Entre la santé de leur population et l’économie de leur pays, les Etats ont vite tranché. Après un confinement, plus ou moins strict, de quelques semaines, la fin de la récréation a sonné. Les patrons suisses l’ont dit: assez flâné, pas question de s’habituer à ce nouveau mode de vie. Les enfants seront donc renvoyés à l’école pour que leurs parents puissent retourner au charbon. Tout à coup, ce qui était vrai il y a quelques semaines est balayé d’un revers de main, comme si le virus avait disparu, alors qu’une infime partie de la population mondiale a été contaminée. C’est dans ces conditions que des millions de travailleurs aux quatre coins du monde vont reprendre le chemin du boulot, avec l’impératif de respecter des consignes de sécurité parfois intenables, du matériel souvent absent et la boule au ventre.
Les syndicats n’ont jamais été aussi indispensables. Pour défendre et protéger tous ces travailleurs au front, dévoués à continuer à faire tourner nos sociétés, à l’image des soignants, des vendeurs, des livreurs, des éboueurs et des nettoyeurs. Des métiers souvent dévalorisés, sous-payés et malmenés. Car, disons-le, sans les syndicats, le tribut aurait encore été plus lourd à payer pour ces héros des temps modernes. En Suisse, les syndicats se sont littéralement substitués aux autorités, beaucoup trop lentes, afin que des mesures de protection soient prises pour ces employés et pour que des contrôles des conditions de travail aient lieu. Malgré cela, tout n’est pas encore parfait, et il va falloir, à partir du 11 mai, gérer les autres secteurs d’activité qui feront leur grand retour. La présence syndicale est donc vitale.
Or, les libertés syndicales sont menacées. En Suisse, certaines entreprises générales de la construction ont décidé d’interdire aux syndicats l’accès aux chantiers (lire ici) Quand on sait que la distance sociale est quasi impossible à tenir pour ces métiers, et que les chantiers pourraient être des vecteurs considérables de propagation du coronavirus, empêcher les syndicats de se rendre sur ces lieux de travail relève de l’inconscience. Autre exemple, aux Etats-Unis, à la suite des mobilisations du personnel d’Amazon contre le manque de protection dans les entrepôts, un employé new-yorkais a été licencié après avoir organisé une action collective. Sans oublier l’explosion d’un phénomène qui existait déjà avant, relayé par la RTS dernièrement, à savoir le recours par les grandes entreprises à des consultants dont la mission est d’empêcher la création de syndicats au sein du personnel… Face à la crise sanitaire mondiale que nous vivons, nous avions l’occasion de changer les choses, de revoir notre modèle et de remettre l’essentiel au cœur de nos priorités, à savoir l’humain et l’environnement. Au lieu de cela, on dirait que la bonne vieille équation capitaliste se renforce: une minorité en haut se gave pendant que les travailleurs de la base, en première ligne, muselés ou laissés sur le carreau, sont les premiers à payer la crise.