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3000 ouvriers ont crié leur colère

Tous les gros chantiers étaient fermés lundi dernier à Genève

Tous les gros chantiers étaient fermés lundi dans la ville du bout du lac. Les ouvriers du gros œuvre se sont mobilisés massivement pour défendre la Convention nationale (CN) de la construction, et, plus largement, leurs conditions de travail. Selon les estimations d'Unia, entre 2500 et 3000 travailleurs - sur un total de 4700 dans le gros œuvre genevois - ont répondu présents à la manifestation organisée par les syndicats, dès 7h00 le matin. «C'est un excellent niveau de mobilisation», constate Jacques Robert, secrétaire régional d'Unia Genève, qui se félicite du travail de préparation des syndicats. En trois semaines, plusieurs centaines de chantiers ont été visités par les secrétaires syndicaux d'Unia, du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et de travailleurs et de Syna. Il s'agit de la première action d'envergure à Genève, qui fait suite au débrayage du mardi 12 juin sur le chantier des Tuileries à Bellevue.
Partis de la place des XXII cantons, les manifestants n'ont pas manqué de fleurir le monument aux travailleurs morts sur les chantiers, rappelant en passant la dangerosité du métier. Les ouvriers ont ensuite bloqué pendant trente minutes le pont du Mont-blanc, passage obligé entre les deux rives genevoises pour les automobilistes. À l'aide d'un tract, ils ont expliqué que la décision patronale pourrait avoir un impact sur la vie de chacun: «Et si le chantier du tram s'arrêtait?» ont-ils demandé aux passants. L'inauguration de la première étape de la ligne Cornavin-Meyrin-Cern est en effet prévue pour le mois de décembre de cette année. Et les ouvriers pourraient se mettre en grève dès octobre si les patrons s'entêtaient dans leur décision.

Les ouvriers s'engagent
Après avoir traversé les rues basses, les maçons ont terminé leur cortège devant la section genevoise de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) à la rue Malatrex. Une résolution y a été adoptée «à casquette levée». En plus d'exiger le maintien de la Convention nationale, de la convention locale, ainsi que de son extension, le document entérine le refus de toute augmentation de la flexibilité des horaires de travail. C'est justement la pierre d'achoppement qui a servi de prétexte aux patrons pour dénoncer la CN, afin de mettre la pression sur les syndicats. Les travailleurs ont donc signifié qu'ils ne cèderaient pas au chantage de la SSE. Ils réitèrent aussi leur demande d'augmentation annuelle de salaire généralisée, «parce que tous le méritent et tous en ont besoin». Une allusion à leur refus d'un salaire «au mérite», attribué selon le bon vouloir des employeurs. La résolution insiste aussi sur la nécessité de protéger la santé des travailleurs. Les politiques en matière de prix et de délais ne devraient pas se faire sur leur dos. Le document précise par ailleurs que la CN doit encore être améliorée et que les ouvriers s'engagent à poursuivre la lutte en ce sens. Jacques Robert assure aussi qu'Unia défendra les travailleurs contre toute éventuelle pression ou tentative de représailles de la part des patrons. Prochain rendez-vous? Le 29 juin, à Lucerne, une grande manifestation est prévue lors de l'assemblée des délégués de la SSE, qui se tiendra au Centre des congrès et de la culture. L'heure et le lieu de rendez-vous n'ont pas encore été arrêtés.

Christophe Koessler



Les maçons échafaudent des plans de lutte


Quelque 300 délégués de la construction ont adopté un plan d'action en faveur de la Convention nationale. La grève n'est pas écartée

Le parlement de la construction d'Unia s'est réuni le 16 juin dernier à Berne pour sa conférence de branche ordinaire. Au cœur des débats: la résiliation unilatérale de la Convention nationale par la Société suisse des entrepreneurs. Une dénonciation qui ouvre dangereusement la voie à la sous-enchère salariale et sociale. Mais les maçons sont déterminés à lutter. Et jusqu'à la grève s'il le faut. Une première manifestation de protestation a, dans la ville fédérale, clôturé la rencontre.


Le bras de fer a commencé. Suite à la résiliation unilatérale de la Convention nationale de la construction (CN) par la Société suisse des entrepreneurs (SSE), le parlement des maçons a, le 16 juin dernier à Berne lors de sa conférence ordinaire, décidé des mesures de lutte à mettre en œuvre pour tenter de ramener le patronat à la raison. La séance a été clôturée par un défilé de protestation conduisant les délégués à travers la vieille ville jusqu'à la gare. Un dernier lieu pour le moins symbolique car il abrite le plus gros chantier de la capitale sur lequel s'échinent sans relâche des ouvriers dans l'intérêt de la communauté.

Tous à Zurich le 22 septembre
Parmi les moyens de lutte décidés, les travailleurs ont d'ores et déjà programmé une manifestation d'envergure nationale le 22 septembre à Zurich. Différentes actions de protestation précèderont cet événement dans les régions. Parallèlement, les délégués et Unia ont décidé de lancer une consultation de la base sur des grèves éventuelles. Dès le mois d'octobre - date à laquelle la CN prendra fin et après que l'obligation de respecter la paix du travail soit tombée - les travailleurs n'excluent pas, en effet, d'user de cette arme supplémentaire pour faire pression sur la SSE. Car s'ils sont prêts à discuter d'une nouvelle convention, ils n'entendent pas s'en faire dicter les conditions à n'importe quel prix.

Chantage inacceptable
Pour mémoire, rappelons que la SSE a quitté il y a environ un mois la table des négociations et rompu le partenariat car elle ne parvenait pas à imposer une dérégulation du temps de travail. Une revendication ressentie par les délégués comme un véritable affront et qui a suscité la colère sur les chantiers. Plusieurs orateurs ont d'ailleurs parlé d'une même voix lors de la conférence. Ils ont précisé que, s'ils étaient ouverts aux pourparlers, il ne serait pas question de faire des concessions vidant la CN de sa substance au motif de la sauver. «On ne peut pas accepter le chantage de la SSE» ont-il relevé.

Paix sociale minée
La résiliation de la CN porte largement préjudice aux salariés de la branche, forte de quelque 80 000 travailleurs. Ouvrant la voie à la sous-enchère salariale et sociale - une tendance déjà constatée et qui ira s'aggravant (voir aussi notre article en page 3) - sa suppression met gravement en danger les garanties fondamentales des maçons. Si les entrepreneurs ne font pas marche arrière, les revenus minimum, le treizième salaire, le temps de travail réglementé ou encore le droit aux vacances, aux jours fériés et aux indemnités en cas de maladie et accident n'existeront plus dès le 1er octobre dans ce secteur. Des conséquences qui génèreront craintes et insécurité bien au-delà la construction. «En se retirant du partenariat social, la SSE torpille une ouverture réglementée du marché du travail et mine la paix sociale en Suisse», ont estimé les délégués qui, bien déterminés à lutter pour conclure une nouvelle convention, ont quitté la conférence pour mener la résistance sur le terrain.

Sonya Mermoud