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14 juin: des manifestantes expriment leurs attentes

Plusieurs manifestantes tout sourire.
© Eric Roset

"La femme de demain doit être libre, autonome et sans peur."

Aurélie Vouilloz, 50 ans, médecin, SionPortrait

«N’étant pas directement concernée par les problèmes d’égalité, je participe à la grève par solidarité. Je travaille à 80% et c’est aujourd’hui mon jour de congé. J’espère que ce 14 juin génère une large prise de conscience. Il faut déjà introduire des changements dans l’éducation des enfants, éliminer les références sexistes dans les manuels scolaires. Sur les questions de viol et de harcèlement dans la rue, les articles de loi doivent être adaptés. Les femmes ne doivent pas craindre d’être... des femmes. Il faut qu’elles puissent se balader le soir dans la rue sans inquiétude, indépendamment de leur tenue vestimentaire. Idem au travail. La présence de toutes ces manifestantes, d’habitude silencieuses, indique clairement la nécessité d’agir. Si on a fait quelques progrès ces dernières décennies, il reste beaucoup à faire. La femme de demain doit être libre, autonome et sans peur.»

Propos recueillis par Sonya Mermoud/photo Thierry Porchet

PortraitsMurielle, 19 ans, et Marie-Prune, 18 ans, étudiantes, Fribourg

«Nous voulons obtenir l’égalité, partout.» Etudiante âgée de 19 ans, originaire du Cameroun, Murielle ne comprend pas qu’au XXIe siècle perdure les inégalités. «Est-ce une faute d’être une femme? Dans tous les cas, c’est un désavantage.» Comment se matérialisent ces inégalités au collège? «Je suis en option Santé et il y a plus de femmes que d’hommes. Si on attribuait des métiers selon les sexes, il y aurait plus de mecs. C’est une question d’éducation, faut que ça change.» Sa camarade, Marie-Prune, 18 ans, ajoute: «Il y a toujours des commentaires, par exemple à la gym, lorsque nous avons joué au rugby, le prof nous a congratulées comme s’il était inimaginable que nous pratiquions ce sport.» La jeune femme porte une pancarte où il est écrit: «A bas les pléonasmes». Les pléonasmes? «Style femme de ménage», répond-elle malicieusement. «Maintenant, il faut que la mobilisation continue, pas que ça s’arrête», conclut sa copine.

Jérôme Béguin/photo Neil Labrador

Portrait.Yevgena, horlogère, 23 ans, La Vallée de Joux

«Je me suis engagée assez récemment dans le collectif. Une amie du groupe femmes d’Unia m’avait invitée à voir le film Bread and Roses, le 6 mars au Sentier. Ça a été décisif. J’ai été très touchée par ce film. Pourquoi les femmes devraient-elles être toujours inférieures aux hommes? Ça a été une prise de conscience, qu’il fallait agir par solidarité avec toutes les autres femmes, et pour faire changer les choses dans la branche horlogère, pour qu’il y ait du respect, du temps, des salaires justes. Plus nombreuses on sera, plus on y arrivera. Moi-même, je suis payée comme une ouvrière pour mon travail au contrôle, alors que j’ai un CFC. Mais je me bats pour mes collègues. C’est important d’être là ce 14 juin, pour “gréver”, en solidarité avec elles. J’attends de cette journée que davantage d’horlogères s’engagent, pour qu’il n’y ait plus d’inégalité salariale et que nos revendications aboutissent. J’espère que ma génération verra des changements.»

Propos recueillis et photo Sylviane Herranz

Jacqueline Ricciardi, comédienne et membre du collectif genevois de la grève des femmes et sa fille, 20 ans, étudiante à Manchester

«Il n’y a pas de baguette magique du 14 juin! Ce n’est pas en une journée qu’on va régler tous les problèmes», reconnaît celle que l’on surnomme Jaja. «En revanche, le fait d’avoir organisé une telle grève au niveau national aura permis à énormément de personnes de prendre conscience des nombreuses inégalités et de visibiliser les discriminations dont sont victimes les femmes. Maintenant j’espère que les revendications remonteront de la base vers les instances de gouvernance.» Sa fille est revenue expressément d’Angleterre pour faire partie de ce moment historique. «La mobilisation doit s’ancrer dans la durée. A tous les niveaux, que ce soit politique, social ou encore dans la vie de tous les jours, on doit installer un rapport de force avec le machisme.» Jacqueline aspire à un changement profond de la société. «En 1991, la première grève des femmes a été décisive pour moi dans ma conscientisation politique. Mais c’est quand j’ai eu mes enfants que j’ai pris les inégalités de plein fouet et que je me suis vraiment engagée. De par mon parcours de mère et d’intermittente du spectacle, je suis très attachée à la notion de care et de domesticité en général et milite pour un congé parental digne de ce nom et une répartition égalitaire du travail rémunéré et non rémunéré.» En tant que femme queer, elle rêve à plus de tolérance en Suisse. «Je voudrais pouvoir me déplacer sans me faire harceler. La libéralisation des femmes queer, de leur parole et de leurs droits doit aller de pair avec celle des femmes en général.»

Texte et photo Manon Todesco

Portrait.Solange Thiémard, 22 ans, militante, La Chaux-de-Fonds

«Nous sommes encore tous remplis de stéréotypes. On se trimballe avec des casseroles, et c’est le cas de le dire! Face à l’oppression, aux injonctions de ce que doit être une femme – par exemple, je laisse pousser mes poils depuis deux ans et demi et j’ai toujours des remarques –, au harcèlement de rue, aux inégalités au travail, en politique, dans le partage des tâches, cette journée du 14 juin n’est qu’un début. Je rêve d’une société à l’écoute. Chaque personne est un individu avec ses singularités et, en même temps, la part d’un tout. Si on ne protège pas les autres, on ne se protège pas soi-même. Ça me touche de voir des hommes solidaires aujourd’hui avec nous, qui ont compris qu’ils ont tout intérêt à être féministes. Car notre but commun, c’est l’égalité, le respect, le bien-être de tous.»

Propos recueillis par Aline Andrey/photo Neil Labrador

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