Des décès d’anciens travailleurs des ateliers CFF de Bellinzone, le travail sans protection suffisante, et l’attitude de la Suva ont remis les dangers de la substance sur le devant de la scène
De la clarté et de la transparence. C’est ce que réclament les syndicats SEV et Unia, la commission du personnel (Cope) des ateliers CFF de Bellinzone et l’association «Giù le mani» au sujet des travailleurs exposés à l’amiante dans ces ateliers et dans le canton. D’autres sociétés, comme l’entreprise hydroélectrique de Blenio SA, ont aussi utilisé ce matériau avant 1990, date de son interdiction. Aux ateliers CFF, des ouvriers ont continué à être exposés à l’amiante après cette année-là, lors de rénovations de trains ou de travaux sur les roues et moteurs électriques. La Suva, l’assurance accident, est dans le collimateur des syndicats et associations tessinoises.
L’affaire est arrivée au grand jour en octobre dernier. Des anciens salariés des ateliers CFF ayant travaillé avec de l’amiante avaient reçu une lettre de la Suva, leur indiquant, pour certains, qu’étant non-fumeurs, leur dépistage médical annuel n’aurait lieu plus que tous les cinq ans. D’autres étaient informés du risque élevé de contracter un cancer, renforçant ainsi l’angoisse et la peur chez ces personnes. A la colère suscitée par ces courriers, s’est ajoutée l’indication, par la Suva, qu’aucun décès n’était survenu au Tessin en raison de l’amiante. Or les médias ont révélé que ce nombre s’élève à cinq, dont celui d’un travailleur de 61 ans décédé en juin du mésothéliome, cancer de la plèvre provoqué par la substance. Lors d’une soirée publique organisée le 15 octobre par les syndicats, la Cope et «Giù le mani», le directeur tessinois de la Suva s’est excusé de cette «erreur», comme de la teneur des missives impersonnelles envoyées aux travailleurs.
Autre point noir mis en avant, le double rôle joué par la Suva, chargée d’un côté de reconnaître les cas de maladie professionnelle, et de l’autre de décider quels examens médicaux préventifs seront payés et à qui. Avec le critère du coût des soins qui prévaut. D’où la proposition des syndicats et associations de constituer une entité indépendante, composée de spécialistes, notamment de médecins, juristes et spécialistes du problème de l’amiante.
Grandes inquiétudes
Ainsi, tous les travailleurs en contact avec la substance cancérigène aux Ateliers CFF n’ont pas été répertoriés par la Suva. A la quarantaine d’anciens travailleurs figurant déjà sur la liste des personnes à risques, quarante autres se sont annoncés récemment. Comme le rapporte le journal du SEV, le syndicat du personnel des transports, du 23 octobre, certains salariés ou retraités ont fait part, lors de la soirée du 15 octobre, de leurs inquiétudes: «Pourquoi n’ai-je jamais dû faire de contrôle malgré que j’aie travaillé dans des secteurs de production où il y avait de l’amiante?» «Pourquoi ne m’a-t-on jamais contacté?». Deux ouvriers ont aussi parlé de leur travail avec le matériau dangereux: «Je découpais les voitures et la substance tombait par terre, je n’ai cependant jamais dû faire de contrôle médical.» «J’ai eu à faire à ce matériau durant six années. Je vous assure que j’ai peur.» Dans son édition précédente, le journal relate également des témoignages rapportés dans la presse régionale, évoquant la poussière qui empêchait de voir la personne en face, ou des travailleurs arrivant à la maison «avec de l’amiante plein les cheveux». Des travaux effectués sans protection suffisante, alors que, selon La Regione, ceux qui refusaient de travailler dans les wagons et locomotives contenant le matériau se voyaient menacés de licenciement…
Face au tollé suscité par cette affaire, le ministère public tessinois a ouvert une enquête préliminaire. Une interpellation a aussi été déposée par la groupe MPS-POP-Indépendants au niveau politique.