Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Cesser la guerre contre les capitalistes?

«Cessons cette guerre des classes, elle date d’un siècle précédent.» Cette injonction est celle du conseiller national Benjamin Roduit du Centre (ex-PDC). Commentant dimanche les résultats des votations, l’élu valaisan s’exprimait sur les ondes de la RTS au sujet de la répartition des richesses et sur «cette grande injustice sociale qui consiste à dire qu’il y a des riches qui exploitent les pauvres». Une affirmation déjà faite par Marx en 1848, signale-t-il, ajoutant qu’elle est bien dépassée puisque notre système économique actuel cherche à «atténuer les différences sociales». Et l’élu démocrate-chrétien d’exiger également de cesser «une fois pour toutes de stigmatiser les personnes qui, dans leur parcours de vie, ont eu l’opportunité mais aussi le courage d’avoir une fortune peut-être plus importante». En d’autres termes, si les riches sont riches, c’est un coup du sort et ils sont bien courageux de s’occuper de leur fortune... Ah, la belle compassion chrétienne. Laissons-les donc s’enrichir et continuer d’exploiter la force de travail de toutes celles et de tous ceux qui génèrent cette richesse à la sueur de leur front. Les travailleuses et les travailleurs apprécieront. Est-on dans un autre temps? Bien sûr beaucoup de choses ont changé. Mais jusqu’à preuve du contraire, l’immense majorité de la population n’a pas d’autre choix que de trimer tous les jours pour se nourrir, se loger, payer les primes de l’assurance maladie et tenter de profiter un peu de la vie quand le travail ne les accable pas et ne les détruit pas.

Quelques heures après l’élu du Centre, c’est Marco Chiesa, président de l’UDC, qui entamait la même rengaine dans l’émission Forum, passant à l’attaque après la cuisante défaite de l’initiative 99% de la Jeunesse socialiste: «C’est une guerre de la gauche contre les capitalistes, mais la gauche ne comprend pas que les capitalistes, ce sont les personnes qui paient les impôts.» Encore heureux dirons-nous, que certains d’entre eux paient des impôts. Or leur appétit les pousse à en payer le moins possible. En attestent les récentes réformes fiscales allégeant l’impôt sur le bénéfice des entreprises ou le vote du Parlement sur la suppression du droit de timbre, qu’il faudra bientôt combattre dans les urnes. Ou encore une certaine entreprise pharmaceutique, venue s’établir à Bâle-Ville au début du Covid-19 pour bénéficier des avantages fiscaux helvétiques alors qu’elle aurait touché des milliards de subventions dans son pays.

Revenons à nos riches, ces 1% qui détiennent le 47% de la fortune du pays. Ils peuvent se réjouir des soutiens de tous bords et de la peur orchestrée durant la campagne de votations. 64,9% de la population a rejeté le texte de la Jeunesse socialiste visant à imposer davantage les revenus du capital au profit des contribuables les plus modestes ou des services publics. Une miette pour le monde de la finance. Et un peu plus de justice fiscale pour les autres. Le mérite de l’initiative a bien sûr été d’ouvrir le débat sur la question. Cependant, à l’heure où la crise du coronavirus accroît de manière violente les inégalités sociales, il est légitime de se questionner sur le moyen utilisé. Les initiatives de la gauche ne franchissent pratiquement jamais la barre d’une votation. Et lorsque l’une d’elles parvient à remporter une majorité populaire, comme celle sur les multinationales responsables, elle s’effondre sur le conservatisme des cantons. Faut-il dès lors cesser cette «guerre des classes» comme nous y enjoignent les élus de droite? Ou faut-il réfléchir à d’autres moyens qui permettraient d’obtenir de véritables avancées sociales? Face aux intentions des chefs de l’économie et de leurs élus, la question doit être posée.