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Bateau, boulot, dodo

Un bateau sur le lac à l'aube
© Olivier Vogelsang

En décembre, le Naviexpress Evian-les-Bains, un bateau hybride de dernière génération, est venu grossir la flotte de la CGN. De nombreux frontaliers l’empruntent tous les jours pour venir travailler à Lausanne. Un deuxième, le Thonon-les-Bains, sera mis en service bientôt.

Depuis décembre, un bateau de dernière génération a grossi la flotte de la CGN qui fait la navette entre Lausanne et Evian. Reportage avec les pendulaires qui traversent tous les jours le lac pour aller au travail.

Il n’est pas encore 7h. A Evian, le lac et le ciel se confondent dans la pénombre de ce matin d’hiver. Un bus décharge sur le quai son lot de pendulaires, qui s’engouffrent dans la salle d’attente de l’embarcadère de la CGN, déjà noire de monde. Soudain, les portes coulissantes s’ouvrent et la foule déferle sur le ponton, marchant d’un pas pressé sous une pluie battante pour s’embarquer à bord du bateau qui fait la navette avec Lausanne. Certains emportent leur trottinette électrique ou leur vélo pliable.

Flambant neuf, l’Evian-les-Bains a été mis en service le 16 décembre. Premier né des Naviexpress, destinés à renouveler la flotte vieillissante de la CGN (lire ci-dessous), il sera bientôt rejoint par son jumeau, le Thonon-les-Bains. Ces bateaux de dernière génération, longs de 61 mètres, fonctionnent avec une propulsion hybride, électrique et thermique. Une petite révolution pour la compagnie lémanique.

Equipages en formation
Au niveau supérieur, dans le poste de commande high-tech, deux capitaines sont à la manœuvre. Ils sont encore en train de se familiariser avec les spécificités du Naviexpress: «Nous devons nous habituer à la manière de piloter un bateau hybride», confie le capitaine Christophe Guillot, qui navigue sur l’Evian-les-Bains depuis deux semaines seulement. Jusque-là, six capitaines ont été formés pour prendre en main ces bateaux. D’autres sont en formation, ainsi que des techniciens.

Contrairement aux voitures hybrides, ici, c’est le pilote qui passe manuellement de la propulsion électrique, utilisée uniquement pour les manœuvres de départ et d’arrivée, à la propulsion thermique. Cette dernière assure la traversée, en rechargeant au passage les batteries. «C’est lors des manœuvres qu’on consomme d’habitude le plus de carburant», souligne Christophe Guillot. Avec ce système hybride, et une construction en aluminium particulièrement légère, la consommation de carburant est ainsi divisée par deux par rapport à un bateau de taille comparable. Un bienfait pour le climat et pour les finances de la CGN.

De l’intérieur, on ne perçoit pas vraiment que le bateau est en mouvement: le lac étant calme ce matin-là, on a l’impression de glisser sur la surface du Léman. Quant au bruit du moteur, il s’entend à peine, même en mode thermique. De larges baies vitrées, un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite, un bar (pas encore en service), deux zones «silence», un espace lounge dans la 1re classe, quatre terrasses extérieures pour les beaux jours: tout cela complète l’impression de confort du Naviexpress.

Passagers debout
L’un de ses avantages est aussi d’offrir davantage de places assises que ses prédécesseurs, soit 600 sur un total de 700. Mais aux heures de pointe, quand les frontaliers franchissent le Léman par voie lacustre pour aller au travail en Suisse ou en revenir, ce n’est quand même pas suffisant. Sur le pont de 2e classe, de nombreux passagers restent debout, ou assis sur les escaliers. La zone de 1re classe, par contre, n’affiche pas complet. «A Thonon, quand la 2e classe est complète, on nous laisse aller en 1re, remarque une dame. Mais pas ici.»

Le directeur général de la CGN, Pierre Imhof, qui nous accompagne sur cette traversée, confirme qu’il y a une demande croissante pour ce mode de transport lacustre: «Sur les trois courses matinales qu’effectue le Naviexpress, deux comptent en moyenne 300 passagers, et celle de 6h55, la plus fréquentée, le double.» Bon an, mal an, la CGN totalise environ 2 millions de passagers annuels sur ses lignes de transport public, avec une croissance annuelle de 5%, auxquels s’en ajoutent près de 800000 sur les croisières touristiques.

Pauline et Sébastien discutent debout, à côté du compartiment où ils ont posé leurs vélos pliables. A force de se croiser régulièrement sur les bateaux de la CGN, qu’ils empruntent depuis respectivement sept et six ans, ils ont fini par faire connaissance. La traversée ne durant qu’une demi-heure, le bateau est de loin le moyen le plus rapide de se rendre à Lausanne pour ces Haut-Savoyards. «Je suis venu quelquefois en voiture, raconte Sébastien. C’était horrible! Avec les bouchons, on peut prendre jusqu’à trois heures pour aller d’Evian à Lausanne.» Quant au train, ce n’est guère mieux: le trajet dure entre deux heures et deux heures et demie, avec minimum deux changements.

Sur le pont inférieur, on croise même des poussettes. «Ce nouveau bateau est spacieux, c’est plus pratique pour passer avec la poussette», note Julie, qui fait la traversée tous les jours avec son petit Raphaël, âgé de 1 an. Pendant qu’elle travaille à Lausanne, lui va à la crèche. «Le matin, ça va, on s’amuse, on fait le tour du bateau. Mais le soir, quand il est fatigué, c’est plus compliqué.» 

Sensible aux intempéries
L’arrivée du Naviexpress est appréciée, avec toutefois quelques bémols: «Les gens sont contents d’avoir des beaux bateaux, mais on préférerait qu’il y ait davantage de courses, notamment le soir, lâche Sébastien. Ce bateau est déjà trop petit.» Autre regret: «La promesse, c’était aussi qu’il puisse naviguer par tous les temps. Or, ce n’est pas vraiment le cas.» 

En effet, il est déjà arrivé que le Naviexpress reste à quai à cause des mauvaises conditions météorologiques, et soit remplacé par un bateau d’une génération précédente. «Avec seulement 1,60 m de tirant d’eau, il offre une grande prise au vent, explique Pierre Imhof. Mais c’est un prototype. Il est prévu d’y apporter quelques adaptations, notamment d’augmenter la puissance latérale et en marche arrière pour améliorer la manœuvrabilité.»

Le bateau arrive à Ouchy, où il déverse ses centaines de passagers en seulement trois minutes, grâce à ses passerelles plus larges et automatisées. Tous se précipitent vers la station de métro. «Nous avons dû coordonner les horaires des lignes d'Evian et de Thonon  pour que le métro puisse absorber le flux, précise Pierre Imhof. Avec les autres bateaux, comme il faut plus de temps pour que tout le monde descende, il y a deux rames qui peuvent partir.»

Une fois les derniers retardataires débarqués, l’Evian-les-Bains repart quasi à vide, en sens inverse, dans les premières lueurs de l’aube. Ce sera son dernier aller-retour de la journée. Pour pouvoir ajouter d’autres courses, il faudra que la CGN forme suffisamment d’équipages.

Flotte renouvelée
Les deux Naviexpress construits par la CGN, en partenariat avec le constructeur lucernois Shiptec, ont coûté 30 millions de francs chacun. Ce montant a été financé par un emprunt. Quant aux coûts d’exploitation, ils sont couverts à 50% par les collectivités françaises, à 26,5% par le Canton de Vaud et à 23,5% par la Confédération. Dans un second temps, leur toit sera équipé de panneaux solaires, qui contribueront à recharger les batteries. A terme, les Naviexpress remplaceront progressivement la flotte actuelle de la CGN, dont les bateaux ont entre 30 et 70 ans d’âge, sans compter les bateaux «Belle Epoque».

Une vidéo de Olivier Vogelsang. 

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