Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

«Ce n’est que justice rendue!»

L’indemnité pour licenciement abusif n’est pas imposable. Ainsi en a décidé le Tribunal fédéral l’automne dernier. Cette indemnité n’est pas du salaire, mais vise à réparer un tort moral

C’est une bonne nouvelle pour les salariés qui, au terme de pénibles procédures, obtiennent une indemnité pour licenciement abusif. Cette dernière ne pourra plus être imposable dans le canton de Vaud, ni ailleurs en Suisse. Le Tribunal fédéral a statué sur la question l’automne passé. Une décision importante du point de vue du droit du travail et de la notion de tort moral dans le cas de licenciements abusifs. Définis par le Code des obligations (CO) à son article 336, de tels congés concernent notamment ceux donnés pour une raison inhérente à la personnalité du travailleur, à l’exercice d’un droit constitutionnel, à l’exigence de prétentions ou en raison de son appartenance à un syndicat ou une commission d’entreprise. En cas d’infraction à cette protection contre les congés, le salarié peut exiger, devant un tribunal, une indemnité d’un montant allant de 1 à 6 mois de salaire.

Si l’employé touche une telle indemnité, il doit la mentionner sur sa déclaration fiscale. Dans le canton de Vaud, l’Administration cantonale des impôts estimait jusque-là qu’une telle indemnité pouvait être imposée. Elle s’est vu infliger un double camouflet, d’abord du Tribunal cantonal, puis du Tribunal fédéral.

Ces instances ont statué sur le cas d’une employée d’une entreprise de transport licenciée par son employeur. En 2017, elle a intenté une action devant les Prud’hommes pour licenciement abusif et demandé une indemnité de 30000 francs, équivalant à cinq mois de salaire. Lors de l’audience de conciliation, l’employeur s’est engagé à lui verser 25000 francs. En 2020, l’Administration cantonale des impôts décidait d’imposer cette indemnité, ce contre quoi la travailleuse avait fait recours. Elle a obtenu gain de cause devant le Tribunal cantonal l’année suivante. Le Service des impôts a fait recours auprès du Tribunal fédéral, qui a donné raison à la salariée en octobre 2022.

Explications avec Nicolas Rochat, juriste à Unia Vaud.


Quelle est l’importance de cette décision pour les salariés?

L’arrêt du Tribunal fédéral pose le principe qu’une indemnité pour licenciement abusif est exonérée d’impôt. Il fait jurisprudence. Le Tribunal a confirmé que l’indemnité pour licenciement abusif est reconnue comme une indemnité pour tort moral et n’est pas un salaire.

Le but de l’article 336 du CO est double: il a, d’une part, une fonction réparatrice pour compenser l’atteinte subie par l’employé. Et d’autre part, une fonction punitive visant à sanctionner le comportement de l’employeur. Pour l’Administration fiscale vaudoise, compte tenu de cette double fonction, les indemnités déduites de cet article du CO devaient être fiscalisées. Or, le Tribunal cantonal, puis le Tribunal fédéral ont décidé le contraire et considéré cette indemnité de 25000 francs comme du tort moral. Ce dernier est, selon la Loi sur l’impôt fédéral direct, exonéré d’impôt, au même titre que certains revenus comme la solde des pompiers de milice ou celles pour les services militaire et civil.

Est-ce la première fois qu’une telle décision est prise sur l’indemnité pour licenciement abusif? Et quelles sont les répercussions pour les autres cantons?

Le Tribunal fédéral avait déjà précisé, en 1997, que les indemnités pour licenciement abusif ne devaient pas être considérées comme du revenu pour les assurances sociales. Elles n’étaient donc pas du salaire. Concernant l’impôt, deux arrêts ont été rendus par les Cours cantonales de Neuchâtel, en 2011, et de Genève, en 2014. Ils sont clairs et tranchés: ces indemnités sont exonérées.

Comme le Tribunal fédéral, ces juridictions partent du principe que l’Etat ne doit pas s’enrichir sur le malheur des gens. On ne peut que saluer cette décision qui n’est que la pure application d’un principe général du droit.

Ce qui est réjouissant, c’est que la question est définitivement tranchée au niveau fédéral et met sur le même plan toutes les autorités fiscales cantonales. Par analogie, l’arrêt devrait aussi s’appliquer aux licenciements avec effet immédiat. Le tort moral étant une indemnité pour réparer une atteinte à la personnalité.

Du point de vue syndical, cela met aussi en lumière de manière indirecte la question de l’imposition des indemnités obtenues en cas de licenciements collectifs, dans les plans sociaux. Unia Vaud s’était battu à plusieurs reprises pour que ces indemnités soient exonérées, ce qui n’est toujours pas le cas.

Quel est l’impact de cet arrêt du Tribunal fédéral pour les salariés se lançant dans une procédure de licenciement abusif?

Cet arrêt du Tribunal fédéral n’est que justice rendue. Il faut savoir que les procédures pour licenciement abusif sont les plus difficiles pour les personnes qui les entament. Il y a d’abord la question des preuves à fournir, les témoins à trouver et, après, la longueur de la procédure et les audiences où la partie adverse ne se gêne pas de dire des choses atroces. C’est déjà très dur de perdre son emploi, mais ensuite de revivre tout ça des mois plus tard est extrêmement pénible et peut avoir des conséquences terribles. Il est aussi très rare d’obtenir l’équivalent de 6 mois de salaire d’indemnité. Une indemnité d’ailleurs rarement à la hauteur du préjudice immatériel subi. Ce plafond de 6 mois devrait être augmenté substantiellement. 

Pour aller plus loin

La grande bataille de sa vie

Octavio Sanchez est interviewé.

Après quatre ans de procédure, Octavio Sanchez, un maçon tailleur de pierre, a réussi à faire reconnaître son épicondylite comme maladie professionnelle, avec le soutien d’Unia.

Le droit de manifester recule partout, y compris en Suisse

Des affiches prônant le droit de manifester devant un policier

Alors qu’Amnesty International vient de publier un rapport inquiétant sur la situation en Europe, tour d’horizon des restrictions apparues récemment dans notre pays.

Une collaboratrice d’Amnesty blanchie par la justice bernoise

Personnes avec un drapeau devant l'ambassade de Russie.

L’employée de l’ONG était accusée d’avoir organisé une manifestation illégale alors qu’elle était allée avec cinq personnes déposer une pétition à l’ambassade de Russie.

L’intelligence artificielle ne doit pas servir à violer les droits humains

Syndicom appelle les entreprises de la tech à ne pas exacerber les guerres et à ne pas réprimer leurs employés qui s’opposent aux applications militaires de leur travail