Corela: le Conseil d’Etat fribourgeois botte en touche
Répondant à une question du député Xavier Ganioz, le Gouvernement estime qu’il n’y a pas lieu de réviser les dossiers d’assurés dans lesquels une expertise Corela a fondé une décision
Fin mai, le Conseil d’Etat fribourgeois rendait publique sa réponse à la question du député Xavier Ganioz au sujet de la clinique Corela à Genève, ce centre d’expertises médicales épinglé par le Tribunal fédéral fin décembre pour de graves manquements, en particulier par les agissements du médecin responsable qui avait modifié des expertises sans l’accord de l’expert et sans avoir examiné les patients. Dans toute la Suisse romande, de nombreux assurés ayant passé par cette clinique, renommée aujourd’hui MedLex, se sont vu refuser des prestations d’assurances ou des rentes d’invalidité, les jetant dans la précarité la plus totale.
Au vu de la gravité de la situation, le député, par ailleurs syndicaliste à Unia, avait demandé en mars au Conseil d’Etat quand ce dernier comptait exclure des procédures en cours les expertises réalisées par Corela, quand et selon quelles modalités il allait réviser spontanément les décisions déjà prises fondées sur une telle expertise, quand et comment il allait informer les assurés concernés, et enfin s’il pouvait confirmer que l’Etat renonçait dorénavant à mandater la clinique Corela.
Dans sa réponse, le Gouvernement fribourgeois annonce d’emblée ne pas être compétent en la matière, les questions relevant de l’assurance invalidité étant du ressort fédéral. Le Conseil d’Etat a néanmoins transmis les questions du député à l’Office AI du canton et publie sous son nom les réponses de cet office. Ce dernier indique tout d’abord que Corela n’est plus mandatée, depuis 2014, pour les expertises mono ou bi-disciplinaires, et, depuis 2015, par l’Ofas pour les expertises pluridisciplinaires.
L’expertise médicale en question
Sur la demande de révision spontanée des cas, le Conseil d’Etat et l’Office AI estiment en préalable «qu’une expertise médicale n’est pas le seul élément pris en considération dans le processus pour déterminer le droit aux prestations d’assurance, que ce soit sous l’angle des mesures de réadaptation ou celui de la rente». Une réponse qui fait bondir le député: «C’est inadmissible de dire que l’expertise n’est pas le seul élément pris en compte! C’est le fondement de toute décision.» Etant donné que le Tribunal fédéral ne s’est penché que sur quelques cas, le Gouvernement refuse de mettre en doute l’ensemble des expertises réalisées par Corela et par là refuse de réviser les dossiers où figurent une telle expertise. Il renvoie à chaque assuré la responsabilité d’agir. Même chose s’il s’avérait que les faits reprochés à la clinique aient des suites pénales. Le député avait évoqué des faux dans les titres, impliquant des décisions «influencées par un crime». Le Conseil d’Etat précise à ce sujet que «la reconnaissance d’une infraction pénale devra en tous les cas être considérée comme un fait nouveau justifiant, sur demande, la révision de la situation».
Quant à l’information des assurés concernés par l’arrêt du Tribunal fédéral, la réponse indique qu’une seule situation est fribourgeoise, et que, dans ce cas, l’Office AI «a écarté l’expertise du dossier».
Pour Xavier Ganioz, la réponse du Gouvernement est loin d’être suffisante. «Le Conseil d’Etat botte en corner, comme il le fait systématiquement», dit-il, indiquant que, du côté du Grand Conseil, il sera difficile d’aller plus loin, ce dossier étant régi par des lois fédérales. Et de souligner: «Il y a un problème général à régler, celui de la sous-traitance à des privés de tâches relevant des assurances sociales. Il faut que l’Etat garde la main sur toute la filière qui détermine l’octroi des prestations.»