De nombreux travailleurs, notamment immigrés, perdent leur prestation de sortie de la prévoyance professionnelle. Cinq milliards de francs de cotisations dorment sur des comptes en déshérence
Assurés du 2e pilier, faites gaffe à la prestation de libre passage! Libre passage, késako? La prestation de libre passage, dite aussi prestation de sortie, correspond au montant dû par une caisse de pension à l'assuré qui change d'employeur, perd son emploi ou quitte le pays. Cet avoir doit être versé à la caisse du nouvel employeur ou, à défaut de celui-ci, dans une institution de libre passage en attendant de retrouver un emploi ou de bénéficier de la prévoyance professionnelle. Mais attention, contrairement au premier pilier, l’AVS, le processus n’est pas automatique. Chaque année, des dizaines de milliers de bénéficiaires de la prévoyance professionnelle tombent dans le piège. A l’été 2016, le Contrôle fédéral des finances révélait que 5 milliards de francs dorment sur 625000 comptes à l’insu de leurs détenteurs. Ce qui représente 10% des avoirs de libre passage, dont les bénéficiaires ne se sont pas annoncés. Le Contrôle des finances avait alors un peu tiré les oreilles à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), l’invitant à mieux informer les assurés sur cette problématique. L’OFAS vient donc de se fendre d’une brochure intitulée Prestation de libre passage: n'oubliez pas vos avoirs de prévoyance! «Cette publication est une bonne chose, il est important de sensibiliser sur cette question», juge Aldo Ferrari, vice-président d’Unia et, par ailleurs, membre de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle.
Ne pas perdre de vue son argent
On y apprend dans la brochure que, lorsque l’on change d’employeur, on doit indiquer à sa caisse les coordonnées de sa nouvelle institution de prévoyance, celle-ci délivre alors un certificat mentionnant le montant de la prestation de libre passage et il faut bien vérifier qu’il corresponde au décompte établi par l’ancienne caisse. En cas d’interruption de carrière professionnelle, de chômage ou si le salaire annuel n’atteint plus le seuil d’accès pour être assuré dans le 2e pilier, l’avoir de libre sortie est à placer dans une institution de libre passage, dont il faut communiquer les coordonnées à son ancienne caisse.
Il s’agit en reprenant un emploi de ne pas perdre de vue cet argent. Les 80% de ces comptes en déshérence ont un solde inférieur à 5000 francs et concernent le plus souvent des emplois de courte durée qu’on oublie facilement. Les 65 établissements financiers proposant un service de libre passage ne sont pas obligés de rechercher activement les bénéficiaires partis sans laisser d’adresse, le système reposant en partie sur la responsabilité individuelle du travailleur. Il est donc essentiel d’annoncer les changements d’adresse, surtout si l’on part à l’étranger. Nombre de comptes en déshérence appartiennent à des travailleurs immigrés retournés au pays. Conscient du problème, l’OFAS a traduit sa brochure dans les principales langues de l’immigration.
Si le salarié ne se manifeste pas, l’argent est versé sur un compte bloqué de la Fondation Institution supplétive LPP. Au bout de dix ans, celle-ci reverse les avoirs en déshérence au fonds de garantie de la Centrale du 2e pilier. «La Centrale du 2e pilier a été créée à la demande des syndicats, chaque assuré peut s’y adresser pour entreprendre des recherches et récupérer son avoir», indique Aldo Ferrari.
Et si, au contraire, on n’a pas perdu la trace de son compte de libre passage, que devient-il? Eh bien, on peut toucher son avoir sous forme de capital cinq ans avant l’âge de la retraite et cinq ans au plus tard après. On peut aussi le retirer avant si son montant est inférieur aux cotisations versées annuellement, en devenant indépendant, en cas d’invalidité, d’acquisition d’un logement ou en quittant définitivement la Suisse.
«Le message que nous devons faire passer à chaque assuré est de ne pas laisser d’argent sur un compte de libre passage, il faut toujours faire en sorte que cet avoir vous suive, sous peine de conséquences sur les prestations, conclut Aldo Ferrari. En plus, les comptes de libre passage ne rapportent rien, contrairement aux caisses de pension qui offrent une garantie.»