Ensemble à gauche et Industriall ont dénoncé les exactions de Vale devant son siège international de Saint-Prex dans le canton de Vaud
«Vale assassin! Canton de Vaud, complice!» Une trentaine de militants ont scandé ces quelques mots pour dénoncer la multinationale Vale à Saint-Prex, à la suite de la nouvelle catastrophe humaine et écologique qui a ravagé l’Etat du Minas Gerais au Brésil le 25 janvier. Le bilan était déjà lourd cinq jours plus tard: plus de 80 morts et quelque 260 disparus, au moment où les manifestants solidaires avec les victimes se retrouvaient devant le bâtiment ultramoderne de Vale, le long d’une petite route de campagne.
Des militants portent des masques à l’effigie des conseillers d’Etat vaudois Pascal Broulis et Pierre-Yves Maillard, et du conseiller fédéral Ignazio Cassis en guise de dénonciation des politiques d’exonération fiscale, ainsi qu’une grande banderole rouge comme tachée de boue et de résidus miniers indiquant ironiquement «Thank you for choosing Switzerland» (Merci d’avoir choisi la Suisse). C’est le groupe Ensemble à gauche qui a appelé à la manifestation de ce 30 janvier, suivi par la faitière syndicale mondiale Industriall Global Union basée à Genève.
Deux membres du Collectif contre la spéculation sur les matières premières, Guillaume Matthey et Françoise Pitteloud, prennent également la parole pour dénoncer les agissements du leader du minerai de fer. L’occasion de rappeler notamment que, quatre ans auparavant, le Collectif avait déjà manifesté à la même place pour dénoncer les exactions de Vale. Deux Brésiliens, Juliana Benicio, avocate défendant les populations atteintes par les activités de Vale (qui sera présente lors du prochain forum le 23 mars à Lausanne), ainsi qu’Edi Carlos da Silva, membre de la direction nationale du Mouvement des travailleurs sans terre, alertaient déjà sur la pollution des terres et des cours d’eau générée par les mines de la multinationale, ainsi que des conditions désastreuses de travail et des risques pour la santé des travailleurs et de la population. Une dénonciation qui n’a, semble-t-il, pas été prise au sérieux par la direction de Vale. Car, quelques mois plus tard seulement, la rupture du barrage de résidus miniers de Fundão, près de Mariana, propriété de Samarco, une filiale de Vale, tuait 19 personnes et contaminait 800 kilomètres des rives du fleuve Rio Doce. Une catastrophe écologique surnommée le «Fukushima brésilien».
Quid des cadeaux fiscaux et des responsabilités
Quatre ans plus tard, face aux scènes de désolation et aux pertes humaines, les mêmes questions reviennent, matérialisées dans une énième résolution déposée au Grand Conseil par le député Vert Vassilis Venizelos la veille de la mobilisation. Elle demande une nouvelle fois des comptes quant aux exonérations fiscales dont bénéficie la multinationale, la non-déduction fiscale des amendes et des indemnités payées à l’étranger, et un positionnement du canton sur l’initiative pour des multinationales responsables. Autant de questions débattues également au niveau fédéral.
Jusqu’à présent, le modèle d’affaires de Vale semble lui permettre de diluer ses responsabilités. Comme l’écrit la société dans un e-mail à la RTS: «Vale International SA (à Saint-Prex, ndlr) est une entité distincte de Vale SA, elle n’est dès lors pas impactée par des amendes ou dédommagements infligés à Vale SA.»
En ce jour de mobilisation, Françoise Pitteloud, par ailleurs ancienne conseillère nationale, et Jean-Michel Dolivo, candidat au Conseil d’Etat pour Solidarités, sont reçus une dizaine de minutes par la direction de Saint-Prex pour s’entendre dire notamment que les indemnités – pour la majorité toujours pas versées – à la suite de la catastrophe de 2015 relevaient de Samarco et non de Vale. Or, Samarco est l’une de ses filiales.
Les syndicats internationaux au front
Valter Sanches, secrétaire général d’Industriall Global Union, Brésilien, assène: «Ce n’est pas un accident, c’est un crime! La compagnie connaissait les risques, déjà depuis plusieurs années. Elle aurait pu investir, elle a préféré générer encore plus de profit!» Industriall et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) demandent donc que la compagnie Vale prenne ses responsabilités et que toutes les activités des barrages de rétention des résidus soient stoppées, puis que les ouvrages soient rigoureusement inspectés. Dans un communiqué, les faîtières relèvent que cette nouvelle tragédie survient après qu’elles ont déposé plainte devant l’OCDE contre Vale et le géant minier anglo-australien BHP à la suite de la catastrophe de Mariana. Dans une lettre au CEO de Vale basé au Brésil, les syndicats demandent aujourd’hui une enquête approfondie sur les causes de la rupture du barrage à Brumadinho et une consultation immédiate avec les syndicats et la société civile sur la sécurité, ainsi qu’une indemnisation juste et rapide des victimes. Les faitières dénoncent encore le fait que Vale «a ignoré les lignes directrices sur la prévention de la défaillance catastrophique des bassins de stockage des résidus du Conseil international des mines et métaux (ICMM), publiées après la rupture du barrage Fundão. En outre, Vale a enfreint les normes de gestion de ces bassins énoncées dans l’initiative pour une exploitation minière responsable (IRMA).»
Industriall demande de surcroît que «toutes les entreprises travaillant dans les chaînes d’approvisionnement de Vale, y compris les multinationales de l’acier et de l’automobile, partagent la responsabilité de cette catastrophe et usent de leur influence auprès de Vale et du Gouvernement brésilien pour garantir qu’une telle tragédie ne se reproduise jamais».