Né en 1953 à Bâle, Renzo Ambrosetti est engagé en 1978, après ses études de droit à Zurich, à la FTMH au Tessin, dont il devient secrétaire cantonal en 1991. Nommé en 1994 au comité directeur national, il est promu en 1995 secrétaire central, puis président national de la FTMH en 2000. Dans cette fonction, il sera un des artisans de la fusion de 2004 avec le SIB à l’origine d’Unia, qu’il coprésidera jusqu’à fin 2015. Au niveau international, il est élu président de la Fédération européenne des métallurgistes en 2007, puis vice-président d’Industriall, la plus grande fédération syndicale (plus de 7 millions de membres), en 2012. Il fait également de la politique au Parti socialiste tessinois et suisse, où il assume différentes charges dont un mandat de député au Grand Conseil tessinois, entre 1987 et 1999.
Voyage dans le temps avec un syndicaliste
Un livre en italien d’entretiens et de témoignages relate les 40 années d’engagement de Renzo Ambrosetti pour la cause des travailleuses et des travailleurs, de la FTMH à Unia
Pas moins de quatre décennies de passion et d’engagement syndical s’égrènent au fil des pages, dans une interview et dans les témoignages d’amis et de compagnons de lutte, dans des documents historiques et sur les photos des temps forts d’une carrière longue et intense. Tout a débuté en 1978, dans un petit bureau de la Via Canonica à Lugano, où se côtoyaient les fédérations syndicales locales. Les rôles et les charges importants s’enchaîneront très vite, au niveau cantonal comme sur les plans national et international. C’est ce que révèle la lecture de Dalla parte giusta, le livre consacré à l’ex-coprésident d’Unia Renzo Ambrosetti, qui a pris sa retraite en 2015 sans quitter le syndicalisme. Au reste, comme le souligne le sous-titre du livre, le syndicat représente pour lui «l’engagement d’une vie».
L’ouvrage paru aux Editions dalla Fontana et imprimé par Tipo-Offset Aurora à Canobbio a été présenté au public et aux médias en octobre dernier à Sementina, en présence de Renzo Ambrosetti, de Vania Alleva, présidente nationale d’Unia, et de Marco Tognola, rédacteur. C’est ce journaliste aguerri qui a eu l’idée d’un tel livre en 2015, lors du départ à la retraite de Renzo Ambrosetti. «Je le lui devais bien pour au moins trois bonnes raisons, écrit Marco Tognola dans la préface. Il y avait bien sûr l’amitié (...), mais aussi notre convergence de vues sur un modèle de société libre et résolument laïque, fondée sur les principes de solidarité et de justice sociale, ainsi que la certitude commune que le syndicat a et aura toujours plus un rôle essentiel à jouer.»
Etapes cruciales
Le temps fort de ce livre est indiscutablement la grande interview où Renzo Ambrosetti raconte de manière informelle et spontanée quatre décennies d’activité syndicale, en partie menée de front avec des mandats politiques. Marco Tognola en fait la synthèse dans un véritable «voyage dans le temps». Des éléments biographiques aident à comprendre certains traits de son caractère, à l’instar de l’«esprit syndicaliste» déjà présent dans sa famille, avec un père cheminot et militant au SEV, ou de ses liens étroits avec la vallée de la Léventine et son village de Bodio. Les aléas de l’histoire ont voulu que cette localité accueille dans l’après-guerre le siège de Monteforno, principale entreprise industrielle du Tessin jusqu’au milieu des années 1980, où Renzo Ambrosetti apprendra son métier: «J’y ai fait mes universités syndicales», se souvient-il dans le chapitre consacré à cette étape cruciale de sa formation et de sa carrière. Aujourd’hui, il considère avoir eu le «privilège de vivre des mutations sociales, politiques et économiques majeures». Face à de tels bouleversements, le syndicat a été «contraint de créer une organisation interprofessionnelle à même de représenter tous les secteurs professionnels du secteur privé», se souvient Renzo Ambrosetti à propos d’Unia, dont la création lui doit beaucoup. «Il avait compris que seul un syndicat interprofessionnel et combatif serait à même d’atteindre notre but général, soit reverdir les déserts syndicaux et organiser les salariés et les salariées du secteur tertiaire», souligne Vania Alleva, l’actuelle présidente, qui a d’abord exercé cette fonction en job sharing avec Renzo Ambrosetti, entre 2012 et 2015. Son témoignage publié dans le livre est édifiant: «Du fait de sa longue expérience à la tête de cette organisation et de ma relative jeunesse, Renzo aurait pu avoir à mon égard une attitude paternaliste et donneuse de leçons. Or, ce furent des années d’une véritable coprésidence, marquée par la transparence et la loyauté, par l’estime et le respect réciproque, par une véritable collaboration et une confiance absolue. Son départ à la retraite en 2015 a été une grande perte pour notre organisation, et pour moi à titre personnel.»
Guerre froide...
Vasco Pedrina analyse lui aussi le rôle joué par Renzo Ambrosetti à la tête de la FTMH lors de la naissance d’Unia: «Renzo a été la bonne personne pour convaincre même les plus sceptiques de son organisation de franchir le pas de la fusion avec le SIB.» Le président d’alors du Syndicat Industrie & Bâtiment se souvient qu’à son scepticisme initial a succédé entre eux (les deux grands artisans de la fusion et premiers coprésidents du nouveau syndicat, entre 2004 et 2006) «un rapport de confiance toujours plus solide, qui s’est transformé en amitié». Pourtant, comme le rappelle de manière cocasse Vasco Pedrina, leur relation n’avait pas débuté sous les meilleurs auspices. Ils se connaissaient en fait depuis le début des années 1980, quand Renzo Ambrosetti était secrétaire adjoint de la FTMH tessinoise et Vasco Pedrina secrétaire de la Centrale suisse d’éducation ouvrière, qui organisait au Tessin pour les militants et les permanents syndicaux des cours portant un regard critique sur la paix du travail: «Vu mon passé de soixante-huitard marxiste, la FTMH tessinoise avait fait en sorte que certains de ses militants intéressés ne puissent pas y prendre part. J’étais à leurs yeux un communiste d’observance catholique, un “cattocommuniste” alors qu’eux incarnaient pour moi la social-démocratie de droite en train de conduire le mouvement syndical dans le mur. Pendant des années, on s’est ainsi livré une guerre froide à distance, ou alors, on s’est ignorés l’un l’autre», se souvient Vasco Pedrina.
Un bourreau de travail
Plusieurs passages du livre font ressortir la capacité de Renzo Ambrosetti à parler à tout le monde et son réel pragmatisme. «J’ai toujours admiré son ouverture au dialogue et à l’échange avec les gens qui pensent différemment ou qui n’ont pas la même analyse que lui», écrit par exemple Enrico Borelli, ex-secrétaire syndical d’Unia Ticino, se souvenant de «dix années de collaboration intense et fructueuse... où sont nées une amitié sincère et une estime réciproque, en dépit de nos sensibilités syndicales et politiques parfois très différentes: lui avait dirigé la FTMH, alors que j’étais issu des rangs du SIB; il reflétait la social-démocratie et l’aile droite de l’ancien Parti suisse du travail et, moi, la gauche radicale.» C’est «un bourreau de travail, une personne généreuse qui ne dit jamais non, un homme fort, pragmatique et humble, un vrai syndicaliste», ajoute Enrico Borelli.
Antonio De Bastiani, né en 1946 et jadis président de la FTMH tessinoise, resté militant actif d’Unia et membre du comité de la section Sopraceneri, avec qui Renzo Ambrosetti a partagé des décennies d’activité syndicale, parle lui aussi d’un «ami sincère et loyal». Aussi étrange que cela puisse paraître, ce n’est pas au syndicat mais à l’armée qu’ils se sont connus. «Le dialogue social fait partie de l’ADN de Renzo. Loyal et constructif, il est toujours réceptif aux demandes ou aux requêtes des travailleurs. Grâce aux rapports de confiance qu’il a su créer, il était écouté et apprécié des milieux patronaux. Par sa compétence et sa gentillesse, il a toujours trouvé un moyen de résoudre des situations en apparence inextricables», écrit encore Antonio De Bastiani.
Pour mieux connaître Renzo Ambrosetti, il vaut la peine de lire ce bilan d’une vie syndicale et politique bien remplie, de découvrir l’image qu’il a donnée de lui à ses collègues, amis et compagnons de lutte et, au passage, de se replonger dans l’histoire des dernières décennies.
Article publié dans Area du 22 octobre 2021.
Traduction de Sylvain Bauhofer