Plus d’informations sur le site: uss.ch
«C’est un affront pour tous les salariés»
Entre AVS 21 et la révision du 2e pilier, les attaques pleuvent. Les syndicats dénoncent les tournures prises par les réformes en cours. Avec notamment la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et le torpillage du compromis des partenaires sociaux pour le 2e pilier. Ils appellent les travailleuses et les travailleurs à la résistance et à manifester tous ensemble le 18 septembre à Berne
«Les réformes de la prévoyance vieillesse, telles qu'elles sont sur la table aujourd'hui, sont un affront aux travailleuses et aux travailleurs!» Tel est le message porté par l’Union syndicale suisse (USS), Travail.Suisse et Unia vendredi passé lors d’une conférence de presse. Ensemble, ils sont montés au créneau pour dénoncer la politique de la droite au Parlement, qui compte relever l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, mais aussi défaire le compromis des partenaires sociaux sur le 2e pilier. Une position intolérable pour les syndicats qui appellent à se préparer à une lutte longue et difficile, qui débutera lors de la manifestation nationale du 18 septembre à Berne (voir ici). Le Conseil des Etats s’apprête en effet à finaliser la réforme AVS 21 durant la session qui s’ouvre lundi prochain. Et la Commission de la sécurité sociale du National, qui a entamé l’examen du projet LPP 21, tente de «torpiller», selon les mots de Pierre-Yves Maillard, président de l’USS, le compromis présenté par les syndicats et l’Union patronale suisse.
Baisses des rentes et hausse des cotisations dans le 2e pilier
Première secrétaire adjointe de l’USS, Gabriela Medici a présenté les conséquences catastrophiques, pour les femmes et pour tous les travailleurs, des décisions préliminaires prises le 20 août dernier par cette commission: «Ces modifications entraîneraient des baisses de rente allant jusqu’à 12%. Pour les femmes âgées de 48 ans, cela représenterait une perte de presque 200 francs par mois à la retraite! Les réductions de rente seraient particulièrement élevées pour les personnes ayant 48 ou 49 ans lors de l’entrée en vigueur de la réforme». Ces changements découlent d’une proposition de l’UDC bâlois Thomas de Courten, qui modifie le système des suppléments de rente proposé par les partenaires sociaux dans le but de combler un tant soit peu les inégalités touchant les petits revenus et les temps partiels.
Des hausses de cotisations s’ajouteront aux diminutions de rente. Gabriela Medici a évoqué la situation d’une peintre en bâtiment gagnant deux fois moins qu’un expert en placement et qui paierait chaque année, durant 15 ans, les mêmes 300 francs de plus que l’expert. Le «modèle de Courten» crée des inégalités inexplicables, en cas par exemple de cotisations perçues sur la part non obligatoire du salaire. Ainsi, les travailleurs du second œuvre romand ou de la technique du bâtiment, gagnant environ 5400 francs, ne toucheraient pas le supplément de rente prévu alors qu’ils devraient financer celui des salariés des garages, et même ceux des ingénieurs ou des architectes. Des cadeaux fiscaux seront aussi offerts aux gros revenus pour leurs placements dans un 3e pilier.
Alors que les rentes du 2e pilier ne cessent de diminuer depuis une dizaine d’années et que les cotisations augmentent, la secrétaire de l’USS a souligné qu’«il est peu surprenant que deux tiers environ des assurés ont le sentiment qu’on leur vole des rentes qui leur reviennent».
L’AVS ne suffit pas pour vivre
Aude Spang d’Unia a fustigé le projet AVS 21 qui entend faire travailler les femmes un an de plus, et les priver ainsi de rentes durant une année. La responsable du groupe d’intérêts femmes du syndicat a indiqué que les travailleuses sont deux fois plus nombreuses que les hommes à devoir vivre avec un bas salaire et que nombre d’entre elles ne cotisent pas ou peu au 2e pilier. Les laissant avec des rentes insuffisantes. Elle donne l’exemple d’une mère de famille divorcée, employée chez Migros à 50%, qui a toujours travaillé, à part 6 mois de chômage. Elle touchera moins de 2000 francs à la retraite. Et celui d’une soignante payée 3200 francs à plein temps, dont la rente est aujourd’hui de 2500 francs, AVS et 2e pilier compris. «Une fois son loyer et son assurance maladie payés, il lui reste 300 francs. Comment peut-elle s’en sortir?» Aude Spang a rappelé le ras-le-bol des femmes face aux inégalités exprimé lors de la grève féministe de 2019. «Au lieu de chercher des solutions aux véritables problèmes, le Parlement veut augmenter leur âge de la retraite: c’est un affront!»
L’égalité salariale nécessaire
Président de Travail.Suisse, Adrian Wüthrich a déploré que «le compromis des partenaires sociaux sur le 2e pilier ait été mis sur la touche au profit d’un modèle qui entraîne des pertes massives de rentes». Il chiffre ces baisses à 1000 ou 1500 francs par an pour des personnes comme les postiers ou le personnel de santé ne faisant pas partie de la génération transitoire et qui devraient payer quelque 700 francs de cotisations en plus chaque année. Il a aussi fait le constat d’une tendance à «l’égalité négative», qui offre aux femmes ce qu’elles ne veulent pas et leur refuse ce dont elles ont besoin. Et a exigé l’instauration de l’égalité salariale, avec une loi efficace et un contrôle sérieux des salaires: «On ne le dira jamais assez fort: la discrimination salariale des femmes entraîne à elle seule des pertes de revenus annuelles de 825 millions de francs suisses dans l'AVS.»
«C’est une question de volonté politique»
«Il faut revenir à l’esprit de 1948», a plaidé Pierre-Yves Maillard, revenant sur cette année qui a vu naître l’AVS et qui a, dit-il, consolidé le sentiment national d’une Suisse moderne et d’un pays «qui protège les plus fragile de ses membres». Un esprit présent encore au début des années 1970: «La question que toutes les forces politiques se sont posée à l’époque était: est-ce que les rentes sont suffisantes pour vivre? La réponse a été non. Elles ont donc doublé leur montant et les cotisations.» Un choix qui n’a pas conduit à la faillite de l’AVS, a-t-il relevé, tout en indiquant que si les experts avaient décidé à ce moment-là, comme le demandent les jeunes PLR, de lier l’âge de la retraite à l’espérance de vie, on travaillerait maintenant jusqu’à 71 ans. «C’est une question de volonté politique et non d’experts. Il ne s’agit pas aujourd’hui de savoir comment on baisse les prestations, mais comment on les consolide. Voilà ce qu’on défend. On est au début d’un processus. La manifestation du 18 septembre est une première étape. Nous avons souhaité travailler à des compromis. Mais si la droite n’en veut pas, il est évident qu’on combattra devant le peuple, par référendum, pas seulement la réforme de l’AVS mais également toute réforme de la LPP qui s’éloignerait du projet des partenaires sociaux», a averti le président de l’USS. «Espérons que la raison finisse par l’emporter», a-t-il conclu, accusant la droite d’organiser un conflit entre couches sociales.