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«Vous avez le droit de savoir ce que fait Novartis en Grèce»

Giorgos Chondros, George Pallis, Panos Papadopoulos
© Neil Labrador

Rencontrés à la mi-novembre à Berne, Giorgos Chondros, membre du comité central de Syriza, George Pallis, pharmacien et député au Parlement grec, et Panos Papadopoulos, chef du cabinet du Ministère de la santé (de g. à dr.) ont présenté les enjeux de l’affaire Novartis secouant leur pays. L’enquête pour corruption est toujours en cours. De nombreuses personnes sont concernées, dont deux anciens Premiers ministres et huit ex-ministres.

En novembre, trois personnalités de Syriza étaient en visite dans notre pays pour parler du scandale qui a coûté des milliards au système de santé grec

«Nous sommes convaincus que cette affaire ne concerne pas seulement la Grèce, mais aussi la Suisse. La population de votre pays a le droit de savoir quelles sont les pratiques des multinationales helvétiques à l’extérieur.» Chef du cabinet du Ministère de la santé grec, Panos Papadopoulos explique les raisons de sa venue en Suisse, du 14 au 16 novembre, avec deux autres personnalités de Syriza, George Pallis, pharmacien et député au Parlement grec, et Giorgos Chondros, membre du comité central du parti de gauche au pouvoir depuis 2015. Invités par l’association Multiwatch et le Comité de solidarité avec la Grèce, ils ont informé le public sur le scandale Novartis en Grèce lors de deux conférences, l’une à Berne et l’autre à Bâle, ville accueillant le siège de la multinationale. Ils ont aussi profité de leur séjour pour s’entretenir avec des parlementaires socialistes, notamment les conseillers nationaux Marina Carobbio et Carlo Sommaruga, afin de discuter des possibilités d’entraide entre les deux pays.

Rencontrée à Berne, la délégation de Syriza explique à L’Evénement syndicalles tenants de cette affaire ayant fait perdre à la Grèce des milliards d’euros. Il y a deux ans, une enquête menée aux Etats-Unis, à l’issue de laquelle le géant suisse a été condamné à une amende de 390 millions de dollars pour avoir incité des chaînes de pharmacies à vendre ses produits, a conduit le FBI sur une affaire de pots-de-vin versés en Grèce à des personnalités politiques, des hauts fonctionnaires et des médecins. Le Parquet grec a ensuite démarré une enquête. Cette dernière porte sur la période de 2006 à 2015.

Anciens Premiers ministres et politiciens mis en cause

«En 2016, trois anciens collaborateurs de Novartis, aujourd’hui sous protection aux Etats-Unis, ont lancé l’alerte et mis en cause des politiciens grecs. Quand des anciens membres du gouvernement sont soupçonnés, la Constitution prévoit que le Parlement s’en charge», explique George Pallis, qui a aussi fait partie de la commission d’enquête parlementaire créée en février 2018. «Il appartient au Parlement de décider ensuite s’il veut travailler ou pas sur le cas. La commission d’enquête a terminé ses travaux en avril et décidé de retourner l’affaire à la justice», ajoute Giorgos Chondros, précisant que cette dernière n’a pas encore terminé son travail.

Dans le collimateur de la justice se trouvent notamment deux anciens Premiers ministres, dont le conservateur Antonis Samaras de la Nouvelle Démocratie, et huit anciens ministres. Parmi eux Yannis Stournaras, actuel gouverneur de la Banque centrale de Grèce et ancien ministre des Finances, Dimitris Avramopoulos, actuel commissaire européen aux migrations et ministre de la Santé de 2006 à 2009, et l’ancien ministre socialiste Evangelos Venizelos. Tous rejettent les accusations. L’un des témoins protégés a évoqué le versement d’un million d’euros à Yannis Stournaras pour influer sur les prix des médicaments. Quelque 50 millions d’euros auraient été versés à des politiciens. Et plus de 4000 médecins, pharmaciens et fonctionnaires auraient été soudoyés par Novartis.

Les deux aspects du scandale

«Le scandale Novartis comprend deux aspects, explique Panos Papadopoulos. Il y a, d’un côté, la question de la fixation des prix des médicaments et, de l’autre, les incitations faites aux médecins de prescrire en grand nombre les médicaments de la firme. Concernant les prix, la Grèce occupe une place importante au niveau international. Les prix dans notre pays influencent la liste de référence pour les tarifs internationaux: plus ils sont élevés chez nous, plus les multinationales pharmaceutiques réalisent de profits. D’où la corruption des représentants politiques fixant les prix en Grèce. Côté médecins, Novartis les incitaient à prescrire ses médicaments en offrant de l’argent, des voyages, des participations à des congrès. Ces pratiques existent depuis longtemps.»

Presque 10% de la dette grecque… 

Conséquence de telles pratiques, l’explosion des dépenses de médicaments pour le système de santé grec. L’affaire Novartis aurait ainsi représenté pour l’Etat grec une perte de quelque 3 milliards de francs. «Au total, entre 1997 et 2014, ces pratiques, menées aussi par d’autres firmes, auraient coûté environ 23 milliards d’euros à l’Etat», soulignent Panos Papadopoulos et George Pallis. «Cela représente presque 10% de la dette totale de l’Etat, qui se monte à environ 300 milliards!»

Ces dépenses démesurées ont eu des effets d’autant plus forts après le début de la crise financière et des mesures d’austérité imposées par les institutions internationales. «Les coupes dans la santé ont été plus élevées qu’ailleurs. Jusqu’en 2015, le budget de la santé a été diminué de presque 40%, des milliers de postes ont été supprimés, rappelle le chef du cabinet du Ministère de la santé. Le système grec de santé a été près de l’effondrement. Quand Syriza est arrivé au pouvoir, en 2015, la première mesure a été de stabiliser le système. Le budget a été augmenté de 10%, 2 millions de personnes sans assurance maladie ont pu obtenir une couverture et les prestations ont augmenté. Des postes ont été créés et le secteur des pharmacies a été réformé afin qu’un tel scandale ne puisse plus survenir. Nous sommes aussi en train de développer une prestation de base. Il y a eu des améliorations, mais d’autres avancées sont nécessaires.»

A l’issue de leur visite, les trois délégués de Syriza espèrent que notre pays s’engagera pour que les pratiques de corruption telles que celles de Novartis ne soient plus possibles à l’avenir. Interpellé en février 2018 déjà sur cette question par Carlo Sommaruga, le Conseil fédéral a répondu succinctement que l’administration fédérale «s’employait depuis des années à effectuer une activité d’information et de sensibilisation auprès des entreprises sur les dangers de la corruption» et qu’il ne lui appartenait pas de demander l’ouverture d’une enquête préliminaire dans notre pays. A suivre…

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