Nombre de jeunes souffrent des effets collatéraux de la pandémie. Entretien avec Kerstin von Plessen, professeure et cheffe du service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV
«Cet été, les demandes d’hospitalisation ont augmenté de 50% dans notre département» déclare Kerstin von Plessen, professeure et cheffe du service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHUV à Lausanne. «Il n’existe aujourd’hui pas encore d’études sur le sujet mais nos chiffres corrèlent avec ceux de nos collègues.»
Dans ce contexte, en réponse aux demandes croissantes en urgences et en suivi de crises, le département de la spécialiste a récemment mis en place un centre de jour. L’objectif est d’offrir un accompagnement soutenu aux enfants et adolescents dans le besoin. Crises suicidaires, troubles d’humeur et d’anxiété, pressions ou encore phobies scolaires: le service a ainsi revu son organisation pour faire face à l’accroissement des maux des jeunes. «Une société en crise nécessite des suivis de crises» affirme la professeure estimant que cette hausse inquiétante s’explique, en partie, par le sentiment d’insécurité auquel sont confrontés nombre d’adolescents. D’autres facteurs tels que la fermeture des écoles ou encore le port du masque contribuent également à les déstabiliser. «Mais on a également remarqué davantage d’angoisse à la reprise, lorsque les écoles ont rouvert. L’école à la maison convenait mieux à certains élèves et ils ont eu beaucoup de peine à retourner à l’ancien système. Sans oublier que le masque freine les échanges entre camarades» précise l’experte avant d’ajouter: «Dans notre secteur, les enfants entre 8 et 10 ans sont plus agressifs que d’habitude.»
Phase très sensible de la vie
S’il est difficile d’affirmer qu’il subsistera des problèmes psychiques à la pandémie, Kerstin von Plessen suppose que les trajectoires d’apprentissages ou d’études qui ont été changées marqueront durablement cette génération. «Etre jeune est une phase déjà très sensible de la vie. La crise sanitaire nous oblige à nous adapter en permanence à de nouvelles mesures et les enfants n’ont ainsi plus de cadre fixe. Les questionnements habituels soulevés à l’école ou à la maison ont été complètement perturbés par la période.» La professeure et son service souhaitent donc avant tout prévenir la crise plutôt que de la gérer. «La société et les adultes ont le rôle de redonner de l’estime de soi à ces jeunes.» Kerstin von Plessen rappelle enfin l’importance d’évoquer ses problèmes et invite les jeunes à privilégier les contacts réels aux réseaux sociaux. Tout en respectant bien évidemment les mesures sanitaires. «Le plus important est de parler. Il faut trouver les bonnes personnes avec qui partager ses soucis. Si nos amis et notre famille ne peuvent pas nous aider, il existe des lignes d’aides ou encore des services tels que le nôtre.»