»… Cette petite attention a eu le don de faire bondir le personnel et l’apéro s’est transformé en manifestation. Devant les habitants du quartier ébahis, une vingtaine de travailleurs et de syndicalistes ont déboulé en entonnant: «Employées révoltées! La Colombe mal gérée!»
«Je n’ai plus de boulot, je n’ai même pas de certificat de travail pour rechercher un nouvel emploi. Jean-François Staehli, lui, ne fait rien, à part dénigrer ses collaborateurs, il roule en Maserati et part en vacances quand il veut», confie, dépité, un travailleur.
Invité par mégaphone à sortir de l’établissement, Jean-François Staehli ne montre pas le bout de son nez. Suivie de trois syndicalistes, la secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel, Silvia Locatelli, s’engouffre alors dans un ascenseur extérieur accessible. A l’intérieur du bâtiment, un dialogue difficile s’engage. «Les employés attendent que vous veniez leur parler», dit Silvia Locatelli. L’intéressé hausse les épaules: «Est-ce que ça a un intérêt? Ils ont reçu une information…» Le secrétaire syndical Vincent Autin ne se laisse pas démonter: «Il y a vingt familles dehors que vous avez mises dans la panade. Nous vous avons envoyé plein de courriers recommandés.» «Je m’en excuse, je n’ai pas eu le temps d’y répondre, les résidents passent en premier. Je suis un petit employeur, qui a payé cet ascenseur pouvant accueillir des civières pour un million de francs sur mes fonds propres. En 2022, nous avons eu 73000 francs de pertes; en 2023, un quart de million; nous sommes aujourd’hui à 1,6-1,7 million de pertes pour mon frère et moi. L’Etat ne nous verse plus que 14,80 francs par chambre et par jour, alors qu’avant nous étions à 34 francs. Et dans les soins, j’ai six personnes absentes sur 14...» Silvia Locatelli interroge: «Ne pensez-vous pas qu’elles sont en arrêt en raison de la pression?» «Je ne me l’explique pas.» Le dialogue tourne court, mais le patron se laisse convaincre d’aller à la rencontre du personnel.
Doléances en cascades
A peine sorti, Jean-François Staehli est alpagué par une travailleuse: «Quand vous m’avez virée, vous m’avez pointée du doigt en souriant! J’ai été licenciée parce que l’infirmière cheffe avait une dent contre moi! Nous en avons assez de tous ces mensonges!» Tout aussi remontée, une autre salariée prend le relais: «Quand je vous ai annoncé que je devais prolonger mon arrêt de travail, vous m’avez virée! Vous m’avez salie!» Une troisième collègue entre en piste: «Vous menaciez les employées! Un jour, vous avez appris que j’étais absente et vous m’avez téléphoné pour me dire que je devais présenter un certificat médical avant midi sous peine d’être licenciée pour abandon de poste.» Une quatrième: «Vous nous avez manipulées, entourloupées!»
«Je ne pense pas être un menteur, j’ai une éthique», s’est défendu Jean-François Staehli, en parlant de fausses informations et en renvoyant à la responsabilité de l’Etat.
Il a proposé de participer à une rencontre avec les représentants de l’Etat et du syndicat en présence de son avocat et accepté que des employées puissent récupérer leurs affaires avant que le quartier de Colombier ne retrouve son calme.
Le personnel s’est réuni en assemblée générale mardi soir. «23 personnes étaient présentes, soit l’entier du personnel, à l’exception d’une personne malade et d’une autre en vacances. Nous avons décidé de déterminer combien doit précisément l’employeur avant de revenir vers lui», indique Alexandre Porret, secrétaire syndical d’Unia Neuchâtel en charge des homes. Outre le délai de congé, le personnel peut prétendre à un dédommagement pour licenciement injustifié et des indemnités d’ancienneté prévues par la convention collective de travail.