«Le parrainage peut changer une vie»
Valérie Despont porte bien son nom, elle qui crée des ponts justement entre Suisses et migrants. Bénévole dans l’association Nela depuis quatre ans, sa motivation est intacte: «Le vivre ensemble, le lien avec l’autre, il n’y a rien de tel. Pour moi, c’est un cadeau que d’entrer en relation avec ces jeunes issus de la migration. Cela donne beaucoup de sens à ma vie.» Elle-même est marraine depuis 2017. Elle a rencontré son protégé, Mostafa, grâce à Action-parrainage, association qui continue de mettre en lien des mineurs non accompagnés et des adultes. En 2019, la professeure d’arts visuels rencontre François Burland, fondateur de Nela, qui œuvre à l’intégration des jeunes issus de la migration à travers l’art. Elle le rejoint pour s’occuper du parrainage de jeunes majeurs. «Dès leurs 18 ans, ils se retrouvent avec beaucoup moins de soutien», explique Valérie Despont. Depuis, elle a mis en lien des centaines d’Afghans, quelques Burundais, des Somaliens avec des habitants du canton de Vaud. Elle a rencontré récemment un Syrien et un Ukrainien. De bouche à oreille, elle est surtout connue de la communauté afghane qui se transmet son numéro de téléphone. «Il m’est arrivé, il y a peu, qu’un jeune m’appelle depuis la Turquie, donc avant d’arriver en Suisse, pour demander un parrainage», s’étonne Valérie Despont. Elle souligne un nombre grandissant d’arrivées depuis la prise de pouvoir des Talibans le 15 août 2021. «Pour échapper à l’enrôlement des Talibans, les jeunes hommes doivent fuir. Parfois, les pères sont emprisonnés, quand ils ne perdent pas leur travail; leurs sœurs pensent au suicide, même si c’est très mal perçu dans leur culture, pour échapper au mariage forcé ou à une vie de désespoir. Quand j’ai commencé, les jeunes Afghans arrivés en Suisse ne vivaient pas dans cette urgence d’aider leur famille restée au pays. Aujourd’hui, en Afghanistan, des gens meurent de faim, des bébés sont vendus pour sauver les autres enfants de la famille… Ceux qui ont migré doivent donc apprendre le français très rapidement, faire un apprentissage ou chercher très vite du travail, qu’importe les conditions, pour envoyer de l’argent – via ce système incroyablement efficace de la hawala (système d’envoi d’argent informel, ndlr), qui est peut-être la seule chose qui fonctionne encore bien en Afghanistan. Ils sont dans un état de stress qui s’ajoute aux séquelles liées à la migration dont le parcours dure parfois plus de deux ans.» Face à la difficulté de rencontrer les gens d’ici, le parrainage est ainsi perçu comme un moyen de s’intégrer. Valérie Despont précise: «C’est souvent un propulseur. Aider à écrire un CV, mettre son réseau à profit, ou simplement passer quelques moments en leur compagnie, sont autant de gestes qui font que, souvent, après quelques semaines, je reconnais à peine les jeunes. Leurs visages changent, se détendent. Ils se sentent moins seuls. Je ne veux pas faire de l’angélisme, mais le parrainage peut vraiment changer une vie. Et de manière réciproque. Même si c’est souvent à la famille de prendre contact, car les “filleuls” ne veulent surtout pas déranger les Suisses qui ont tellement d’activités.»
L’association, qui n’est pas la seule à proposer ce genre de liens*, croule sous les demandes des exilés et recherche donc activement marraines et parrains. «Si les différences culturelles sont importantes, le dialogue est facile. Tous les Afghans que je connais sont curieux de tout, de culture, de découvertes du pays, de sports…. Ce sont des gens des montagnes. Ils adorent la nature, vont s’y ressourcer. Ils aiment marcher dans la forêt. Et ce sont de vrais poètes. Leur regard est très profond, sans superficialité», appuie la quinquagénaire, mère de trois grands enfants. «La crise adolescente vécue ici semble inexistante chez eux. Ils sont très respectueux de leurs parents. Ils adorent la musique et danser…»
* D’autres associations de parrainage existent en Suisse romande, dont:
Vaud: plateforme-asile.ch/action-parrainages; paires.ch
Genève: amicge.ch
Fribourg: parmi-fribourg.ch
Jura: juramigrants.ch