Dans une lettre ouverte, les collectifs de la Grève féministe demandent l’abandon de la réforme AVS 21
C’est avec colère que les collectifs de la Grève féministe et des femmes* ont pris connaissance de l’acceptation de la hausse de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats. Le 14 décembre, devant le Palais fédéral, plusieurs représentantes du mouvement ont ainsi rappelé leurs revendications. Lisant publiquement leur lettre à l’intention des élus aux Chambres fédérales, elles ont souligné que «la réforme AVS 21 était déjà inacceptable avant la crise sanitaire», mais «elle l’est d’autant plus aujourd’hui, sachant que nous sommes en première ligne dans cette pandémie». Les femmes sont en effet au front dans les secteurs des soins, du nettoyage, de la vente et de l’accueil des enfants. Sans compter leur charge physique et mentale inhérente aux travaux domestiques, éducatifs et du care, qu’elles assument pour une large part.
Ségrégation sexuelle
Le Manifeste du 14 juin 2019 de la Grève féministe stipulait déjà le refus de l’augmentation de l’âge de la retraite, puisque les femmes subissent des discriminations tout au long de leur vie active. Danielle Axelroud, membre du collectif vaudois et du groupe de travail sur les retraites, précise, entre autres inégalités: «La ségrégation sexuelle du marché du travail fait que presque les deux tiers des postes à bas salaires (dont les salaires bruts sont inférieurs à 4359 francs) sont occupés par des femmes, selon les chiffres de 2018.»
Une discrimination qui perdure à l’âge de la retraite. «Globalement, nous touchons aujourd’hui une rente de 37% inférieure à celle des hommes. L’inégalité vient principalement du 2e pilier, où l’écart entre les genres est de 63%», rapportent les militantes dans leur lettre ouverte. Sans compter que près de la moitié des nouvelles retraitées (44% en 2018) n’ont pas de 2e pilier.
Or, comme l’indique Gabriela Medici, secrétaire centrale de l’USS, le passage de l’âge de la retraite de 64 à 65 ans entraînerait de facto encore une baisse d’environ 1200 francs par année sur la rente médiane des femmes (L’ES du 18 novembre 2020).
Les collectifs de la Grève féministe et des femmes* demandent donc une réforme bien différente qui puisse, au contraire d’AVS 21, améliorer les rentes du 1er pilier pour permettre la couverture des besoins vitaux. Cette réforme devrait aussi mieux reconnaître la valeur du travail domestique, éducatif et des soins par le renforcement de la bonification pour tâche éducative1, renforcer l’AVS par un apport accru de ressources financières tant au niveau des cotisations que par une contribution plus grande de la Confédération, via le biais des bénéfices de la BNS ou la taxation des dividendes.
D’autres solutions
«Il suffirait d’éliminer la discrimination salariale dite inexpliquée (soit les quelque 16% que gagnent en moins les femmes à poste égal, ndlr) pour compenser les économies escomptées avec AVS 21, grâce à l’augmentation des cotisations versées», indiquent les collectifs. Danielle Axelroud s’indigne: «Cela prouve que la mise en avant de l’élévation de l’âge de la retraite des femmes comme élément essentiel pour maintenir le niveau des rentes est cynique.» Preuve en est: une augmentation du taux de cotisation de 0,3% (partagé entre l’employeur et l’employé) dès 2023 suffirait pour atteindre un montant d’économies équivalent à celui généré par l’élévation de l’âge de la retraite des femmes.
Plus largement, les collectifs de la Grève féministe et des femmes* alertent: «La hausse de l’âge de la retraite des femmes concerne tout le monde. Il s’agit du verrou à faire sauter pour, par la suite, imposer à toutes et tous de travailler jusqu’à 66 ou 67 ans, voire plus, dans des conditions précaires (...).» Et d’en appeler à la mise en place d’un modèle de prévoyance vieillesse «égalitaire, solidaire et durable».
1 Informations sur: ahv-iv.ch/p/1.07.f