Concilier fin du monde et fin du mois? C’est possible
Unia Valais a présenté ses revendications pour une reconversion éco-sociale, favorable au climat et aux salariés
«Fin du monde?» «Fin du mois?» Non, ces deux questions ne s’opposent pas. C’est le message transmis par Unia Valais lors d’une conférence de presse tenue le 21 mai à Sierre, en guise de soutien à la Grève pour l’avenir. «Au début, sur les chantiers, il pouvait y avoir des réticences face aux revendications climatiques, mais aujourd’hui, grâce à un travail de persuasion et, surtout, à des propositions concrètes de reconversion éco-sociale, le thème est très bien accepté», note Blaise Carron, nouveau secrétaire régional d’Unia Valais. «De plus en plus de nos membres sont attentifs à ces questions. Le souci écologique prend une place active dans leur vie. On le sent bien dans les séances. Ce sont eux aussi qui nous bousculent pour que le syndicat s’en inquiète», ajoute Francine Zufferey, secrétaire syndicale.
«Nous souhaitons montrer l’importance de la connexion entre la lutte pour le climat et l’amélioration des conditions de travail. La reconversion que nous défendons doit préserver le climat par des mesures qui garantissent une meilleure justice sociale et une meilleure répartition des richesses. Autrement dit, c’est l’urgence de concilier “fin du monde” et “fin du mois”», indique Blaise Carron. Il rappelle que les mêmes logiques sont à l’œuvre dans l’exploitation des ressources naturelles et dans celle des forces de travail. Des logiques d’un ordre économique extrêmement inégalitaire, favorisant l’accaparement des richesses par une infime partie de la population et conduisant au réchauffement climatique. Et de donner l’exemple des émissions industrielles de CO2: «25 grands groupes sont, à eux seuls, responsables de plus de la moitié de ces émissions à l’échelle mondiale. Et 10% des plus riches sont responsables de 49% des émissions liées à la consommation.» L’inégalité est aussi patente en regard des victimes. Dans notre pays, les salariés les moins bien rémunérés sont les plus exposés au dérèglement climatique et aux dangers naturels qu’il provoque. «Face à cette logique économique, la lutte pour le climat doit aller de pair avec la lutte en faveur du monde du travail. La transition énergétique passe par l’arrêt du pillage des ressources naturelles et par une évolution positive des conditions de travail des salariés et par la création d’emplois.»
Mesures concrètes dans la construction
Serge Aymon, responsable de l’artisanat, a présenté des pistes concrètes pour aller dans cette direction. En particulier dans le domaine des bâtiments qui représentent un tiers des émissions de CO2 en Suisse et dont deux tiers sont toujours chauffés au mazout, alors que seul 1% des immeubles à rénover le sont chaque année. «Les mesures proposées seront génératrices d’emploi et de développement de professions», affirme le syndicaliste. Dans le domaine électrique, le renoncement au mazout et à l’essence exigera la production de 40 à 50 GW d’électricité, alors qu’à ce jour, seuls 2,5 GW sont utilisés. Cela représente, avec la pose de panneaux photovoltaïques, un potentiel de 15000 nouvelles places de travail. Les autres propositions pour un tournant écologique concernent la technique du bâtiment (chauffage solaire, pompes à chaleur, isolation des toits), la peinture (isolation périphérique des maisons), la menuiserie (changements de fenêtres), le génie civil (assainissement des sols pollués et carottage pour le chauffage géothermique) et les paysagistes (plantation d’arbres en zones urbaines). Par ailleurs, pour mieux protéger les ouvriers souffrant de périodes de canicule qui s’allongent, Serge Aymon appelle à compléter les CCT et à créer un fonds Intempéries comme celui existant dans le canton de Vaud qui «permet de faciliter le chômage en cas de canicule et de mettre les travailleurs à l’abri».
Réduction massive du temps de travail
Pour la réussite d’une reconversion éco-sociale, des conditions-cadres sont indispensables, a développé Francine Zufferey. Dans ce but, Unia va faire des propositions permettant un repositionnement idéologique. La première est une réduction massive du temps de travail, avec compensation du salaire pour les bas et moyens revenus. «Une telle diminution peut constituer un levier majeur de la transition écologique et sociale, en réduisant notre empreinte carbone et en améliorant la conciliation vie privée et vie professionnelle», note la syndicaliste. Autre mesure: l’instauration d’une garantie publique de l’emploi, une vieille revendication syndicale revenant d’actualité. «L’idée est que, si le secteur privé n’offre pas suffisamment de travail, le secteur public doit prendre le relais et proposer des emplois utiles et de qualité. L’objectif est que plus personne ne soit au chômage. Aujourd’hui, les chômeurs constituent le tampon de l’économie. Une garantie publique permettrait non seulement d’ôter de la culpabilité au chômeur, mais aussi de résoudre les problèmes de pauvreté et d’isolement social dus à l’absence de travail.» Une autre exigence de longue date est celle de la création d’un fonds pour la reconversion éco-sociale, alimenté par les avoirs des caisses de pension. «Cela offrirait des possibilités de placement en Suisse à cette fortune de plus de 1000 milliards investis hors du pays», souligne Francine Zufferey. Offensive de formation professionnelle, améliorations des CCT et droits de participation des salariés viennent compléter les revendications.
Au vu de l’urgence actuelle et des nouvelles forces sociales à l’œuvre, Unia Valais ne doute pas que les mesures préconisées seront prises en compte.