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«A Bienne, nous étions à la pointe de la mobilisation»

Jesus Fernandez devant le mémorial dédié à la grève de 1918.
© Thierry Porchet

Posant devant le mémorial dédié à la grève de 1918 dont il est l’initiateur, Jesús Fernández a été au cœur des luttes syndicales menées ce dernier quart de siècle entre Bienne et Olten.

Ancien secrétaire régional d’Unia tout juste retraité, Jesús Fernández revient sur un parcours syndical inscrit dans trois décennies de mobilisations dans la région seelandaise

«Le monument biennois à la grève générale était un projet qui me tenait à cœur et pour lequel je me suis battu. Je suis heureux et fier que nous ayons pu le mener à bien. Les grévistes de 1918 nous ont délivré un grand message de solidarité et nous pouvons honorer leur mémoire», explique Jesús Fernández autour d’un café pris à la Rotonde, la brasserie de la Maison du Peuple de Bienne. Avec ce mémorial inauguré le 12 novembre (lire ci-dessous), le syndicaliste d’Unia achève une carrière bien remplie sur un dernier temps fort. L’ancien secrétaire régional d’Unia Bienne-Seeland et canton de Soleure avait passé le témoin cet été à Alain Zahler et Ivano Marraffino. Samedi dernier, c’est l’Union syndicale du canton de Berne, dont il siégeait au comité directeur, qui l’a remercié pour son engagement. Pour L’Evénement syndical, Jesús (prononcez «yézouss») Fernández revient sur son parcours syndical entamé en 1994.

«Alors que je travaillais quelques mois en Suisse dans l’industrie pharmaceutique tout en suivant des études en Espagne, j’ai vu qu’une place de secrétaire syndical au SIB se libérait à Olten. J’ai postulé et, à la fin de l’entretien, j’étais pris. On m’a demandé de commencer tout de suite.» Originaire de Galice, le jeune homme était déjà engagé dans le camp progressiste. «Etudiant à Madrid, je militais dans des groupes de gauche et participais à des luttes sociales et contre la dictature franquiste. J’avais des connaissances, par exemple, en langues ou en droit, qui m’ont permis de faire ce travail, d’aller sur les chantiers, comme de mener des consultations. Les permanences se tenaient sans rendez-vous, beaucoup de monde s’y pressait et, parfois, je finissais tard le soir. Même si la question peut être vite réglée, il faut toujours prendre le temps de discuter avec les syndiqués. J’ai eu la chance d’obtenir immédiatement la confiance des militants. C’était très intensif, comme toute ma carrière syndicale d’ailleurs. Je voulais finir mes études, il ne manquait pas beaucoup pour faire la licence, mais j’ai tout arrêté, car le syndicat me prenait du temps. Ce n’était pas seulement un travail, mais aussi une vocation.»

Grèves et manifestations

En 1996, le secrétaire syndical s’en va travailler à Bienne. C’est l’époque où les sections syndicales de la ville bilingue et de Lyss fusionnent. Corrado Pardini devient responsable de la nouvelle région de Bienne-Seeland. «Nous avons rénové le secrétariat et les structures. Je continuais la tournée des chantiers, mais j’étais aussi engagé dans tous les secteurs. C’est à ce moment-là que nous avons commencé avec la petite unia, une structure syndicale créée pour le tertiaire. En 2000 à Lyss, nous avons mené la première grève dans ce secteur, chez le distributeur Usego. J’ai retardé mes vacances d’été pour organiser les travailleurs et, au début de l’automne, nous avons pu négocier une CCT et un plan social pour les personnes qui ont dû être licenciées.

»Nous recrutions beaucoup de membres et menions des grèves, nous étions alors à la pointe de la mobilisation sur le plan suisse. Nous avons même organisé des manifestations nationales à Bienne, par exemple celle des travailleurs du bâtiment.» Ceux-ci se mettent en grève en 2002 pour obtenir une retraite anticipée. «Sept cents ouvriers de Bienne y ont participé, au Palais des Congrès, nous étions mille avec ceux de Soleure. L’année suivante, nous avons animé neuf jours de grève dans l’industrie, chez Zyliss, le fabricant d'appareils de cuisine», se remémore Jesús Fernández.

Durant cette période, le SIB se rapproche de la FTMH. «En 2004, nous avions de facto fusionné.» Unia prendra son envol l’année suivante.

Cette année 2005, le syndicaliste sera au front pour sauver 60 postes de travail menacés par la faillite de la fonderie SMC et trouver un investisseur pour la reprise de l’entreprise. Entre-temps Usego avait été repris par Rewe, qui à ce moment-là décide de quitter la Suisse, laissant le centre de distribution passer dans le giron de Denner. «Après une grève d’une journée, nous avons réussi à imposer à Denner la CCT à Egerkingen et, parallèlement, nous avons obtenu un plan social de 20 millions pour les collaborateurs de Rewe licenciés à la suite du rachat.»

Entre 2010 et 2013, Jesús Fernández est responsable du projet du développement syndical à Olten. «Avec mes collègues, nous sommes parvenus à créer des structures, à développer des groupes et nous avons longtemps été les premiers dans le classement du recrutement d’Unia», se félicite-t-il encore. En 2013, il devient secrétaire régional d’Unia Bienne-Seeland et canton de Soleure. Les années suivantes, il présidera l’Union syndicale de Bienne-Lyss-Seeland et la Commission cantonale du marché du travail. Il sera membre de nombreux comités, commissions et délégations de négociations, notamment dans l’industrie des machines et de l’horlogerie.

«J’ai vécu 27 années très intenses, j’ai toujours eu une grande satisfaction à remplir mes tâches au syndicat. Je n’aime pas la routine et j’ai eu la chance de faire un travail très varié. Et de toujours bénéficier de la confiance des membres. C’est une condition essentielle pour mener le combat.» S’il a engrangé des succès, l’ancien responsable syndical avoue avoir vécu des situations difficiles: «J’ai négocié quantité de plans sociaux. Lorsqu’on ne peut pas sauver des postes de travail, il est toujours douloureux de voir des travailleurs proches de la retraite, qui ont tout donné à leur entreprise, se faire licencier. On a beau s’engager au maximum pour obtenir un plan social acceptable, cela fait mal.»

«Il nous faut des centaines de militants»

Il promet de continuer à militer dans la nouvelle phase de sa vie qui commence. «Je ne vais pas prendre ma retraite sur ce plan-là. Mon engagement va se poursuivre de manière différente.» Il a quelques idées et les projets ne devraient pas tarder à voir le jour chez ce jeune retraité en pleine forme. Il se réjouit déjà d’avoir plus de temps à consacrer à sa famille.

Comment voit-il l’avenir des syndicats? «Le mouvement syndical connaît une période difficile, mais je reste persuadé que des syndicats forts restent nécessaires au monde du travail. Les permanents ne peuvent y arriver seuls. Nous avons besoin d’avoir des centaines de militants actifs et engagés. J’espère qu’à l’avenir, nous serons capables de monter dans les entreprises des structures de militants qui défendent leurs emplois et leurs conditions de travail avec le syndicat. Si ce n’est pas le cas, il sera difficile de créer des rapports de force. Nous devons nous montrer attractifs et assez intéressants pour que les travailleurs poussent les portes du syndicat. Il nous faut gagner les salariés par la raison, mais aussi par le cœur, en nous appuyant sur nos valeurs d’une société plus juste, plus équitable, afin qu’ils nouent un attachement fort avec le syndicat.»

Un mémorial aux grévistes de 1918

Plaque du mémorial.
Dans les quatre langues nationales, la plaque rend hommage à «l'ouvrier inconnu». © Thierry Porchet

 

A l’initiative de l’Union syndicale de Bienne-Lyss-Seeland (UBLS), un mémorial à la grève générale a été inauguré le 12 novembre dernier à Bienne sur la place du Marché-Neuf. Du 12 au 14 novembre 1918, la grève générale avait été massivement suivie dans la ville ouvrière avant que l’intervention de l’armée n’y mette fin.

Financé par les syndicats avec une contribution de la Ville de Bienne et réalisé par Pavel Schmidt, le monument est constitué d’une plaque de bronze, d’un paratonnerre et d’un tampon de chemin de fer accrochés sur la vieille maison de la place du Marché-Neuf. C’est là que, le 11 novembre 1918, l’Union ouvrière avait appelé les travailleurs à participer au mouvement. Pour l’artiste, la grève générale et l’intervention de l’armée ont représenté pour la Suisse comme un coup de tonnerre. Dans les quatre langues nationales, la plaque foudroyée rend un «hommage» à la grève et se veut un «monument à l'ouvrier inconnu». Tandis que le tampon, placé sur un autre côté de l’édifice, évoque le rôle central joué par les cheminots.

Prenant la parole lors de l’inauguration, Jesús Fernández, ancien président de l’UBLS et initiateur du projet, a rappelé que la plupart des revendications des grévistes, alors rejetées par la majorité bourgeoise, furent acceptées par la suite, comme l’AVS ou le suffrage féminin. «Cet événement a parfois été décrit comme un échec, alors qu’il a marqué l’histoire suisse», a souligné, pour sa part, Pierre-Yves Maillard. «Dans cette situation de crise que nous connaissons» et au moment où «la droite prépare une offensive contre nos retraites», le président de l’Union syndicale suisse a appelé les travailleurs et les syndiqués «à retrouver le chemin de la combativité de l’époque pour défendre nos acquis sociaux».


«Bienne la Rouge» a 100 ans

En 1921, le Parti socialiste devient pour la première fois majoritaire à Bienne, inaugurant une phase de l’histoire locale qui durera pendant près de vingt ans: «Bienne la Rouge». Sous l’impulsion du maire Guido Müller, de nouveaux quartiers voient le jour, érigés en tant qu’habitat modèle pour la classe ouvrière. Jusqu’au 27 février, le Nouveau Musée Bienne (NMB) marque cet anniversaire par une exposition et des visites commentées sur le terrain.

Renseignements sur: nmbienne.ch

Affiche de l'événement.

 

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