«Ce patron doit être mis hors d’état de nuire!»
Les syndicats genevois de la construction ont adressé une dénonciation pénale au Ministère public pour qu’il mette enfin un terme aux activités frauduleuses d’un administrateur
Infractions aux assurances sociales, infractions à la Loi sur le travail au noir, escroquerie, gestion déloyale, faillites frauduleuses, détournement d’argent et, sans surprise, violations des conventions collectives et de la Loi sur le travail. La liste des accusations contre le patron de plusieurs sociétés du bâtiment est longue. L’entrepreneur, d’origine portugaise et installé vraisemblablement à Genève, est bien connu des syndicats. A la tête de plusieurs sociétés – liquidées, radiées ou en exercice – dans les cantons de Genève et Vaud, l’administrateur s’est vite fait un nom. «A chaque fois, le procédé est le même, dénonce José Sebastiao, coresponsable du gros œuvre à Unia. Il ne paie ni les travailleurs ni les charges sociales et, quand il se sent coincé, il fait faillite, sauve les meubles et rouvre une nouvelle entreprise, laissant à chaque fois des ardoises de plusieurs centaines de milliers de francs à la charge de la collectivité publique.»
Actif dans le gros œuvre, le second œuvre et le nettoyage, ce patron sévit au moins depuis 2009 à la tête de C BAT Sàrl; De Oliveira Cristina - Net et Services; DCM rénovation et transformation Sàrl; Silpi Facility Sàrl et Synergy Investments SA. «Ses employés sont souvent précaires de par leur statut, fragiles socialement ou personnellement ou alors ce sont des personnes avec qui ils copinent pour les garder sous le coude, relève Amadou Sow, d’Unia à Nyon. Dans tous les cas, les salaires usuels ne sont pas respectés.» Quant aux chantiers, selon les syndicalistes, le travail est souvent mal fait ou jamais terminé…
Impunité totale
Malgré les dénonciations publiques répétées des syndicats, les infractions relevées par la commission paritaire et les nombreux cas individuels portés devant le Tribunal des prud’hommes – où l’accusé ne s’est jamais présenté –, rien n’a bougé. C’est pourquoi les syndicats Unia, Sit et Syna ont adressé le 6 juillet dernier devant les médias une dénonciation pénale au procureur général de Genève, lui demandant d’agir au plus vite pour que cet entrepreneur cesse ses activités. Pour les syndicats, il est temps d’agir et d’en faire un exemple.
«Si de telles choses arrivent, c’est que le système le permet, regrette José Sebastiao. Les élus et le Gouvernement sont complices d’une certaine manière.» Le syndicaliste renvoie au changement de la loi laissant aux employeurs un an pour déclarer leurs employés à l’AVS, au lieu de 30 jours. Mais aussi aux grandes campagnes judiciaires et politiques engagées contre la délinquance financière, alors que des entrepreneurs continuent à exercer en toute impunité. «Nous sommes dans un cadre conventionnel, ajoute par ailleurs Thierry Horner, son homologue du Sit. Or, il n’y a aucune volonté patronale de remédier à ces problèmes et de protéger davantage les travailleurs contre ces patrons voyous.» En effet, les syndicats avaient laissé jusqu’au 6 juillet aux représentants des employeurs pour revenir à la table des négociations. Dans un courrier, transmis la veille, ces derniers ont refusé la main tendue par les syndicats qui insistent: «Nous ne lâcherons rien, nous voulons des résultats!»