Aide sociale à deux vitesses
Nouveau tour de vis pour les étrangers. Fin janvier, le Conseil fédéral a mis en consultation une révision de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI). «Le but est de diminuer les prestations de l'aide sociale octroyées aux ressortissants d'Etats tiers afin de contenir quelque peu la hausse des dépenses d'aide sociale», résume le communiqué du Département fédéral de justice et police. Entre 2010 et 2019, les dépenses de l’assistance sociale en Suisse ont augmenté de près de 900 millions, pour atteindre 2,8 milliards de francs. Or, les personnes originaires de ces Etats tiers, soit les pays hors UE et AELE, sont plus nombreuses que les Suisses à requérir l’aide sociale, respectivement 8,8% contre 2,3%. Le gouvernement propose dès lors un nouvel article à la LEI, qui stipule que, «pendant les trois premières années qui suivent l’octroi d’une autorisation de séjour, l’aide sociale octroyée aux titulaires de l’autorisation est inférieure à celle accordée aux personnes résidant en Suisse». Punkt schluss!
Economies de bouts de ficelle. Il est pourtant normal que les migrants aient plus de difficultés à s’intégrer sur le marché du travail. Et, il faut souligner, que les emplois pénibles qui leur sont réservés sont les plus mal payés, qu’on songe à la logistique, la livraison de repas, le nettoyage, les soins ou l’hôtellerie-restauration. Souvent les petits salaires de ces branches ne permettent pas de boucler les fins de mois, de payer les loyers et les assurances en hausse constante, et il faut faire appel à l’aide sociale pour obtenir un complément de revenu. Le meilleur moyen de faire baisser les dépenses sociales reste de multiplier les conventions collectives et les salaires minimums. C’est le combat des syndicats depuis longtemps et on ne peut pas dire que nous avons été beaucoup aidés par les autorités fédérales, dont la démarche est pour le moins cynique. Les cantons et les communes distribuant l’aide sociale auront la tâche de mettre en œuvre cette révision, mais il ne faut toutefois pas s’attendre à économiser des milles et des cents. Selon les chiffres de 2016, seules 59000 personnes sont concernées et vu que les montants de l’assistance rasent déjà les pâquerettes… L’aide sociale à deux niveaux risque, par contre, d’accroître les difficultés d’individus et de ménages se trouvant déjà sous le seuil de pauvreté. La plus grande partie des aides est destinée à des familles avec enfants, notamment des familles monoparentales.
Un scandale. Les riches, eux, dorment tranquille, Berne enchaînant les réformes fiscales en leur faveur. Voulue par la bourgeoisie, la suppression de tous les droits de timbre et de l’impôt anticipé sur les obligations coûterait 2,5 milliards à la caisse fédérale. Si l’on ajoute à cela, les réformes de l’imposition sur les entreprises, on dépasse et de loin toutes les sommes allouées à l’assistance publique. Dans un papier de position, l’Union syndicale suisse dénonce à juste titre un projet «indigne», un «scandale» et annonce qu’elle «s'opposera résolument à cette mesure et à d’autres visant à criminaliser les pauvres et à créer une société à deux vitesses».