Les Invisibles présentent des femmes sans domicile fixe. Une fiction tragi-comique qui s’inspire d’une réalité encore trop souvent cachée
«J’ai voulu rendre hommage à ces femmes que la société a effacées et à celles qui les accompagnent au quotidien. Montrer que, malgré les revers de leur existence, elles ont eu une vie avant la rue, un métier, des compétences, et qu’elles n’ont rien perdu de leur personnalité, de leur dignité, de leurs envies, de leurs rêves…» Pari tenu pour le réalisateur Louis-Julien Petit dont la note d’intention reflète son dernier film intitulé Les Invisibles. Sans misérabilisme ni cynisme, il plonge le spectateur dans l’univers de ces protagonistes de la rue et des travailleuses sociales qui se donnent corps et âme pour leurs protégées, sans attente de reconnaissance (plutôt rare). Une fiction tragi-comique, pleine de rebondissements, qui frôle le documentaire. A la source de ce film: le livre (tiré d’un documentaire) Sur la route des invisibles de Claire Lajeunie. «Ce livre a été un choc: il était à mille lieues du ton très factuel, sociologique et grave auquel je m’attendais avec un tel sujet. Bien au contraire, j’ai plongé dans une histoire humaine, ayant toutes les composantes de la tragi-comédie, avec des femmes incroyablement complexes, touchantes et souvent drôles malgré des parcours de vie dramatiques», confie Louis-Julien Petit, dans le dossier de presse. Le réalisateur est allé ensuite à la rencontre de SDF dans différents centres d’accueil à travers la France pendant plus d’une année.
Casting hétéroclite
Les femmes SDF se cachent ou se masculinise et pourtant elles représentent 40% de cette population. Ce sont elles que Louis-Julien Petit a voulu mettre en lumière.
Dans le film, des personnes ayant connu la rue ou vivant en foyer d’accueil jouent aux côtés d’actrices professionnelles – Audrey Lamy, Corinne Masiero, Deborah Lukumuena, Noémie Lvovsky – et de quelques acteurs, dont Pablo Pauly. Un casting étonnant, donnant la part belle à l’improvisation. «Malgré ce qu’elles avaient vécu, et pas seulement des galères économiques, ces femmes sont toutes arrivées sur le tournage avec une confiance incroyable dans l’équipe, relève l’actrice Corinne Masiero. Rien ne m’impressionne plus dans la vie que cette faculté d’oubli des gens qui en ont pris plein la gueule!»
Sa collègue, Noémie Lvovsky révèle quant à elle: «On s’est materné, on a développé une vraie camaraderie, sans distinction de situation, sociale, professionnelle, financière. On savait bien pourtant qu’on n’avait pas toutes eu les mêmes chances et qu’on n’avait pas la même vie, mais ce qui nous soudait c’était ce travail, ce temps passé ensemble, dans le froid, à Tourcoing, en hiver, dans des hangars glacés, la bienveillance de l’équipe et le regard amoureux de Louis-Julien. Ce genre d’osmose est rare.»
Les Invisibles a le mérite de révéler la force de ces combattantes. Louis-Julien Petit confie: «Modestement, j’ai le sentiment que le film a permis à chacune de ces femmes d’avancer. A la fin du tournage, elles n’étaient plus les mêmes: avoir fait partie d’une équipe, avoir pris conscience qu’elles étaient indispensables, avoir été rémunérées, avoir pu se livrer, avoir été regardées, avoir été aimées… Tout cela les a transformées.» Une aventure en coulisse qui resurgit dans certaines scènes du film, poignantes, dans lesquelles la dignité est retrouvée.
Les Invisibles montre aussi la lutte des assistantes sociales et des bénévoles qui sont prêts à défier des lois iniques, au risque de perdre leur emploi.
Ce tableau social d’une France qui va mal fait ainsi écho à la lutte des Gilets jaunes, mais aussi, encore plus proche de nous, à l’interdiction de la mendicité qui s’étend un peu partout en Suisse, comme un moyen de cacher la misère.
Dans les salles romandes depuis le 9 janvier.